Interrogé par la Commission de la culture et de l’Education de l’Assemblée nationale le 20 février, JM Blanquer a saisi l’occasion pour répondre indirectement aux nombreuses critiques portées sur son projet de lycée. N’hésitant pas à renverser les arguments, il a déclaré que les disciplines seraient mieux servies avec la réforme et qu’il y aurait moins d’inégalités. JM Blanquer s’est attaché à rassurer les professeurs de maths ou de SES sur les horaires disciplinaires. Il a aussi confirmé les bruits sur la disparition de l’écriture d’invention à l’épreuve de français.
Eclaircies sur les maths et les sciences
« Toute discipline sera renforcée par la réforme car elle sera plus suivie par chaque élève qui l’aura choisie ». Ce sophisme reflète bien l’argumentation de JM Blanquer le 20 février devant la commission de l’éducation de l’Assemblée. Le ministre prend visiblement plaisir à renverser les arguments. Peut-être il en abuse…
Interrogé par les députés, il a d’abord précisé le contenu du nouvel enseignement de tronc commun « humanités numériques et scientifiques » (HNS). « Cette culture scientifique commune suppose des compétences numérique notamment en codage et algorithmique », a précisé JM Blanquer « pour ceux qui s’inquiètent des compétences dans cette discipline ».
Vivement critiquée par les disciplines scientifiques, la réforme du lycée voit les horaires de maths, SVT et PC chuter selon les associations professionnelles (Apmep, Apbg et Udppc).
JM Blanquer a d’abord précisé que les professeurs de maths , de Svt et de PC sont « particulièrement concernés » pour enseigner les HNS.
Mais il a aussi détaillé l’offre en maths, répondant aux critiques de l’Apmep, distinguant entre les options maths expertes et maths complémentaires, cette dernière destinée plutôt aux élèves qui suivent un parcours SVT ou PC.
Les SES « consacrées par la réforme »
Il a ensuite opéré la même opération à propos des SES alors que l’association des professeurs de SES (Apses) dénonce la fin de la filière ES et des horaires insuffisants. Vivement attaqué sur ce point par plusieurs députées, comme N Essayan et S Rubin, JM Blanquer dénonce la désinformation. « Les SES sont consacrées par la réforme », dit-il, tout en ajoutant qu’elles seraient concernées par de nouveaux programmes. « La partie sciences politiques de l’enseignement histoire-géo sciences politiques sera confiée à des professeurs de SES « , ajoute P Mathiot. Cela pourra être aussi le cas pour l’enseignement « grands enjeux contemporains ». Pour lui, « au pire » le volume horaire actuel sera maintenu.
L’écriture d’invention retirée de l’EAF au profit de la dissertation
Le français a aussi été abordé. « La dissertation sera revalorisée », affirme JM Blanquer en réponse à une demande du député UDI Bournazel. « On peut imaginer 2 dissertations et un commentaire de textes à l’épreuve anticipée de français », dit le ministre. En effet selon lui , « on a un bilan mitigé de l’épreuve d’écriture d’invention ». Le ministre confirme ainsi une déclaration de l’AFEF. Finalement l’épreuve d’avenir d’EAF pourrait bien ressembler à son passé…
Les enseignements mis en commun entre établissements
Interrogé sur le risque de creusement des inégalités entre établissements suite à la réforme, le ministre a donné des précisions sur l’offre scolaire dans les lycées. « On va faire le calcul de tous les duos qu’on peut proposer en lycée comme base commune », explique le ministre. « On l’explicitera dans les prochaines semaines. On peut faire de cette offre un outil de compensation des inégalités. Tous les établissements auront le droit de proposer un duo original de disciplines supplémentaire. Les établissements défavorisés pourront en proposer deux ». Le ministre pense ainsi rendre attractifs les établissements défavorisés en jouant sur l’offre scolaire. Mais un peu plus tard il donne une autre clé. En fait les établissements seront incités à travailler en réseau et un élève d’un lycée pourra suivre un enseignement dans un autre établissement. Plus qu’une politique sociale on a là un instrument de gestion pour rentabiliser au maximum l’offre scolaire.
L’ouverture au privé confirmée
Un député de la majorité s’est inquiété de l’introduction de responsables d’entreprises pour enseigner dans les établissements. Et il apparait que le ministre y a effectivement pensé. D’une part l’heure et demi d’orientation sera confiée aux régions et elles pourront faire appel à des professionnels. D’autre part le ministre veut introduire dans le jury du grand oral des non enseignants. Le jury sera composé de deux professeurs et d’une troisième personne qui pourrait être un professionnel, ce n’est aps encore fixé. Mais à quel titre un cadre d’entreprise pourrait évaluer une recherche sur une oeuvre littéraire ou une expérimentation scientifique sans dévaloriser l’épreuve ?
Une réforme pour diminuer le nombre d’étudiants ?
Le débat s’est justement orienté sur la revalorisation du bac. Il a été lancé par la députée LR A Genevard. Elle remarque que « le nouveau bac ressemble beaucoup à ce que nous avions proposé dans notre programme de la présidentielle ». Et elle demande une « amélioration de la qualité du bac, un diplome que tout le monde obtient ». Sous entendu il devrait y avoir moins de bacheliers pour relever son niveau.
La député GDR Elsa Faucillon se positionne par rapport à cette remarque en dénonçant le fait que « cette réforme est une réponse au fait qu’il y aurait trop d’élèves qui aient le bac et qui vont en université ».
JM Blanquer annonce vouloir « améliorer la qualité du bac par le renforcement des disciplines dans les programmes ». Il annonce un changement « dans le sens de l’approfondissement » des programmes et aussi « de la sincérité des corrections ». Mais il promet que le but n’est pas qu’il y ait moins d’élèves qui aient le bac.
Pierre Mathiot entrera un peu plus dans les détail en annonçant qu’il « y aura une chute du taux de mentions… mais pas moins de bacheliers. Selon nos projections on va être sur les taux de réussite actuel ».
Pourtant il y a le grand oral qui renvoie à des compétences très marquées socialement, remarque un député de la majorité. « Aucune étude ne dit que l’oral est plus marqué socialement que la dissertation », répond assez maladroitement P Mathiot.
Pas de chance ce sont les deux types d’épreuves renforcées dans ce bac. Et cela ne va pas dans le sens de l’égalité et de la justice devant l’examen…
François Jarraud