Dans sa dernière note, la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) fait le point sur l’évolution de la mixité sociale dans les collèges à la rentrée 2023. Le service statistique du ministère offre une analyse détaillée des disparités sociales entre collèges publics et privés, et entre différents départements.
Une ségrégation sociale persistante, mais contrastée
Les collèges français présentent une grande diversité de compositions sociales, reflet des inégalités scolaires et économiques du pays. La ségrégation sociale entre collèges, bien que globalement stable au niveau national depuis 2014, révèle des disparités importantes selon les départements et les secteurs d’enseignement.
En 2023, 35% des collégiens sont issus de milieux défavorisés, avec des proportions allant de 58,8% dans les collèges les plus défavorisés à 12,4% dans les établissements les plus favorisés. Les enfants de cadres supérieurs et de professions libérales représentent 25,2% des collégiens, mais cette proportion chute à 7,1% dans les établissements les moins favorisés et dépasse 49,9% dans les plus favorisés. Ces chiffres témoignent d’une ségrégation marquée par la profession des parents, un indicateur clé du milieu social des élèves.
La ségrégation sociale est également influencée par l’existence des secteurs public et privé. En 2023, 22% des collégiens fréquentent des établissements privés sous contrat, qui accueillent une proportion significativement plus élevée d’élèves de milieux favorisés (42,3% contre 20,5% dans le public). Inversement, les élèves issus de milieux défavorisés sont surreprésentés dans le secteur public (40,1% contre 16,6% dans le privé). Cette dualité accentue les inégalités scolaires et sociales entre les établissements.
Inégalités territoriales
Depuis 2015, le ministère de l’Éducation nationale a mis en place des politiques visant à favoriser la mixité sociale au sein des collèges. Ces initiatives incluent la relocalisation d’établissements, la modification des secteurs de recrutement des élèves, l’accueil d’élèves boursiers dans les collèges favorisés, et l’enrichissement de l’offre pédagogique dans les établissements défavorisés. Ces mesures prises par Najat Vallaud-Belkacem sous le quinquennat Hollande n’ont plus bénéficié du soutien du ministère de l’Éducation nationale. Même si Pap Ndiaye, alors ministre, avait tenté d’imposer un plan mixité ambitieux qui aujourd’hui se révèle n’avoir été qu’un coup de com’ de plus.
La note de la Depp souligne l’importance de la variation de la ségrégation sociale selon les départements. Depuis 2014, elle a diminué dans une vingtaine de départements, principalement situés dans le nord et l’ouest de la France. Cette réduction est souvent due à une baisse des écarts de composition sociale entre les secteurs public et privé. En revanche, dans une vingtaine de départements, principalement situés dans le sud de la France, la ségrégation a augmenté, en raison notamment de l’accroissement des écarts de composition sociale entre les secteurs public et privé. La ségrégation sociale est plus forte dans les départements urbains comme les Hauts-de-Seine, Paris et les Bouches-du-Rhône. Ces territoires présentent une ségrégation résidentielle élevée et une forte concurrence entre établissements, poussant les familles favorisées à choisir des collèges privés. Cette tendance accentue la ségrégation sociale et creuse les écarts entre collèges publics et privés.
Une mixité sociale à géométrie variable
L’indice d’entropie, utilisé pour mesurer la ségrégation sociale, montre des évolutions contrastées selon les départements. Au niveau national, l’indice global est resté stable depuis 2014. Toutefois, cette stabilité masque des dynamiques différentes entre les collèges publics et privés. Depuis 2018, la ségrégation parmi les collèges publics diminue, reflétant une plus grande homogénéité sociale. Une tendance similaire est observée dans les collèges privés. Cependant, les écarts de composition sociale entre les secteurs public et privé se sont creusés, le secteur privé accueillant de plus en plus d’élèves issus de milieux favorisés.
Les disparités de composition sociale entre collèges sont également marquées au sein des secteurs public et privé. En 2023, les collèges publics accueillent en moyenne 40,1% d’élèves de milieux défavorisés, avec une répartition inégale selon les établissements. Les collèges privés sous contrat scolarisent en moyenne 16,6% d’élèves de milieux défavorisés, avec une variabilité également importante. Cette hétérogénéité est en partie liée à la ségrégation urbaine et à la localisation des établissements dans des zones socialement plus ou moins favorisées.
Si Najat Vallaud-Belkacem avait lancé des expérimentations ambitieuses en matière de mixité sociale – les dernières études le montrent, le manque d’intérêt pour cette question des différents gouvernements sous Macron a fini de plomber un bilan déjà mitigé.
Lilia Ben Hamouda