Le passage en coup de vent de Gabriel Attal au ministère de l’Éducation national met en difficulté dès lors qu’il s’agit de faire son bilan. Pourtant, Yannick Trigance s’y essaie. Et le résultat du nouveau Premier ministre est loin d’être fameux selon lui. « Sauf à considérer que l’interdiction de l’abaya – qui ne concerne que 70 jeunes dans toute la France et dont la mise en œuvre n’imposait pas un tel tintamarre médiatique – et le port de l’uniforme – qui n’a jamais existé en tant que tel et qui ne règle aucun sujet – constitueraient une politique éducative » écrit-il dans cette tribune qu’il signe pour le Café pédagogique.
Cinq mois et demi. A peine arrivé, déjà reparti. Un ministre en coup de vent. Le ministère de l’Éducation nationale n’aura été pour Gabriel Attal qu’un tremplin politique pour se propulser à Matignon.
Pourtant, à son arrivée rue de Grenelle, il déclarait que « ce ministère, on n’y entre pas par calcul, par intérêt, par stratégie. Ces fonctions on ne peut les prendre qu’avec envie et passion ». Il faut croire que celles-ci étaient bien fugaces pour un ministre qui s’est révélé bien plus préoccupé par son destin personnel que par les conditions de travail de toute une profession et la réussite de tous les élèves.
A rebours des sondages laudateurs, convenons que ce passage éclair ne restera pas dans les annales et qu’il sera marqué par une pluie d’annonces sans lendemain. Car quel est le bilan de Gabriel Attal ? Il n’en a pas. Sauf à considérer que l’interdiction de l’abaya – qui ne concerne que 70 jeunes dans toute la France et dont la mise en œuvre n’imposait pas un tel tintamarre médiatique – et le port de l’uniforme – qui n’a jamais existé en tant que tel et qui ne règle aucun sujet – constitueraient une politique éducative. Sur ces sujets, il a par deux fois cherché à plaire à l’opinion publique et à donner des gages à l’électorat conservateur. De même dans la lutte contre le harcèlement scolaire, mais là, rien de nouveau sur une politique engagée en son temps par Najat Vallaud-Belkacem.
S’il a peu, voire rien fait, il a en revanche beaucoup communiqué et autant promis dans son omniprésence sur le terrain. On retiendra de ces cinq mois et demi d’intérim rue de Grenelle sa vision conservatrice de l’École qui lui a valu d’être plébiscitée par la droite la plus réactionnaire mais aussi par l’extrême droite. Du salaire des enseignants au mérite au « choc des savoirs » – qui remet au goût du jour le redoublement et les groupes de niveaux, deux mesures inefficaces mais qui signent la fin du collège unique- en passant par la mainmise de l’État sur les contenus des manuels scolaires, jusqu’à la transformation de l’examen du Diplôme National du Brevet (DNB) en un concours pour mieux barrer l’accès au lycée à près de 85 000 élèves majoritairement issus des milieux les plus modestes… Autant d’annonces qui renvoient le nouveau Premier Ministre au principe du « je parle donc j’agis ».
Mais nul n’est dupe, la communication ne remplace pas l’action de fond. Car la réalité est toute autre et n’a pas changé au cours de ces derniers mois.
Il manque toujours autant de remplaçants dans des classes toujours aussi surchargées ; la formation initiale et continue des enseignants est indigente à l’image des salaires dont l’augmentation de 10% pour tous reste un leurre ; la scolarisation des enfants porteurs de handicap est dégradée et fait le désespoir de milliers de familles ; la réforme de la terminale professionnelle – 6 semaines de stages en plus en entreprises et avancement des épreuves en mars – vient d’être rejetée par le Conseil supérieur de l’éducation avec 50 votes contre , 18 abstentions et 0 vote pour !
Quant à la mixité sociale, timidement abordée par le seul Pap N’Diaye, elle reste un impensé du Président de la République et de son nouveau Premier ministre bien plus prompts à promouvoir l’entre soi, l’individualisme et la compétition au détriment de l’altérité, de la fraternité et de l’émancipation. Et si le sujet ressurgit aujourd’hui suite aux déclarations de la nouvelle ministre, c’est pour mieux en souligner l’acuité et le caractère profondément séparatiste.
Lors de sa passation de pouvoir à Matignon, mardi 9 janvier, Gabriel Attal a assuré emmener dans ses bagages « la cause de l’école ». Vraiment ? Il ne faut pas s’y méprendre. L’éducation reste le domaine réservé du président Macron qui entend surtout redonner à l’école son « éclat d’antan » pour complaire à la frange la plus à droite de l’opinion et qui, sans vergogne, renforce un système inégalitaire qui sanctionne en priorité les élèves issus des classes populaires, c’est-à-dire celles et ceux qui ont le plus besoin d’école.
L’Ecole de la République méritait bien mieux…
Yannick TRIGANCE
Conseiller régional Ile-de-France