Comment parler de la barbarie avec les élèves, d’autant plus aux élèves de l’école primaire ? Le Café pédagogique vous propose un petit tour d’horizon sur la façon dont l’attentat terroriste qui a coûté la vie à Dominique Bernard a été abordé. Si toutes et tous étaient dans l’émotion et appréhendaient les questions des élèves, ils ont quand même « fait le job » comme l’explique Maëlle, enseignante en CP/CE1 à Paris.
Dans le REP de Mourenx, les témoignages montrent les mises œuvre multiples dans le premier degré, en lien avec l’âge des élèves. Les classes des CP et CE1 de l’école Charles De Bordeu ont décidé de lancer les échanges sur les évènements de vendredi par l’écoute d’un extrait de la chanson « Il changeait la vie » de Jean Jacques Goldman. Une entrée que l’équipe avait choisie il y a trois ans… Il faut dire que les paroles se prêtent en effet à cet hommage au professeur tué à Arras : « C’était un professeur, un simple professeur, qui pensait que savoir était un grand trésor… Il y mettait du temps du talent et du cœur… Et loin des beaux discours, des grandes théories, à sa tâche chaque jour on pouvait dire de lui… il changeait la vie »
Pour Aurélie, enseignante en CP « Beaucoup d’enfants ont eu besoin de parler de ce qu’ils avaient vu…et certains connaissaient beaucoup de détails. C’était important pour eux de démêler le faux du vrai, de mettre des mots sur leurs inquiétudes. » Une proposition a été faite de ne pas hésiter à venir la voir lors de la récréation pour celles et ceux qui auraient besoin de prolonger le débat. Alexandre s’en saisit et vient solliciter sa maîtresse qui rassure l’enfant en expliquant que le tueur est en prison.
Dans la classe de Katel, les élèves de CM ont travaillé à partir d’un article de la revue pour enfants « Mon Quotidien ». Pour l’enseignante, « cela permettait de donner les éléments essentiels avant de lancer les échanges et de faire ensuite une minute de silence ». Dans l’école voisine, les élèves de CM de Julien, avaient d’ailleurs interpelé le maître dès leur arrivée en classe sur la question de la minute de silence, offusqués de son non-respect lors du match de rugby de la veille.
Faire le job
« Moi, je n’ai pas envie de parler de ça », nous dit Maëlle, professeure des écoles à Paris. « Je n’ai pas envie de parler de la mort, de la haine. Je ne comprends même pas moi-même ce qui se passe, comment eux vont comprendre ? On est tous dans la sidération, a-t-on besoin de communiquer notre peur et nos angoisses aux enfants ? ». Mais comme tous ses collègues, l’enseignante a évoqué la situation avec ses élèves. « Je comprends qu’il faille qu’on en parle, surtout que certains de mes élèves avaient eu accès à l’information, même à des vidéos ». « Alors j’ai fait le job », nous dit-elle. « J’ai apprécié qu’on nous laisse libres d’organiser ça comme on voulait. Dans l’école, on a décidé que ce serait seulement les CM1 et CM2 qui se regrouperaient dehors pour la minute de silence ». Enseignante en CP/CE1, Maëlle et sa collègue de CE1/CE2 ont décidé de faire faire des dessins aux enfants, « des dessins pour ceux qu’ils aiment ». « On leur a proposé de dessiner le monde de leur rêve », explique Maëlle. « C’était beau. C’était vivant, c’était plein de couleurs. Tellement à l’opposé de ce qui se passe dans le monde à présent. Laissons-les encore rêver, encore un peu. L’impitoyabilité de notre monde les rattrapera bien assez tôt… ».
Dans cette école lyonnaise, Julie et Yann enseignent tous deux en CP. « Nous avons réuni tous les CP, et expliqué qu’un professeur avait été tué dans une école par « un monsieur mal dans sa tête » et qu’on allait faire une minute de silence pour penser à tout ça » nous raconte Julie. « Puis on a pris quelques questions et sentiments d’élèves qui étaient un peu tristes. Après on a dit que c’était des choses très rares, qu’on est en sécurité à l’école et que l’exercice qu’on fera la semaine prochaine – anti-intrusion – c’est aussi pour ce genre d’événements ». Dans la classe de Yann, un « petit échange sur le à quoi sert la grande école » a été organisé. « On voulait montrer que l’école permettait de grandir, de écrire/lire/faire des choses seul et selon ses intérêts » . « On leur a expliqué que certaines personnes peuvent nous aider à grandir et que certains préféreraient que cela se passe différemment, que les gens ne soient pas libres. La minute de silence était pour penser aux personnes qui nous ont aidés à grandir ».
Lilia Ben Hamouda