Mardi 30 janvier, Gabriel Attal a fait sa déclaration de politique générale devant les députés de l’Assemblée. Dans la continuité des annonces d’Emmanuel Macron, il promet le réarmement de l’école pour réarmer la Nation. Le choix du vocabulaire utilisé par le très jeune premier ministre est significatif de son alliance avec la droite. Et son projet pour l’éducation, c’est à partir « de la réalité des faits » que son gouvernement le construit. « Pas besoin des études internationales pour cela », a affirmé sans sourciller Gabriel Attal. « Que nous disent les parents, les grands-parents d’élèves ? Que ces dernières décennies, le niveau a baissé ». Un projet fondé sur les ressentis. Après la pédagogie qui renverse la sociologie, l’ère Attal sera-t-elle celle du ressenti qui renverse la science ?
L’École, c’est par l’autorité et la sanction que Gabriel compte la réformer. Surfant sur les peurs, sur les représentations passéistes et alarmantes, le Premier ministre a déroulé son discours. « Sur l’école (…) il faut partir de la réalité des faits. Pas besoin des études internationales pour cela. Que nous disent les parents, les grands-parents d’élèves ? Que ces dernières décennies, le niveau a baissé. Que nous disent les professeurs ? Qu’ils croient en leur métier, mais qu’il est de plus en plus difficile à exercer ! Qu’ils ont parfois peur d’enseigner des pans entiers de notre Histoire ou de notre littérature ! », a-t-il déclaré balayant d’un revers de main les apports des sciences humaines et des évaluations internationales. PISA. La dernière évaluation nationale, a pourtant été le prétexte de son lancement du « choc des savoirs » alors qu’il était à la rue de Grenelle.
Le ministre a aussi brièvement abordé la crise d’attractivité que traversent les métiers du professorat. Pour autant, nulle annonce de revalorisation, de baisse des effectifs, de mixité dans les écoles et établissements… Si les jeunes boudent le métier selon lui, c’est parce que « la formation initiale telle qu’elle est organisée ne correspond pas à leurs attentes et freine leur vocation ». La solution selon Gabriel Attal ? L’annonce des « écoles normales du XXIe siècle » sous un mois.
Seul·es les infirmiers et infirmières scolaires, « relais essentiels auprès des élèves », seront revalorisé·es a annoncé l’ancien ministre de l’Éducation nationale. Ils et elles toucheront une prime exceptionnelle de 800 euros en mai prochain et 200 euros nets en moyenne par mois à compter du même mois « grâce à un budget supplémentaire issu d’un amendement porté par les groupes de la majorité dans le dernier budget ». Il assure avoir aussi demandé « au gouvernement de travailler à des revalorisations pour les autres personnes sociaux et sanitaire en milieu scolaire ».
Pour élever le niveau : le choc des savoirs
« Le choc des savoirs, c’est assumer que tout le monde ne progresse pas au même rythme, que tout le monde n’a pas les mêmes facilités ou les mêmes difficultés », a déclaré Gabriel Attal rappelant que « la décision du redoublement sera désormais à la main de l’équipe pédagogique » et que « les groupes de niveaux commenceront à se mettre en place, dès cette année, dans nos collèges ». « Une école du passage automatique, c’est une école où tout le monde stagne et le niveau baisse » a fustigé le Premier ministre. Une affirmation assez éloignée de la réalité scientifique des effets du redoublement, mais si les ressentis la valident…
Quant au Pacte enseignant, le Premier ministre reconnaît son échec à demi-mot. Il promet son évaluation « et si de nouvelles mesures s’imposent, nous les prendrons, sans tabou », a-t-il déclaré.
Autre leitmotiv : les écrans. Le plus jeune ministre de la cinquième République les qualifie de « catastrophe éducative et sanitaire en puissance ». Il promet de mieux réguler leur utilisation – « dans et en dehors de l’École ». Exit les projets pédagogiques avec des écrans ? Et comment réguler hors de l’École ?
Réarmer l’école pour réaffirmer « nos valeurs »
Dans la dernière partie de présentation de son projet pour l’École, là aussi, les déclarations de Gabriel Attal auraient pu être celles d’un responsable politique les Républicains. « Réarmer notre école, c’est réaffirmer nos valeurs. Car je crois que la transmission du savoir est impossible sans respect de l’autorité. Sans respect de nos valeurs républicaines – au premier rang desquelles, la laïcité », a-t-il lancé. « On ne négocie pas avec la République. On l’accepte et on la respecte, en entier, sans, mais, sans la moindre exception ! ». Et pour réarmer l’école, redonner de l’autorité aux professeur·es, pour faire respecter la laïcité, le Premier ministre compte sur … l’uniforme, « symbole d’égalité républicaine ». Et « si cette expérimentation est concluante, nous généraliserons l’uniforme en France à la rentrée 2026 ».
« Je veux le dire également : je ne peux pas me résoudre à ce que certains professeurs craignent d’aborder certains chapitres du programme », avertit le Premier ministre reprenant à son compte les assertions alarmistes de la droite et de l’extrême droite. « À la moindre entorse à notre pacte républicain, il y doit y avoir des décisions fortes et des sanctions fermes ».
Comme promis par Emmanuel Macron, l’École « sera le fer de lance du réarmement civique demandé par le président de la République ». Et pour ce faire, le « nombre d’heures d’instruction civique sera doublé au collège ». L’instruction civique, pas l’éducation morale et civique… Pour faire respecter l’autorité partout, « dans les classes, dans les familles, dans la rue », le Premier ministre prévoit de créer des « travaux d’intérêt éducatif », un équivalent des « peines » de travaux d’intérêt général, mais donnés « plus facilement ». Une sanction qui pourra être prononcée dans les établissements, semble-t-il. « Dès le plus jeune âge, il faut en revenir à un principe simple : « tu casses, tu répares, tu salis, tu nettoies, tu défies l’autorité, tu apprends à la respecter » »…
Sur le bien-être des élèves, le Premier ministre a rappelé les mesures de son prédécesseur en matière de harcèlement – l’exclusion du harceleur, et a promis de « donner toute leur place aux élèves en situation de handicap ». Il annonce d’ores et déjà l’application de la proposition de loi adoptée à l’unanimité au Sénat qui prévoit la prise en charge des AESH sur le temps de la pause méridienne par l’État.
Pour résumer, concrètement, aucune annonce permettant l’amélioration des conditions de travail des personnels de l’éducation, aucune revalorisation – à part celle des infirmier·es scolaires – et un discours réactionnaire sur le rôle de l’école. L’émancipation par les savoirs, par l’École n’est clairement pas le projet de ce gouvernement qui scelle définitivement son alliance avec la droite.
Lilia Ben Hamouda