« On est passé depuis un certain nombre d’années à tout autre chose : on est actuellement dans un état de sacralisation des notes comme on n’en a jamais eu, bien supérieur au lycée ou au collège de la fin du XIXéme siècle… Regardez sur une classe sixième, une dizaine de matières, une trentaine d’élèves, dix notes par trimestre, vous avez dans une classe de sixième de l’ordre de 10000 notes qui sont mises dans une année ! J’insiste là-dessus : on n’a pas toujours en tête la fabrication industrielle de la note qui est la réalité que l’on constate. En apparence pas de problème, d’ailleurs : de l’industrie, mais très peu de réflexion en général : on réfléchit très peu dans les établissements à tous ces fonctionnements-là… ». Sur le site de Jacques Nimier, Roger-François Gauthier, inspecteur général de l’administration de l’éducation nationale, dénonce le non-sens de cette évaluation et » la dictature invraisemblable de la moyenne ».
» Le risque, puisque ce système ne sait pas lire ses résultats, c’est que des modèles de lecture de résultats autres s’installent, inspirés du modèle du marché, qui, lui, sait lire des résultats . Si la République ne sait pas faire, le marché saura faire ! Il fera autre chose, mais il fera. Centré sur la » performance « . Et cette centration aveugle sur la performance, je n’invente rien, elle est très active dans des systèmes voisins, c’est le » testing » permanent, c’est le « teaching for testing », avec comme conséquence la réduction des curricula, la réduction des programmes à ce qui peut être évalué à peu de frais ; c’est la centration sur les compétences basiques, le » back to basics » de Margaret Thatcher ; ce sont des phénomènes de triche et de corruption , qui ne sont pas non plus à minimiser. Avec de façon plus grave l’abandon des plus faibles, l’abandon des plus faibles établissements et l’abandon des plus faibles élèves : ceux qui ne font pas monter les scores, bien évidemment. Et puis d’autres choses autour comme le paiement des professeurs au mérite, etc. »
Il invite à » accepter aussi que l’évaluation ne soit plus une activité solitaire : il faut réfléchir ensemble à l’évaluation, notamment dans les établissements » et à ce que » ce soit une activité elle-même évaluée ». Roger-François Gauthier est co-signataire du rapport de l’Inspection générale sur l’évaluation des acquis des élèves. Un rapport courageux qui invite à revoir les évaluations et par suite à réfléchir aux programmes et aux apprentissages. Jacques Nimier saisit l’occasion pour proposer des ressources bibliographiques pour approfondir la réflexion.
Le site de J. Nimier
Le rapport sur l’évaluation (Expresso)