La grève est un bon moyen de manifester sa colère lorsqu’on estime qu’on n’est pas entendu. Pour les enseignants, qui de longue date souffrent du manque de reconnaissance, la grève est le moyen de revendiquer leur statut : celui d’ingénieurs pédagogiques devant recevoir la confiance des autorités éducatives et devant percevoir une rémunération à la hauteur de leurs capacités.
Lorsque les enseignants font grève, ils perdent un trentième de leur rémunération mensuelle, quel que soit le volume horaire des cours qu’ils devaient assurer dans la journée. Pour certains, la grève ne porte que sur deux ou trois heures, ce qui amène une perte de rémunération qui va bien au-delà des quelques heures non assurées. Aussi, sachant que l’opinion publique est très sensible aux effets de la communication et par respect pour les enseignants qui ont beaucoup à perdre en faisant grève, il semble important que les grévistes soit correctement comptabilisé et que l’information soit correctement relayée. Or, il n’en est rien.
Lors des journées de grève des enseignants, le ministère demande aux établissements scolaires de remonter, en milieu de matinée – avant 10 heures généralement – le nombre de grévistes constatés. Cela permet de disposer d’informations qui seront agrégées au niveau national afin de donner une estimation officielle. Il s’agit d’un indicateur de mesure qui est fiable pour le premier degré mais qui comporte un biais dans le second degré.
En faisant les remontées, les personnels de direction des collèges et lycées peuvent constater que le taux calculé sur l’ensemble des enseignants de leur établissement. Ce mode de calcul semble erroné puisque tous les enseignants n’ont jamais leurs cours en même temps. Dans la pratique, il y a environ 60% d’enseignants de plus que le nombre de divisions dans les collèges. Pour les lycées, le taux est encore plus élevé et dépend des spécificités d’établissements. Aussi, pour une estimation de milieu de matinée, il serait plus légitime de ramener le nombre de grévistes au nombre de divisions dans chaque établissement, sachant que le taux consolidé ne peut être connu qu’en fin de journée lors du constat effectif du nombre d’enseignants absents.
Comme pour beaucoup d’indicateurs de mesure qui paraissent biaisés à ceux qui les complètent, celui du calcul de nombre estimé de grévistes a fait l’objet de plusieurs remontées récurrentes. Elles ne semblent pas avoir été prises en compte à ce jour. Certains évoquent une minimisation institutionnalisée du nombre de grévistes. Quand on les regarde de près, les chiffres annoncés par les syndicats sont souvent majorés de 60 à 70% par rapport à ceux du ministère. Cela correspond approximativement au rapport du nombre d’enseignants au nombre de divisions dans les établissements scolaires.
Stéphane Germain