Annoncée le 5 octobre dernier, la mission « Exigence des savoirs » a rendu sa copie. Pour sauver l’école, le ministre parie sur l’école du passé : redoublement, groupes de niveaux, un Diplôme national du Brevet qui conditionne le passage en seconde, fin du correctif académique…
Pour Gabriel Attal, les résultats PISA sont très clairs , ils ne sanctionnent pas la politique éducative sous Macron, mais celle d’Hollande. « On y lit les résultats de réformes, comme celle du collège en 2013 qui n’ont pas permis d’atteindre leurs objectifs », a-t-il déclaré en conférence de presse mardi 5 décembre dans la foulée des résultats du PISA 2022. Mais le ministre oublie que cette nouvelle édition de PISA, à laquelle se sont pliés plus de 6 000 élèves de 15 ans en 2022, reflète le manque de moyens alloués au second degré car les dédoublements dans le premier degré, c’est à moyens constants, en pompant des postes au second degré. Les résultats catastrophiques sont donc bel et bien le résultat des choix politiques du premier mandat Macron.
Et pour remettre en selle une école qui va mal, le ministre fait le choix d’une réforme qui demande plus. Plus aux élèves. « Nous devons être plus exigeants, il faut demander plus aux élèves, plus d’efforts, il faut renforcer l’autorité des professeurs ». Le risque, sinon, est celui d’une fracture « scolaire dont souffriraient les Français de classes moyennes ». « À eux, je dis le choc savoirs est un sursaut pour l’avenir de notre école ». Et si Gabriel Attal s’adresse aux classes moyennes, il n’a pas un mot pour les classes populaires, celles dont les enfants restent en grande difficulté selon PISA.
En Primaire
Afin d’enclencher son « choc des savoirs », le ministre a décidé d’une refonte du système. Son premier engagement, celui d’un « électrochoc » pour remettre « l’exigence à tous les étages« . Ainsi, dès la rentrée prochaine, les classes de maternelle, de CP, de Ce1 et Ce2 auront de nouveaux programmes, des programmes qui s’articuleront autour de quatre grands principes : clarté, exigence, science et culture générale. « Deux principes clairs guideront les travaux du conseil supérieur des programmes », a-t-il expliqué. « La simplification – avec des programmes moins volumineux et la clarification – avec l’intégration d’objectifs annuels figurant aujourd’hui dans divers guides épars et le choix clair de la pédagogie explicite ». En 2025, ce sera au tour des Cm1 et Cm2.
« Mon deuxième chantier pour l’école primaire c’est le travail sur les manuels scolaires » a poursuivi Gabriel Attal. « La labélisation renforce les chances de réussite de tous les élèves. C’est pourquoi, même s’il s’agit d’une compétence des collectivités locales, l’État financera désormais des manuels scolaires en lecture et mathématiques des élèves de CP et de CE1. Je lancerai les achats pour la rentrée 2024 ». Des manuels qui deviendraient obligatoires selon le dossier de presse.
Le troisième chantier, c’est celui du redoublement. « Les professeurs auront le dernier mot en matière de redoublement ». Les élèves en difficulté se verront donc proposer soit un redoublement classique, soit le passage sous condition avec de la remédiation comme des APC, du tutorat, des stages de réussite… Alors que la communauté scientifique, que les syndicats et même l’OCDE préviennent du manque de pertinence du redoublement, voire de l’effet néfaste de celui-ci, le ministre dit s’appuyer sur des travaux scientifiques. Il n’a pas préciser lesquels.
Collège : groupes de niveau et transformation du brevet
« Le collège, c’est le cœur de l’électrochoc », a affirmé Gabriel Attal. Les programmes, particulièrement en mathématiques et en langues vivantes, seront revus dès 2025 autour des mêmes principes que pour l’école primaire.
Mais la vraie révolution, c’est celle autour des savoirs fondamentaux qu’elle va s’opérer prévient-il. L’organisation actuelle condamnerait certains à « stagner » et empêcherait d’autres « de s’envoler » a soutenu le ministre. Dès l’année prochaine, les élèves de 6e et 5e seront donc répartis en trois groupes de niveaux en mathématiques et en français. « Au cours de l’année, les élèves pourront changer de groupe : s’ils progressent, ils pourront évoluer », a-t-il assuré. Les effectifs des groupes d’élèves les plus faibles seront limités à 15, le ministre a promis une rallonge budgétaire pour recruter plus d’enseignants. « Nous ajouterons des moyens humains et financiers pour mener à bien ce chantier ». Encore faudrait-il pouvoir attirer les candidats qui boudent cette année encore les concours du professorat. Et pour les élèves en très grande difficulté, ce seront encore plus de fondamentaux au détriment des autres disciplines a-t-il annoncé.
Autre axe de transformation du collège, le brevet. Le ministre qui dit tenir à lutter contre la « dévalorisation des notes, l’affaissement du niveau d’exigence » veut redonner « du sens et de l’exigence ». Cela passe, selon lui, par le passage du contrôle continu calculé à partir de la moyenne des notes disciplinaires et non plus par les « compétences » converties en points. Quant aux épreuves terminales, elles représenteront 60 % de la note finale, au lieu de 50 % aujourd’hui. Et, surtout, le diplôme du brevet conditionnera l’accès direct au lycée. « Les élèves en difficulté et qui n’obtiendront pas leur brevet ne feront pas leur entrée en 2de l’année suivante, mais rejoindront une classe « prépa-lycée » pour consolider leur niveau, rattraper leur retard et être mieux armés pour la suite ». Sur la prépa lycée, le ministre n’a pas dit grand-chose, cela reste très flou.
Au lycée : IA et épreuve anticipée de culture mathématique et scientifique
Deux grandes informations sur le lycée, mais sur lesquelles le ministre ne s’est pas appesanti : la mise en place d’une épreuve anticipée de culture mathématique et scientifique du baccalauréat en fin de première et l’accompagnement par l’IA pour tous les élèves de seconde. « Tous les élèves entrant au lycée seront désormais accompagnés, à la maison, d’un outil d’IA de remédiation ou d’approfondissement en français et en mathématiques. Ce logiciel souverain, construit avec des chercheurs et des enseignants, propriété du ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, sera mis gratuitement à disposition de 200 000 élèves de 2de dès les prochains mois, avant d’être généralisé à l’ensemble des élèves de 2de à partir de septembre prochain ».
Autre annonce, et non des moindres, la fin du « correctif académique » dès la session 2025 du brevet et du baccalauréat. « Ce sont désormais les notes que vous attribuez, et elles seules, qui détermineront leur obtention par nos élèves » a-t-il écrit dans une lettre aux enseignants et enseignants. Les correctifs académiques sont décidés lors des commissions d’harmonisation, ils permettent de décider dans un collectif des notes attribuées aux élèves dans le cadre du contrôle continu, mais aussi des épreuves d’examen. Et si elles existent, ce n’est pas pour « gonfler le niveau » comme semble le penser Gabriel Attal, mais parce que la science a, là encore, largement documenté l’aspect subjectif des notes et la réalité de la constante macabre.
Lilia ben Hamouda