Par François Jarraud
Cela a commencé en 2010 quand ils étaient en 5ème avec une invitation adressée à Jean Malaurie. Aujourd’hui les élèves du collège Jean Rostand, rebaptisé Jean Malaurie, de Longueville sur Scie (Seine Maritime) nous envoient cette photo depuis Umiujaq, un village situé au bord de la Baie d’Hudson au Nunavik, un territoire autonome Inuit du Québec.
Depuis 2010 une classe du collège Malaurie travaille sur le Grand Nord et la civilisation Inuit. Ils ont une grande chance : depuis trois ans ils bénéficient de deux enseignantes motivées et chaleureuses. En 5ème ils ont découvert l’oeuvre de Jean Malaurie avec leur professeur de français, Pénélope Carmona. Puis il y a eu en 2011 un grand travail avec leur professeur de physique Anne Bauters sur le changement climatique et des échanges réguliers avec des correspondants Inuit. Arrivés en 3ème, ils ont reçu en octobre 2011 la visite de leurs correspondants. Et les voilà en ce mois d’avril 2012 en terre Inuit. Pénélope Carmona nous donne par mail des nouvelles de ce projet.
Qu’est-ce qui a le plus surpris les élèves à Umiujaq ?
Nous avons fait un gros travail pendant trois ans sur le déplacement des représentations si bien que nos élèves sont très à l’aise, voire comme chez eux. Certains souhaitent rester ! Au départ, les familles Inuit, par souci de bienveillance, leur ont préparé des plats occidentaux et ce sont nos élèves qui ont demandé à goûter la nourriture locale, caribou, phoque cru et même oeil de poisson… Je pense que ce qui les surprend le plus finalement, c’est la beauté des lieux et la générosité des Inuits.
Ce voyage fait suite à une correspondance avec des jeunes Inuit. Comment s’est-elle installée ?
Au départ, nous avons mené un travail sur le développement durable dans le cadre des IDD. Nous avons travaillé sur la pollution quotidienne à laquelle nous étions soumis. Apres la rencontre avec J. Malaurie, nous avons axé notre étude sur les incidences de notre pollution sur les espaces et les peuples plus fragiles, notamment ceux du Pôle Nord. Cette perspective nous a permis de travailler sur le réchauffement climatique de la zone arctique et c’est dans ce cadre que nous avons commencé notre correspondance hebdomadaire avec les élèves d’Umiujaq, via Internet.
Comment articulez-vous cela avec les cours de physique-chimie et français ?
Ce travail nous a permis de nous pencher sur les espèces en voie de disparition, le réchauffement climatique, et sur les lichens bio indicateurs pour la partie scientifique assurée par ma collègue de sciences physiques, Anne Bauters. En français, nous avons créé des carnets de voyage en trois temps, qui nous ont permis d’oeuvrer sur le déplacement des représentations et d’affiner la maitrise des types de textes notamment. Les élèves ont également réalisé des dossiers et des exposés et ont acquis depuis l’an dernier la maitrise de l’argumentation. La correspondance par webcam a permis de travailler sur la maitrise de la production orale en situation.
Enfin, ce travail nous a donné l’opportunité de rencontrer de grands scientifiques tels Marc Delmotte ou Jean Malaurie et de grands artistes, J. P Jaud, réalisateur, T. Jouanneau et B. Paille, photographes ou W. Zarakovitz, journaliste a Télérama qui nous a suivis dans notre périple.
Que font les jeunes sur place ? Leur travail sera-t-il réutilisé au retour ?
Nos élèves sont immergés dans les familles et vivent comme des Inuit. Ils vont à la pêche sur la banquise, font du skidoo, des inukshuks (empilement de pierre), des kamiks (bottes inuits),… Nous avons également fait des prélèvements de lichens et d’eau qui seront analysés par le laboratoire de l’ACRO avec lequel nous travaillons depuis plusieurs années.
L’aventure vécue par les élèves sera réutilisée en cours. Ils ont un dernier carnet de voyage à faire pour pouvoir participer à un concours national. Ils préparent une chanson à la fois lyrique et engagée en France avec C. Ameline, auteur, compositeur, interprète. Ils alimentent également différents blogs, donnent des interviews et nous préparerons une exposition ainsi que l’animation de l assemblée générale d’un de nos donateurs.
Vous avez ouvert un compte twitter. A quoi vous sert-il ?
Au départ, twitter servait de fil rouge pour donner des nouvelles aux parents. On nous l’avait conseillé pour laisser une trace quotidienne de notre séjour et un lieu d’expression pour les élèves.
Envoyer des enfants aussi jeunes si loin n’est pas anodin. Qu’en pensent les parents ?
Nos élèves sont en 3e. Les parents sont enchantés et se sont beaucoup investis pour que ce voyage puisse se réaliser en organisant différentes actions afin de récolter l’argent nécessaire. Vous pourrez lire leurs réactions sur la page projet inuit sur Facebook.
Qu’attendez-vous de ce voyage au delà des objectifs disciplinaires ?
Nous espérons que les élèves auront pris conscience des enjeux liés aux changements climatiques et qu’ils seront désormais plus tolérants, solidaires et ouverts à l’égard des autres cultures. Avoir vu l’Arctique leur permettra, on le souhaite, d’être plus responsables à l’égard de la planète et des peuples racines que nous mettons en danger par notre société de consommation outrancière. Nous avons déjà pu mesurer également les acquis de nos élèves en matière d autonomie et de prise de responsabilités. Enfin, nous pensons qu’ils ont compris qu’avec du travail et de la volonté, tous les rêves, même les plus fous sont réalisables. A 14 ans, c’est un savoir inestimable.
Justement comment fait on pour monter un tel voyage ? L’administration doit trembler de peur ! Comment la convaincre et comment trouver le financement ?
C’est un euphémisme de dire que nous avons barré dans la tempête. Néanmoins, portées par les élèves, nous avons gardé le cap sans faiblir. Ce sont des heures et des heures de travail bénévole. Heureusement, nous avons rencontré sur notre route des gens bienveillants et des parents particulièrement motivés qui nous ont permis de mener a bien ce projet.
Quand rentrez-vous et qu’allez-vous faire de cette expérience ?
Nous rentrons le 21 avril. Nous allons essayer de partager cette expérience au travers des carnets de voyage, d’expositions, de compte rendus.
Propos recueillis par François Jarraud
Liens :
Le blog du projet
http://blog.ac-rouen.fr/clg-rostand-dans-l[…]
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