La Cour des comptes a publié un rapport lundi 16 septembre 2024 sur l’inclusion scolaire des élèves en situation de handicap. Depuis la loi de 2005, « la scolarisation des élèves en situation de handicap dans le milieu scolaire ordinaire constitue en France un principe de droit ». Le rapport de la Cour des comptes souligne les faiblesses de l’inclusion scolaire, l’absence d’efficience et de performance et de fluidité entre les secteurs médico-sociaux et éducatifs. Sera-t-il une étape vers l’acte II de l’école inclusive ? E Macron annonçait déjà la « refonte de la politique d’accueil des élèves en situation de handicap à l’école » en avril 2023.
Quelques chiffres
Les effectifs des élèves en situation de handicap scolarisés en milieu ordinaire ont triplé entre 2006 et 2022, ils étaient 155 361 en 2006, et 436 085 en 2022 pour 78 817 accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) en poste à la rentrée 2023, soit le 2ème métier de l’Éducation nationale. L’État investit 3,2 milliards d’euros pour l’inclusion scolaire. Pour le rapport, « sur le plan quantitatif, la réussite est donc indéniable ». Pour le reste, les rapporteurs soulignent les difficultés d’évaluer l’inclusion scolaire, l’absence de données et la complexité du système. Lors de la conférence de rentrée, la ministre démissionnaire Nicole Belloubet a parlé de 24 000 élèves scolarisés dans les établissements scolaires, faute de place dans les structures médico-sociales.
Un manque de données pour évaluer la politique publique menée
Le rapport pointe une des faiblesses de la politique de scolarisation des élèves en situation de handicap : la dépendance « deux secteurs dont la coordination et les interactions ne sont pas satisfaisantes : le secteur éducatif et le secteur médico-social ». Le manque de places dans les Maisons départementales des personnes handicapées conduit les familles à scolariser des enfants dans des écoles, collèges ou lycées « face auxquels les intervenants éducatifs se sentent souvent démunis pour diversifier leur action pédagogique en raison de nombreux facteurs : des effectifs d’élèves par classe qu’ils jugent trop nombreux et qui limitent les possibilités d’individualiser leurs enseignements, l’absence de supports pédagogiques adaptés et les délais généralement trop longs pour disposer des équipements nécessaires », écrit la Cour des comptes.
La Cour souligne l’absence de données sur les financements pour ces élèves : « seul est connu, à ce jour, le montant qui relève du périmètre budgétaire du ministère de l’éducation nationale (3,7 Md€ en 2022) et qui comprend les rémunérations de personnels enseignants et accompagnants ainsi que les dépenses pédagogiques. Il n’intègre pas les financements qui sont apportés par les collectivités territoriales « .
Les collectivités ont la charge de l’accessibilité. La Cour relève l’absence fréquente d’un « diagnostic partagé entre l’Education nationale et les collectivités territoriales » pour planifier les besoins aux élèves en situation de handicap.
Effet de la scolarisation sur la réussite scolaire ?
La Cour souligne également l’absence de données et d’études sur les effets de la scolarisation pour les élèves, en termes de réussite scolaire ou éducative. « Il en résulte qu’il n’est guère possible de se prononcer sur les performances du modèle français d’inclusion scolaire des élèves en situation de handicap, et encore moins de comparer celui-ci avec d’autres pays ».
Le taux d’élèves en situation de handicap intégrés en milieu scolaire varie selon le type d’enseignement : il est plus élevé dans la voie professionnelle avec 4,9% d’élèves en situation de handicap en 2021 contre 0,9% dans la voie générale et technologique.
Le taux de chômage de 12% (contre 7% en 2022) est deux fois plus élevé pour les personnes en situation de handicap, « ce qui montre, à la fois, les limites de l’appareil de formation français à donner à tous les jeunes les mêmes chances en termes de trajectoire professionnelle, et les freins qui subsistent, notamment pour les formations sous statut d’apprenti ».
« Recours massif aux AESH au détriment des supports pédagogiques adaptés »
Le rapport interroge le modèle d’accompagnement des élèves en situation de handicap : « Il paraît impératif de revoir la situation actuelle qui est marquée par un recours prépondérant à l’accompagnement au détriment des dispositifs d’accessibilité qui restent insuffisamment aboutis ». Le recours massif d’AESH est questionné tout comme l’insuffisance de la formation : « Les enseignants et les accompagnants d’élèves en situation de handicap estiment ne pas être suffisamment outillés et préparés, que ce soit en termes de formation initiale ou continue, pour faire face à des situations qui, selon eux, dépassent parfois leurs compétences et leurs moyens d’action. » Lors d’une audition à l’Assemblée nationale du 11 septembre 2024, les organisations syndicales ont largement évoqué la question de l’inclusion et dénoncé la situation des AESH, de la mutualisation. Guislaine David, co-secrétaire générale du FSU-Snuipp rappelait que « l’expérimentation des PIAL n’a jamais été analysée ». La déclaration commune de l’intersyndicale demandait « la création d’un statut de fonctionnaire pour les AESH ».
Le nombre des AESH a augmenté, mais la Cour des comptes interroge cette stratégie : « une valorisation plus marquée des enseignants spécialisés est souhaitable à leurs yeux » peut-on lire dans le rapport.
Parcours du combattant
Le rapport préconise une meilleure coordination entre les structures scolaires et médico-sociales pour améliorer l’inclusion. Pour la Cour des comptes, « il serait également souhaitable d’établir un référentiel professionnel permettant de garantir la pertinence de leur accompagnement individuel ou mutualisé auprès des élèves ».
En bref, depuis 2005, trois fois plus d’élèves en situation de handicap ont été accueillis dans les établissements scolaires. Il est cependant difficile d’avoir une évaluation qualitative. Il n’est « guère possible de se prononcer sur les performances du modèle français d’inclusion scolaire des élèves en situation de handicap », conclut la Cour. Ce rapport sonne comme une invitation à repenser le modèle.
Djéhanne Gani
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