Alors que le premier trimestre se termine, deux mesures Robien cherchent leur chemin dans les établissements : la note de vie scolaire, évoquée dans L’Expresso du 1er décembre, et le conseil pédagogique. Si la première génère plus de troubles que d’apports aux communautés éducatives, la mise en place des conseils pédagogiques semble se faire dans une relative indifférence. Pour autant cette nouvelle structure peut-elle atteindre ses objectifs ? On peut en douter.
Enfin un lieu pour une réflexion pédagogique ! A l’origine du conseil, un rapport de l’inspectrice Ghislaine Matringe qui montrait fin 2005 l’effet positif de structures comparables dans les établissements. « L’enquête de terrain qui a été conduite a permis de découvrir que de nombreux établissements ont progressivement mis en place des structures légères de concertation avec les enseignants, souhaitant dynamiser leur projet d’établissement. Les établissements déjà engagés dans le conseil pédagogique dressent un bilan positif de l’expérience. Plusieurs d’entre eux font état du rôle mobilisateur de ce conseil qui a joué un rôle majeur dans la définition d’une politique pédagogique en faveur de la réussite des élèves » (Voir L’Expresso du 13 octobre 2005).
La loi Fillon, puis la circulaire de rentrée 2006 ont imposé la création du conseil dans les lycées et collèges. « Dans chaque établissement public local d’enseignement, est institué un conseil pédagogique. Ce conseil… a pour mission de favoriser la concertation entre les professeurs, notamment pour coordonner les enseignements, la notation et l’évaluation des activités scolaires. Il prépare la partie pédagogique du projet d’établissement ».
Ni la loi, ni la circulaire ne fixent précisément sa composition. Elles laissent ainsi une opportunité au chef d’établissement pour l’adapter. Le rôle du conseil pédagogique est aussi fonction des besoins locaux. « Le conseil pédagogique a pour mission de favoriser la concertation entre les professeurs, notamment pour coordonner les enseignements, la notation et l’évaluation des activités scolaires. Il prépare la partie pédagogique du projet d’établissement. Dans ce cadre, le choix des sujets traités et du fonctionnement interne est laissé à l’appréciation du conseil pédagogique, dans le respect de la liberté pédagogique des enseignants et du champ de compétence des personnels de direction ». Cette dernière phrase illustre déjà une partie des difficultés qui attendent le conseil…
Là où il existe, le conseil s’occupe de la vie pédagogique de l’établissement. Ainsi, selon un atelier organisé par le Cemea (merci à Maurice Mazalto pour cette information !), le conseil peut traiter du brevet blanc, des résultats des conseils de classe, de l’évaluation. Dans un collège rural il se réunit pour aborder la note de vie scolaire, l’accompagnement scolaire extérieur.
Une structure souvent perçue négativement…. Dès la loi Fillon, le Snes a marqué sa désapprobation devant un texte qui est accusé d’être un instrument d’encadrement des enseignants. Le Snes s’y oppose « refusant que cette structure ne constitue une hiérarchie intermédiaire pédagogique sous la tutelle du chef d’établissement, qu’elle n’élargisse, de fait, les compétences et les interventions des chefs d’établissement dans le domaine pédagogique, et qu’enfin ce ne soit un outil de remise en cause de la liberté pédagogique des enseignants ».
Des craintes que l’on retrouve dans les contributions arrivées au Café pédagogique. Ainsi un responsable de formation estime que le conseil va « renforcer le pouvoir du management au détriment des structures de délibération légitimes des établissements… Il confisque la parole ». Une documentaliste pose la question de la liberté pédagogique des enseignants menacée par les « petits chefs » du conseil pédagogique. D’où de vives réactions en début d’année dans plusieurs établissements voire parfois au niveau régional.
…mais qui répond à des besoins. Pourtant le conseil est aussi perçu dans certains établissements comme une réponse à des besoins. » Besoins d’échanger sur le métier, de confronter des pratiques entre des équipes de cycles différents, de faire des évolutions de propositions d’évolution du règlement intérieur en fonction des évolutions des publics et des circonstances, besoin d’évaluer en interne un fonctionnement collectif, besoin de trouver des réponses communes » nous dit cette proviseure-adjointe d’un lycée de l’est. Pour une TZR de français, le conseil « est une réelle avancée. Ca nous oblige à »mettre les mains dans le cambouis » et à sortir de nos classes. On peut parler de parcours éducatifs pour les élèves en difficultés, prendre en charge leur orientation, définir les modalités des PPRE, les activités d’aide et de soutien et les activités périscolaires ».
Peut-on imposer l’équipe sans la faire exister ? L’établissement où travaille cette enseignante avait déjà, avant la loi Fillon, une structure comparable au conseil. C’est le cas également du lycée de l’est. En fait le conseil se met en place réellement là où le travail d’équipe préexistait. Partout ailleurs il semble que l’installation du conseil soit pure formalité.
C’est que la loi et la circulaire de rentrée ont souhaité la concertation entre les profs mais sans lui donner les moyens de fonctionner. » Dans notre collège, un certain nombre de collègues, dont je suis, sont bien conscients que nous manquons de concertation, notamment en ce qui concerne les projets et actions diverses et leur évaluation : B2i, EEDD, sorties, dossier unique,… Cependant nous refusons le conseil pédagogique car nous comprenons qu’il nous demandera encore du temps… Or il est évident qu’aucune décharge horaire n’est possible pour cette mission. Les collègues qui seraient intéressés sont déjà pleinement investis dans la vie du collège…. » écrit une documentaliste.
Pire encore, les réductions de moyens ont énormément diminué la marge de manoeuvre des établissements au point d’assécher les gisements qui auraient pu donner un peu d’air au conseil pour agir sur les horaires élèves. « Le ministère a une curieuse conception de l’autonomie des établissements qu’il met en avant tout au long de ses circulaires surtout quand il s’agit de ne pas fixer les moyens nécessaires à la mise en oeuvre des dites circulaires » écrit le Sgen Cfdt. Un problème qui finit par être récurrent dans le système éducatif. On proclame la nécessité d’équipes pédagogiques mais on ne leur reconnaît ni existence réglementaire ni moyens de fonctionnement. On souhaite améliorer l’orientation des élèves mais les professeurs principaux n’ont ni statut ni moyens et la documentation publique sur l’orientation reste payante. On veut renforcer l’encadrement des jeunes mais on diminue le nombre d’adultes dans les établissements…
Pour autant des moyens suffiraient-ils à faire vivre les conseils pédagogiques ? Il faudrait également que le travail en équipe soit institué dans la formation des enseignants, comme le prévoit le projet de cahier des charges, et une autre organisation du travail enseignant. Une perspective qui plaide pour un recadrage général.
Si cette réforme profonde se faisait, il resterait à organiser la liaison entre le conseil et le monde extérieur à l’établissement. Car le conseil peut aussi être utilisé pour refermer l’école sur elle-même. « Dans un petit collège ambition réussite, le conseil pédagogique ne change rien » nous écrit un professeur. « Nous essayons de travailler avec nos partenaires : parents d’élèves, services éducatifs de la ville. Il ne faut pas les évacuer avec un nouveau dispositif ». Décidément la concertation a du mal à pénétrer le système éducatif.
Le conseil pédagogique sur Eduscol
Le rapport Matringe
Sur le blog du Café