Par François Jarraud
Comment amener des bacheliers professionnels vers des études supérieures longues ? Comment préparer ces jeunes, souvent socialement et culturellement démunis, vers un master ? C’est le pari qu’a relevé le Cnam, sous la direction de Christian Forestier, avec l’ouverture à la rentrée 2010 de l’Ecole Vaucanson, une grande école pour bacheliers professionnels.
« On veut apporter la preuve concrète qu’en prenant les meilleurs élèves de bac pro on peut les conduire jusqu’à l’excellence, au niveau des Grandes Ecoles ». En janvier 2008, Jean-Pierre Boisivon, délégué général de l’Institut de l’Entreprise, une organisation proche du Medef, confiait au Café sa détermination à mener ce projet jusqu’au bout. Mais hisser ainsi des bacheliers professionnels vers le bac + 5, c’est un pari difficile et risqué. Peu s’y sont risqués. A Strasbourg, un lycée public a ouvert en 2009 une classe préparatoire réservée aux bacheliers professionnels. A Grenoble, l’université Fourier a ouvert en 2009 l’Eneps, une école préparant des bacheliers professionnels du secteur production à un master.
Dés son arrivée au Cnam, il était clair pour Christian Forestier que « le Cnam doit s’y mettre ». « C’est un signal très fort qui est envoyé aux jeunes : le bac pro n’est pas une fin. Si l’on est très bon, on peut accéder à des responsabilités ».
Une structure nouvelle
Christian Forestier a imaginé, avec Vincent Merle, directeur de l’Institut Vaucanson et Nicole Lévy, directrice de l’Ecole Vaucanson, un dispositif qui s’appuie sur l’identité du Cnam et qui le distingue nettement des autres projets. « On ne demande pas aux étudiants d’oublier leur métier », insiste C Forestier. « Au contraire, on compte sur les entreprises pour les faire progresser sur le terrain professionnel. Mais, en parallèle, ils suivront un tronc commun qui les mènera vers la licence et le master. Nous, on garde la double culture, celle du métier et celle de l’école ».
Ouverte à la rentrée 2010, l’Ecole Vaucanson sera une grande école préparant à une licence et à un master de management ou d’ingénierie industrielle. Le Cnam pilotera le projet mais il sera multi sites, en partenariat avec plusieurs grandes écoles. Les étudiants seront en contrat d’apprentissage avec de grandes entreprises partenaires du projet : Axa, Paribas, Edf, Psa, Suez, Vivendi etc. Ils suivront une formation de 5 ans, avec une possibilité de sortie en licence. La formation est payée par la taxe d’apprentissage et des aides de la région Ile-de-France. L’apprenti n’a rien à payer.
Autre originalité de l’école, le recrutement concerne aussi bien des bacheliers professionnels industriels que tertiaires. Les candidats sont sélectionnés sur dossier et entretien.
Une pédagogie spécifique
L’école prépare à la licence en trois ans et au master en 5 ans. Elle n’impose pas d’année préparatoire supplémentaire. C’est à Vincent Merle et Nicole Lévy que revient la tâche de déterminer les contenus de formation. « On a commencé à déterminer les compétences que le jeune doit acquérir » explique V Merle. On s’est ensuite demandé quel cadre pédagogique est le meilleur pour chacune. Dans certains cas les étudiants pourront rencontrer des experts. Mais à d’autres moments, on a fait le choix de la pédagogie de projet ». « Par exemple, les étudiants étudieront l’entreprise à travers la gestion d’un portefeuille d’actions », ajoute N Lévy. « Ou ils travailleront sur l’entreprise socialement responsable avec un enseignant. On veut aussi les amener à aller vers les enseignants ».
A coté des experts de haut niveau, les étudiants seront encadrés par des enseignants de lycée. Christian Forestier espère obtenir plusieurs postes de PLP, des enseignants qui connaissent bien les bacs pro, pour accompagner les apprentis. Des tuteurs, choisis parmi les étudiants des grandes écoles, accompagneront les bacheliers pros.
Pour sa première rentrée, l’école Vaucanson pense accueillir de 30 à 50 étudiants. Un chiffre qui mènerait à 250 étudiants environ dans 5 ans, indépendamment des autres sites. La « grande école des bacs pros » aura alors démontré son efficacité.
Liens :
A Strasbourg une classe préparatoire pour les bacs pro