Maitresse C. enseigne en maternelle depuis plus de 10 ans. Elle partage avec les lecteurs et lectrices du Café pédagogique les petits moments de son quotidien. Alors que les enseignants et enseignantes entament leur quatrième semaine depuis la rentrée, elle se souvient de la chorale de fin d’année. Un moment riche qui lui permet de passer outre les petits tracas liés « aux injonctions contradictoires » qui peuplent son quotidien.
Ca y est, on y est, l’heure de la rentrée a définitivement sonné… La fête est finie, place aux premiers tracas, et aux difficultés avérées de septembre.
La classe est une scène de théâtre : une fois côté cour, on oublie jusqu’à son propre prénom, ne déclamant à nos élèves que notre propre texte, tellement absorbé et envahi par notre enseignement.
Métier impossible disent certains, le plus beau du monde surenchérissent d’autres, je laisse aux débatteurs le soin d’apporter une réponse. En revanche, je sais que ce métier, si l’on n’y prend garde peut nous consumer, tellement les injonctions contradictoires peuplent notre quotidien. Et il suffirait d’un rien pour qu’on oublie que l’important est là aussi, dans cette fierté qu’ont déjà nos petits élèves de dire bonjour le matin, et dans cette émotion qu’ont ces nouveaux parents à franchir le seuil de l’école.
C’est pourquoi je veux me rappeler d’une des moissons de l’année, la chorale de fin d’année !
Les enfants entonnent avec plus ou moins de bonheur les refrains et les couplets que les maitresses auront fait apprendre.
Les parents sont venus, ils sont tous là, quasiment en tout cas.
Ils se cherchent un peu des yeux, retrouvent le voisin de palier, la dame avec qui on a échangé trois mots il y a quelques jours.
Ils se font des sourires timides.
C’est une des rares fois où, l’égalité et la fraternité sont conjuguées au présent de l’indicatif sans conditionnel.
Ils se retrouvent, parents tout simplement. Il n’y a plus de posture, de catégorie socio professionnelle, de cravate bien ajustée, seulement des parents heureux et émus, pour un peu fiers de voir leur progéniture chérie prendre leur envol l’espace d’un instant.
Et puis, on voit rarement les enfants travailler. On voit les réalisations mais assister à la chorale de fin d’année a un goût de repas de Noël où on aurait oublié de s’engueuler et une fois n’est pas coutume, la tata affiche un sourire véritable et pépé n’a pas oublié son appareil auditif.
La chorale s’achève. Les applaudissements fusent. Il y a toujours une collègue pour réclamer un rappel d’ovations, et des parents beaux joueurs.
La ripaille du matin peut débuter et les enfants se ruent vers le buffet, engloutissent des gâteaux et des confiseries sous l’œil médusé de certains parents pour qui la nourriture n’est qu’une histoire alimentaire.
J’en profite pour déambuler, dire un mot à chaque parent, consciente que les « au revoir » n’aiment que l’impératif, que s’installer dans la discussion peut être risqué.
Je vais voir une de mes mamans de la classe, je sais bien qu’elle ne viendra pas d’elle-même dire « merci pour l’année » mais que pour autant, son attitude témoigne du remerciement silencieux qu’elle adresse à la communauté scolaire.
Elle enjoint son enfant au prénom martial à me dire merci, je lui réponds d’un sourire à mon élève. Pas simple d’être enfant de deux parents aux cultures fortement éloignées et de vivre dans un pays, la France, où on parle encore une autre langue que celle de chacun des parents.
Elle se tient là, imperturbable, la maman et je pressens que si son fils ne répond pas à l’injonction maternelle, nous allons attendre plusieurs lunes mais que nous attendrons tous les trois, figés dans cet instant, en attendant son merci. Il a la bonne idée d’y souscrire rapidement. La maman réprime un geste d’affection envers son fils. Je la salue et en profite pour m’éclipser.
Je ne sais trop pourquoi cette année nous avons décidé d’installer des tapis et des jeux dans la cour de l’école. Force est de constater que ça fonctionne. Les enfants jouent plutôt tranquillement, tournent autour du buffet, les parents sirotent un énième café et il suffirait de presque rien pour que ce soit un dimanche à la campagne.
On se retrouve au milieu de la cour, communauté éphémère à la composition improbable.
Je bois un café déjà froid et un morceau de vilain gâteau.
Peu importe ! Sus à la moisson !
Maitresse C.