Deux BD : un manga, primé à Angoulème, au rythme des rêveries d’une jeune fille au fil des saisons, et une BD, d’après un livre de Robert Badinter, qui retrace la vie d’Idiss, sa grand-mère.
Baillements de l’après-midi, de Shin’ya komatsu, Ed. Imho
Automne, hiver, printemps, été : des promenades pleines de poésie et de rêveries à travers Awako, la ville de l’auteur au Japon. L’extraordinaire de l’ordinaire filtre à travers chaque petite histoire. La première, L’effet domino, est celle du voyage d’un bâillement qui passe du crapaud au chat, puis au chien, à la petite fille qui traverse le parc et qui finit chez la jeune femme qui lit sur un banc. Plus loin, un chat qui entraîne dans un raccourci étrange et merveilleux mais qui demande une récompense en poissons. Un chapeau qui fait dormir, un œuf de compagnie, des offrandes de fleurs, des nuages en papier… Tout est prétexte à un pas de côté dans un imaginaire doux, ancré dans des déambulations urbaines. Un petit voyage au pays du soleil levant, où l’on a le temps d’apprécier les bizarreries et le quotidien en franchissant le seuil d’univers étranges et familiers à la fois. Le sens de l’observation mêlé au partage des petits plaisirs du quotidien, rendus par un trait empreint de douceur.
Idiss, d’après le livre de Robert Badinter, de Richard Malka, ill. Fred Bernard, Ed. Rue de Sèvres
Alors que les hommages ont été nombreux pour célébrer Robert Badinter qui vient de décéder, acteur engagé et décisif dans l’abolition de la peine de mort lorsqu’il était Garde des Sceaux, se plonger dans son histoire familiale permet de mieux comprendre l’homme et ses combats. Idiss, sa grand-mère, vivait dans une bourgade juive en Bessarabie (aujourd’hui Moldavie), où s’étaient réfugiés de très nombreux juifs fuyant les persécutions antisémites. Déjà mère de deux enfants, elle se débrouille pour survivre, dans la petite isba de ses parents, en l’absence de son mari, soldat du tsar. A son retour, ce mari joueur l’aide peu, mais l’amour domine la vie de cette famille. Quand les pogroms se rapprochent, les fils aînés partent. Quelques années plus tard, Idiss et Shulim les rejoignent à Paris, et c’est là que se poursuit l’histoire d’Idriss. Les deuils, les mariage, les naissances, la guerre… Les images colorées rendent compte des jours heureux et de ceux plus sombres. Cette histoire singulière et intime d’une immigrée juive de l’Empire russe venue à Paris avant 1914, a une portée universelle.
Marianne Baby