Cécile Kohler, enseignante de lettres modernes, a été arrêtée le 7 mai 2022 lors d’un voyage touristique avec son compagnon, Jacques Paris, professeur de mathématiques à la retraite. Depuis maintenant près de deux, elle est détenue dans la prison d’Evi, à Téhéran, où elle partage une cellule de neuf mètres carrés avec d’autres prisonnières, dormant à même le sol, très affaiblie, après avoir passé plusieurs mois en isolement cellulaire total. Ses appels à ses proches sont drastiquement réduits en nombre et en durée, et se déroulent toujours sous haute surveillance, tout comme les trois seules visites consulaires très courtes accordées en deux ans. Famille, proches, collègues déploient toute leur énergie, à travers un comité de soutien « Liberté pour Cécile », à obtenir sa libération, ainsi que celle de son compagnon Jacques Paris et de Louis Arnaud, autre otage en Iran, arrêté en septembre 2022. Le Café pédagogique donne la parole à Elodie Pinel, professeure de philosophie, pour évoquer Cécile Kohler, son amie, sa collègue, notre collègue…
À l’heure où beaucoup d’entre nous recevons nos convocations pour être jury de bac, je pense à Cécile.
Cécile est ma collègue. Depuis quinze ans, elle est prof de français.
Cette année, c’est la troisième année qu’elle manquera à l’appel du bac.
Dimanche, sa sœur Noémie est intervenue sur une chaîne nationale : Cécile est emprisonnée dans la prison d’Evin, à Téhéran, depuis mai 2022. Otage de l’Iran.
Ce n’est pas en cellule que Cécile devrait être, mais face à ses élèves, pour la dernière ligne droite avant le bac. Ce n’est pas le son poussé au maximum de télévision nationale iranienne que Cécile devrait entendre à longueur de journée ; ce sont les voix de ses proches, de ses collègues, de ses élèves. Ce ne sont pas seulement trois livres que Cécile devrait avoir à disposition, mais toute une bibliothèque, tant les bibliothèques sont une consolation, un refuge, une terre promise.
En cellule, Cécile lit et relit l’Odyssée jusqu’à l’apprendre par cœur. Il y a quelques années, elle l’enseignait au collège, ce récit d’un retour au pays natal.
Cécile est ma collègue, celle avec qui j’ai préparé l’agrégation, celle avec qui j’ai échangé sur les difficultés de nos métiers, avec qui j’ai déploré la dégradation de nos conditions de travail ; celle aux côtés de laquelle j’ai défilé en manifestation pour défendre la dignité de notre mission. Celle dont les conversations m’ont redonné foi en ma mission.
Cécile est votre collègue autant que la mienne.
Cécile est notre collègue, à toutes et tous. Elle est de celles qui ont la lumière, l’énergie, la vitalité nécessaires à rallumer les étoiles dans le cœur des élèves.
Lorsque j’ai demandé à mes élèves de philosophie ce qui leur a manqué pendant le confinement, ils ont écrit sur le tableau blanc : la famille – les interactions – la solidarité.
La liberté.
Nous espérons que le rectorat de Versailles et le Ministère de l’Education Nationale prendront pleinement la défense de Cécile dans les semaines et mois à venir. D’ici là, c’est à nous toutes et tous, ses collègues, de parler d’elle et de réclamer, d’une seule voix, sa libération.
Elodie Pinel
Liberté pour Cécile. Comité de soutien