Par Antoine Maurice
Nous aussi, à l’approche de l’été, nous avons pris la direction du sud, à la rencontre de Marianne Tertian-Peyrotte, enseignante d’EPS au collège Jean Jaurès de La Ciotat mais également Brevet d’Etat deuxième degré en Voile. Elle nous propose un site, son site, au service de l’enseignant d’EPS et également des passionnés de voile…
Bonjour, tout d’abord, pouvez-vous nous présenter votre site ?
L’idée du site est de mettre modestement à disposition plusieurs ressources, que j’ai eu l’occasion d’élaborer dans le cadre de ma profession de professeur d’EPS et celle de moniteur en Voile. Ainsi, vous pouvez retrouver à la fois plusieurs documents que j’utilise dans le cadre de mes cours, j’ai appelé ça « mes brouillons de cours ». Il y a également l’ensemble de mes protocoles d’évaluation concernant le niveau 1 et le niveau 2, dans l’ensemble des activités que j’enseigne.
Le site propose également une partie concours, au sein de laquelle j’ai mis en ligne une grande partie de mes ressources, ainsi que mes copies de l’agrégation interne de la session 2010. Concernant la voile, le site propose un grand nombre de ressources, qui vont de livrets interactifs, à des vidéos pédagogiques ou autres. Et enfin j’oubliais, la partie plaisir, avec différentes vidéos d’événements ou autres qui ont rythmé ma vie.
Un site a toujours une histoire ! Quelle est la vôtre ?
C’est un site que j’avais créé pour vanter les produits de mes sponsors en tant que windsurfeuse pro (j’ai été athlète de haut niveau 3 ans en planche à voile funboard)… Et après mon retour à la vie normale et professionnelle, j’y ai stocké mes contenus. Parce que d’abord car ça me servait de « disque dur » en ligne et ça me permettait d’imprimer mes cours depuis la salle des profs. Et puis après parce que c’était rigolo, ça ne me coûtait rien, et ça plaisait aux gens.
Vous proposez plusieurs protocoles d’évaluation ! Vous pouvez nous en parler ?
Je suis formateur de voile pendant l’été et dans la démarche de formation des moniteurs de voile nous validons (avec mon mari qui est également formateur) chaque module par UCC (unité de connaissances et de compétence). Des protocoles d’évaluation pour les UCC existaient et nous avons beaucoup travaillé là-dessus pour rendre compte de façon fiable de l’acquisition de compétences et de connaissances stabilisées.
Avec les nouveaux programmes, j’ai eu l’idée de créer des protocoles collège pour valider les compétences de niveau 1 et 2. Cela est dans l’esprit de la démarche de formation que j’ai mis en place dans le cadre fédéral, mais surtout dans l’objectif de certifier les compétences acquises au lieu de zapper de l’une à l’autre sans que ce soit explicite.
Pour formaliser ces protocoles, j’ai tenu compte de l’intitulé de la compétence, qui est pour moi centrale pour déterminer les différentes parties de l’évaluation (par exp une partie projet, performance, rôles sociaux, etc…). J’ai regardé les fiches programmes pour affiner et mettre en correspondance ce qui est enseigné et évalué. Enfin, j’ai étudié les niveaux 3 et 4 afin que le niveau 2 reste inférieur au niveau 3, notamment en termes de performance.
Je suppose que ce fut une démarche longue d’élaboration ?
En effet, dès les premières fiches, a commencé la période de test de ces protocoles avec les élèves, ce qui a amené beaucoup de modifications afin d’affiner la faisabilité et la fiabilité. Pour pouvoir par exemple en escalade évaluer une classe complète sur deux projets de deux voies différentes en 2h. Et pour pouvoir également discriminer qu’un 12 donné à un élève corresponde bien à ce que la compétence soit véritablement acquise et qu’il y ait un équilibre entre ce que je note et ce que je perçois. Cette période de test a été très bénéfique car les retours des élèves sont positifs. Ils sont heureux d’apprendre et de valider des apprentissages, tout en n’ayant plus l’impression de toujours « refaire » la même chose. Le programme niveau 1 (N1) n’est pas celui du niveau 2 (N2). En haies par exemple, des élèves peuvent préparer le protocole de niveau 1 (haies basses), pendant que d’autres préparent celui de N2 (haies hautes). Ce n’est pas toujours facile, mais les élèves prennent plaisir à essayer de valider des niveaux supérieurs et d’une certaine façon on tue l’ennui des meilleurs (qui peuvent même essayer de valider des niveaux lycée !) et des moins bons (qui peuvent rester sur le N1 un peu plus longtemps dans une démarche positive). On créé aussi de la solidarité entre ceux qui ont acquis le N1 et aident les autres à le valider en les conseillant ; il y a eu des sessions géniales où les élèves ayant validé le N1 ont couru avec ceux qui avaient échoué au premier protocole afin que toute la classe réussisse. Cette période de test a été si positive qu’elle m’encourage à continuer.
J’aimerais entrer dans une troisième phase, que des collègues les réalisent afin de vérifier qu’ils soient transférables à d’autres contextes à partir du moment où l’enseignement se centre sur la compétence de N1 ou de N2 visée. Ce sera très certainement le sujet de mon mémoire de Master 2 l’année prochaine.
Autres points important : la partie « brouillons de cours », que se cache-t-il derrière ?
Je suis BE2 en voile. Spécialiste dans mon activité, je sais qu’il y a un agencement de situations d’apprentissages qui permet d’apprendre plus vite, et des scénarios de réponses motrices auxquels on peut s’attendre. J’essaie de généraliser dans toutes les activités cette démarche. Je créé donc pour chaque APSA un agencement de situations types pour atteindre la compétence visée. J’essaye de fouiller pour que chaque situation aie un lien logique avec les autres et contienne les contenus de la fiche programme, tout en visant les enjeux de formation de l’activité (les fameuses cases oranges !)
Au début de chaque cycle, j’imprime ma trame complète (de la liste de présence à l’évaluation) telle que celle qui existe sur mon site et je la relie avec une spirale. C’est la seule solution pour moi de garder en forme des cours corrects. J’avais tout essayé : cahier, classeur, PDA … Puis en cours de cycle je modifie la trame de mes cours : je peux aller plus vite, moins vite, modifier, et je note tout sur mes cours. En fin de cycle, je modifie mes cours sur mon ordinateur, en rajoutant des scénarios, en précisant des choses.
J’ai la chance d’avoir eu des collègues compatissants qui m’ont donné beaucoup de classes de 6e pendant 2 ans, puis des 5e pendant 2 ans, ce qui m’a permis de stabiliser mes brouillons de cours et mes protocoles pour des niveaux de classe bien identifiés. Du coup, mes brouillons de cours sont toujours dynamiques, je ne pourrai jamais en être satisfaite d’autant que je ne peux pas être spécialiste dans toutes les activités. Donc j’appelle ça des brouillons !
Autre partie importante, celle concernant les concours et plus précisément l’agrégation, de nombreux documents sont proposés, comment ont-ils été construits et comment les utiliser ?
Il y a d’abord mes cours d’histoire. J’ai eu la chance d’avoir des professeurs super à Dijon (dont Mr Benoit Caritey, merci !) qui m’ont donné une méthodologie forte : quoi (ce qui s’est passé) – comment (comment cela s’est passé, dans quelles structures, avec quels moyens, etc..) – pourquoi (les enjeux, sociologiques, économiques, philosophiques et politiques…). Je traite chaque thème de cette façon. Et comme je suis très visuelle, j’ai créé une deuxième page où chaque indicateur est transcrit en image. De sorte que quand j’évoque un thème, je visualise cette « carte mentale » qui me permet d’avoir une vision globale.
Il y a ensuite ma « Bible » d’écrit 2. A Dijon toujours (merci Mr JP Rey et Mme Sylvaine Deltour), les formateurs pour préparer le CAPEPS nous avaient donné à lire une tonne de photocopies de livres par thème. J’avais fait une première compilation de résumés et de citations par thème. J’ai repris cette « bible » personnelle dont les bases sont toujours bonnes et je l’ai réactualisée avec les nouvelles connaissances étudiées lors de l’agrégation.
Il y a enfin mes copies de CAPEPS et d’agrégation.
Une fois tout cela formalisé, j’ai trouvé intéressant de le partager, non pas pour qu’on puisse apprendre par cœur ces cours, mais pour que l’on puisse s’inspirer de la démarche.
La voile, la planche… est omniprésente sur votre site, que diriez-vous aux collègues qui veulent se lancer dans l’enseignement de cette activité et quelles ressources utiliser pour oser se jeter à l’eau ?
D’abord prendre contact avec le club sur lequel l’activité va avoir lieu pour savoir quels supports sont proposés : la planche, le catamaran, le dériveur double ont autant de spécificités que de contenus propres. Il me semble que le frein majeur est la manipulation du bateau à moteur pour savoir se placer et remorquer les élèves, afin que la sécurité soit optimale. J’opterais donc pour quelques sessions avec les moniteurs pour observer et essayer de manier l’engin ! Chaque site a ses dangers et nécessite également qu’on les connaisse. Le « DSI » (dispositif de sécurité et d’intervention) affiché sur chaque site donne des indications nécessaires à la sécurité, qu’il faudra également lire.
Une fois cela fait, essayer le support peut permettre de comprendre les difficultés (de communication / d’équipement / de placement). Il y a sur mon site des progressions faites par des moniteurs stagiaires qui peuvent vous donner une idée d’un cycle de voile. Il y a extrêmement peu d’ouvrages sur la voile, et sur la voile scolaire. C’est un peu la critique interne que l’on a fait en tant que formateurs auprès de la fédération, il n’y a pas eu de livre basé sur les situations et les contenus depuis les « standards » (pour les connaisseurs !), et je ne connais pas de prof d’EPS qui aie formalisé quelque chose.
On retrouve dans votre site, notamment dans les vidéos et dans vos propos, un côté tourné vers la notion de plaisir. Quel est votre point de vue sur cette composante et son rôle en EPS ? Et je souhaiterais également ouvrir le débat sur votre vision du système éducatif ?
La voile, et surtout la planche à voile de vitesse, est une activité centrée sur les sensations, l’adrénaline, la peur liées au risque… qui créent le plaisir. Retrouver ces sensations fortes en EPS est lié au traitement de certaines activités et du rapport qu’on entretient au risque en tant qu’enseignant. Pour que les élèves vivent ce risque « perçu », il faut cadrer l’activité pour éliminer le risque réel. Voler en gym, grimper en haut de voie ou sur un dévers en escalade, franchir des haies hautes, sont autant d’émotions fortes qui resteront ancrées durablement chez nos élèves.
Je pense surtout qu’on doit développer le plaisir de pratiquer et de devenir compétent. Peut être que c’est un plaisir qu’on partage : le plaisir de les rendre compétents et qu’ils le deviennent! Le collège de demain, pour moi, doit être basé sur un processus de formation lié à la certification de niveaux de compétences. En EPS, certes, et cela sera un bon point de départ, mais également que cela se généralise dans toutes les disciplines. C’est tout simple car on travaille déjà sur des compétences, mais cela révolutionnerait notre enseignement. On laisse l’opportunité aux élèves en difficulté de valider des niveaux en cours d’acquisition en leur laissant plus de temps, sans les faire passer dans la classe supérieure et changer de programme sans avoir validé cette compétence. On supprime les redoublements décidés souvent à l’emporte pièce et peu efficaces, et cela permet de valoriser aussi ce que les élèves en difficulté ont quand même acquis. On demande à ceux qui vont trop vite (et qui s’ennuient et bavardent) d’aller plus vite en allant chercher la validation de niveaux de compétences supérieurs (et pourquoi pas des niveaux lycée ?). On rend lisible le curriculum de l’élève et ses apprentissages. On individualise l’enseignement par élève et non pas par le postulat de la classe par année d’âge. Enfin on supprime les examens puisque 90% des compétences utiles validées suffisent pour l’obtenir. Je pense que le collège doit être rénové, c’est indispensable, et cette façon là me plairait bien.
Marianne Tertian-Peyrotte, Merci !
Le site
http://mariannetertian.free.fr/
Sur le site du Café
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