Jeudi 21 septembre, le SGEC – Secrétariat général de l’enseignement catholique – tenait sa conférence de rentrée. L’occasion pour le principal réseau d’établissements privés – qui scolarise plus de deux millions d’élèves – de faire le point. Alors que des centaines d’enseignants manquent encore dans les écoles, collèges et lycées publics, l’enseignement catholique dit ne pas connaître de pénurie. Quant au Pacte et au CNR, ils font le plein dans les établissements du réseau selon le secrétaire général. Une particularité qu’il explique par la « liberté responsable » dont jouissent les équipes éducatives. Une liberté qui « apporte de la diversité, de l’énergie, de la souplesse, de l’intelligence dans le fonctionnement », qui « permet une pratique développée de la subsidiarité et un sens plus affirmé de la solidarité, puisque les deux sont toujours liées ». « Elle est synonyme de responsabilisation et donc de davantage de motivation, d’engagement qui permettent aux équipes éducatives de donner le meilleur d’elles- mêmes ».
Niveau effectif, tout se passe pour le mieux pour l’enseignement catholique. Alors que les établissements catholiques sous contrat enregistraient une baisse d’inscription de 18 000 élèves en septembre dernier, cette année, ce sont seulement 8 437 élèves qui manquent à l’appel. Une baisse d’effectif à mettre en regard avec la baisse démographique. En maternelle, ce sont 300 élèves de plus que compte l’enseignement catholique et en lycée professionnel 1640.
Pour le SGEC, si l’enseignement catholique ne s’en sort pas si mal, c’est grâce à sa démarche Prospective : « une adaptation de l’offre éducative ; cela peut être à la faveur de restructurations, de rapprochements, voire de fusions ». Grâce aussi à sa capacité à « construire une offre plus ajustée au parcours des élèves… en particulier dans les voies professionnelles… et à ceux de nos établissements qui poursuivent, renforcent ou s’engagent dans une plus grande mixité sociale et scolaire, en favorisant l’accueil de tous ; et aux treize établissements qui bénéficient d’un CLA (Contrat local d’accompagnement) qui travaillent en réseaux ».
Pacte et CNR sont plébiscités
L’enseignement catholique se démarque fortement de l’enseignement public où les candidats au Pacte et au CNR ne se bousculent pas. Le Pacte, mis en œuvre aussi dans les établissements privés sous contrat « permet une reconnaissance de l’engagement des enseignants et offre un levier de pilotage et de management digne d’intérêt » a affirmé Philippe Delorme. « En même temps, il apporte un appui à l’animation éducative globale des établissements. Difficile de ne pas y discerner un facteur de liberté responsable ». Et le secrétaire général est confiant. « Même si nous n’avons pas encore de chiffres, nous tablons sur au moins une consommation de 70% des enveloppes allouées. C’est une reconnaissance du travail qui était fait bénévolement jusqu’à présent dans nos établissements ».
Pour ce qui est de la gestion des remplacements, les établissements du réseau ne rencontrent pas trop de difficultés, c’est d’ailleurs l’un des arguments qui fait pencher la balance pour le privé dans certaines familles. Le Pacte est juste venu améliorer la situation. « Lorsque les chefs d’établissement sont confrontés à des absences, de courte comme de longue durée, la flexibilité et les stratégies mises en place permettent que la continuité de l’enseignement soit garantie, après échange d’heures de cours avec d’autres enseignants ou heures supplémentaires pour remplacer des collègues absents. Les solutions mises en place reposent beaucoup sur la solidarité et la motivation des enseignants. Leur attachement au projet, la stabilité de l’équipe et un fort sentiment d’appartenance y concourent largement. Évidemment, le Pacte vient aussi conforter ces solutions, en apportant une reconnaissance à cette motivation ». Les établissements font souvent appel à des maîtres suppléants pour couvrir ces remplacements. À l’image des contractuels, ce sont des personnels de droit privé ayant signé un contrat à durée déterminée. Depuis dix ans, le SGEC demande l’alignement de leur rémunération sur celle des contractuels. Il a eu gain de cause cet été se réjouit le secrétaire général.
Tout comme pour le Pacte, le SGEC voit d’un bon œil le fond d’innovation pédagogique mis en place dans le cadre du CNR. « Il constitue une chance pour les communautés éducatives, en leur permettant de vivre une dynamique pédagogique commune, essentielle pour faire évoluer les pratiques de classe et d’établissement. Là encore, la liberté donnée aux équipes est un vrai levier, dont nos chefs d’établissement ont commencé à se saisir ».
Des concours qui font le plein
Autre démarcation : les résultats des concours du professorat. Alors que l’École publique peine à recruter, l’enseignement catholique semble rester attractif. « Les candidats aux concours de recrutement de l’enseignement privé réussissent bien et nos concours rendent quasiment à 100%, ce qui veut dire que tous les postes offerts aux concours sont pourvus ». Il semble tout de même utile de rappeler que les proportions sont loin d’être comparables. Là où l’enseignement public recrutaient 9 885 professeurs des écoles en 2023, c’était 850 pour le privé. Dans le secondaire, c’était 6 576 dans le public et 1 974 dans le privé. Pour autant, le secrétaire général explique cet attrait pour le privé par la qualité de la formation et de la préparation aux concours. « Au nom de notre caractère propre, nous avons fait un choix de formation différent lors de la réforme de 2020 ». Les étudiants préparant les concours du privé ont 4 semaines de stage en M1 et 8 en M2, ils soutiennent leur mémoire en janvier afin de leur « dégager un à deux mois pour préparer le concours sereinement ». C’est un facteur de réussite soutient Philippe Delorme.
La découverte des métiers dès le … CM1
Alors que le Président a lancé la découverte des métiers en 5ème, l’enseignement catholique va beaucoup plus loin. Pour son secrétaire général, on peut commencer à penser l’orientation dès … le CM1. « Cette réforme (ndlr : la réforme de la voie pro) aura d’autant plus de sens si elle est accompagnée d’une vraie réflexion sur l’accompagnement à l’orientation dès le cycle 3 ». Quant au lien École-entreprise, le SGEC estime que l’on en fait jamais trop. « Nous sommes convaincus des bénéfices d’un resserrement du lien École-entreprise et nos établissements travaillent à la mise en place des bureaux des entreprises. Cependant, cela suscite des inquiétudes, dès lors que nous ne bénéficions pas des moyens financiers prévus pour le public ».
Plan boussole pour lutter contre le harcèlement
Pour ce qui est du harcèlement scolaire, l’enseignement catholique dit en avoir fait une priorité. « Depuis 2018, nous proposons tout un ensemble de ressources à nos acteurs éducatifs dans le cadre d’un Programme de protection des publics fragiles (3PF), que nous avons développé : il comporte de nombreuses fiches pratiques, des repères juridiques et éducatifs ; il est diffusé via un réseau de référents régulièrement formés. À cette rentrée, le « Plan Boussole », propre à l’Enseignement catholique, a été imaginé, pour mieux traiter en particulier le harcèlement, en référence à l’éducation intégrale de la personne humaine, au sens de la communauté, à la fraternité ». Le plan Boussole, c’est, un peu à l’image de PHAre, un dispositif qui place la communauté éducative en co-responsabilité et co-vigilance sur toutes les formes de violence. « Un seul référent est important mais suffit pas. C’est une question collective » explique Nathalie Tretiakow, adjointe au secrétaire général. « Les équipes réfléchissent à leurs pratiques pour mettre en œuvre un plan d’action. Le programme s’inscrit dans un tout, pour faire de l’école un endroit sûr ». « On n’est certainement pas à la hauteur du défi des situations de harcèlement. On n’est tous pas à la hauteur, l’école mais aussi les familles. Personne n’est à la hauteur. C’est un drame absolument. Un phénomène considérablement accentué par les réseaux sociaux » déplore Philippe Delorme. « Il faut faire prendre conscience de la gravité, c’est indispensable. Il faut une réponse forte en faisant preuve de la pédagogie ». Pour autant, il n’écarte pas l’idée de passer « par la case commissariat ».
La laïcité dans les établissements catholiques
Concernant la laïcité, le secrétaire général a tenu a rappelé le caractère propre des établissements de son réseau. « La question ne cesse jamais d’être d’actualité, ce qui est déjà un signe de la difficulté persistante. Cette fois-ci, à la rentrée, c’est le port de l’abaya. Rappelons d’abord que la loi de 2004 sur le port des signes religieux ne nous est pas applicable. Mais je veux surtout vous dire que cette question est peu prégnante dans nos établissements, et cela sans doute parce que les convictions religieuses n’y sont pas mises à la porte. Au contraire, nous les accueillons. C’est une forme de laïcité qui accorde toute sa place à la rencontre et à la reconnaissance de l’autre, différent. La construction et l’éducation des jeunes impliquent cette rencontre de l’autre, l’accueil de la différence comme une richesse, la fraternité ». Pour le secrétaire général, l’interdiction ne « règle pas la question de fond : Pourquoi des jeunes de différents groupes ont-ils besoin de s’identifier ? »
Si l’enseignement catholique se démarque à bien des égards de l’enseignement public, il n’en demeure pas moins financé très majoritairement par les fonds publics.
Lilia Ben Hamouda