La nomination de Gabriel Attal à Matignon ce 9 janvier n’est pas une surprise. Pour l’Education nationale, son départ n’est pas une rupture. Pour le pays, son passage rue de Grenelle est révélateur de la nouvelle période politique qui s’ouvre. Elle sera marquée par le populisme, un net raidissement droitier et la relance de la guerre sociale.
Attal, ministre de transition
Alors que les médias vantent la « réussite » de Gabriel Attal au ministère de l’Education nationale, l’actualité de son ministère est marquée par un rejet exceptionnellement net de la réforme majeure du ministre en Conseil supérieur de l’Education. Le 8 janvier, le texte sur la réforme de la terminale professionnelle, avec ses 6 semaines supplémentaires de stage et l’avancée des épreuves en mars, n’obtient aucune voix positive, 50 votes négatifs et 18 abstentions. Voilà qui résume très bien le bilan et la pratique gouvernementale de Gabriel Attal.
Dés sa nomination, en juillet 2023, il apparaissait que l’Education nationale serait le marchepied d’une carrière politique voulue par le président de la République. Avant de propulser G. Attal à la tête du gouvernement, il fallait l’étoffer et, pour cela lui confier un ministère. Ancien secrétaire d’Etat de JM Blanquer, l’Education nationale semblait d’autant plus le point de chute nécessaire que Pap Ndiaye n’était plus d’aucune utilité après l’échec du parti présidentiel aux législatives.
Dans la situation politique issue de ces élections, l’avenir de Gabriel Attal est soumis au rythme de la stratégie politique présidentielle. En juillet 2023, le Café pédagogique le présentait comme un « ministre de transition » dans l’attente d’une reconstruction politique de la majorité qui ne pouvait se faire qu’à droite.
Camoufler l’échec de la politique éducative de JM Blanquer
Plus que son âge, là était le point faible de G. Attal. Ancien élu PS il était vu par Les Républicains comme trop à gauche. Son avenir politique s’est construit sur sa capacité à changer cette image. C’est peu dire qu’il y a réussi.
Dès sa prise de fonction il se présente davantage comme le successeur de JM Blanquer que de Pap Ndiaye. “Nous devons remettre le respect de l’autorité et les savoirs fondamentaux au cœur de l’école“, dit G Attal le 20 juillet lors de la transmission de pouvoir. “Il faut en revenir aux choses simples, le respect du professeur et de son autorité, le respect de la laïcité… Si on tente de bafouer l’autorité de nos professeurs, si on veut s’en prendre aux valeurs de la République, je le dis à tous les professeurs, je serai à vos côtés« . Il annonce aussi la mise en place du Pacte voulu par l’Elysée.
En quelques mois, Gabriel Attal multiplie les signaux droitiers et les décisions empruntées à la droite. Il inaugure son ministère avec l’affaire des abayas, glissant sur le terrain identitaire jusqu’à officialiser l’expérimentation de l’uniforme à l’école.
Mais sa mission est prioritairement de camoufler l’échec de la politique éducative du premier quinquennat. Echec qui apparait au grand jour avec la publication des résultats de Pisa. Ce même jour, G. Attal sort un plan tout prêt. Prenant prétexte de mauvais résultats qui sont pourtant en partie le résultat des 5 années de JM Blanquer, G. Attal prend des décisions largement empruntées aux Républicains.
Une politique scolaire contre les pauvres
Alors que Pisa met en évidence les exceptionnelles inégalités sociales de réussite scolaire de l’Ecole française, G. Attal rend l’École encore plus élitiste et excluante. Rappelons ces mesures. C’est d’abord l’annonce du rétablissement des redoublements dans le premier degré. JM Blanquer avait envoyé quelques signaux en ce sens sans rien mettre en application. G. Attal dit vouloir aller plus loin.
Le ministre accorde à la droite ce qu’elle demande depuis des années : la suppression du collège unique. Dès la 6ème , les élèves sont classés en groupes de niveau. Pendant que les forts galopent ensemble, les faibles sont mis à part. Il transforme le brevet en examen d’entrée au lycée. On connait l’origine sociale des élèves qui échouent au brevet. Alors que le premier mandat Macron a écarté les enfants des classes populaires de l’enseignement supérieur grâce à Parcoursup, le second mandat veut rendre plus difficile leur accès au secondaire supérieur. Car c’est de cela qu’il s’agit avec les classes « prépa lycée ». Du CP à la 3ème, G Attal multiplie les obstacles à sauter. La classe prépa lycée est l’ultime poussée vers le décrochage pour ces enfants. Par suite c’est aussi un bon outil pour améliorer les résultats de Pisa…
Et contre les enseignants
Depuis son arrivée rue de Grenelle, Gabriel Attal excelle aussi à se présenter comme le ministre des professeurs. Il prétend vouloir rétablir leur autorité. Mais en même temps il ne revalorise pas réellement leur salaire et leur carrière. Il décide de leur imposer ses manuels, sa méthode pédagogique officielle. Il dénature leur fonction en faisant éclater les classes au collège comme cela a été fait au lycée. Il les accable sous la responsabilité des redoublements et des exclusions. Ce que les professeurs des lycées ont connu depuis JM Blanquer est promis à ceux du collège.
Toutes ces réformes se font contre les enseignants. Aucune des réformes portées par Gabriel Attal n’a été adoptée en Conseil supérieur de l’éducation, l’assemblée représentative des enseignants, des parents et des acteurs de l’Ecole. Le vote du 8 janvier 2024 illustre la pratique ministérielle. Les acteurs de l’Ecole votent unanimement contre les réformes du ministre. Celui-ci n’en tient aucun compte.
La relance de la guerre sociale
Toutes ces réformes se font dans l’improvisation. Elles s’enchainent au rythme rapide de la communication médiatique. G. Attal ne s’embarrasse pas de la gestion de son ministère. Il prend ses décisions sans poser les bases de l’application des décisions, qui sont encore largement à définir. Il décide sans avoir les moyens budgétaires d’installer les mesures qu’il prend.
C’est ce mépris qu’il faut retenir du passage de G. Attal à l’Éducation nationale. Alors que le président de la République veut reconquérir une majorité pour gouverner, G. Attal est l’instrument d’une tentative de recomposition de la majorité présidentielle sur sa droite. Le nouveau gouvernement porté par G Attal ira plus résolument dans les politiques droitières. Et il le fera sans complexe. La reconquête politique que lance E Macron avec G Attal passe par la relance de la guerre sociale.
François Jarraud
G Attal ministre de transition
G Attal n’a pas le budget de ses décisions
Choc des savoirs, voleurs d’espoirs