« Gabriel Attal arrivera-t-il à adapter la feuille de route présidentielle en matière d’éducation tout en la préservant de la vision caricatural ultra conservatrice qu’Emmanuel Macron s’en fait ? » interroge Elisabeth Allan-Moreno, secrétaire générale du Se-Unsa lors de la conférence de rentrée du syndicat. « À ce stade aucune piste n’a été donnée pour répondre aux vrais enjeux de l’école. On continue de ne pas traiter les causes car on ne les cherche pas. On continue de coller des solutions simplistes et faciles ». Pour le syndicat, l’école a besoin « qu’évaluation ne rime pas avec sanction, que le rattrapage ne rime pas avec du hors temps scolaire car l’apprentissage se doit être qualitatif avant d’être quantitatif ».
« Au Se-Unsa, on veut un ministre fort, reconnu et légitimé et cela sera lui notre interlocuteur » déclare Élisabeth Allan-Moreno. Même si le ton change, reconnait la responsable syndicale, « Ministre, Président, la feuille de route, c’est la même ». « Cette rentrée s’effectue dans un contexte très particulier. Un contexte social à fleur de peau avec des prises de parole du Président et du Ministre qui crispent la profession. Un contexte économique marqué par une forte inflation. Un contexte démocratique fragilisé et un contexte écologique qui nécessite des mesures d’urgence. Cette rentrée et les suivantes doivent marquer un virage pour l’école ». Si la responsable syndicale s’accorde sur le besoin d’union dont aurait besoin l’école – en faisant référence aux déclarations de Gabriel Attal, elle estime que cela nécessite de la cohérence et de la faisabilité. Elle exige des « mesures pensées globalement avec tous les acteurs et qui ont le temps de s’installer avant d’être balayées ».
« L’école de demain est devant nous, alors bâtissons-la » argue la Élisabeth Allan-Moreno qui voit dans la vision présidentielle de l’école une vision passéiste, conservatrice. « La nostalgie et les regrets ne sont pas des leviers bâtisseurs. Indirectement, le Président a pointé les professionnels comme responsables de l’échec de l’École. Des personnels qui auraient appliqué, crédité pendant longtemps un pédagogisme au lieu d’avoir conservé une pédagogie de la transmission des fondamentaux. Le Président n’a pas non plus caché sa vision paternaliste de l’éducation où l’on fabrique des élèves au lieu de les émanciper. Où l’on montre du doigt les mauvais, les pénibles, ceux qu’il faut garder plus longtemps à l’école sur la journée, sur l’année scolaire, ceux qu’on doit aider à réussir dans la voie professionnelle ».
L’école a besoin de plus de personnels, des personnel reconnus et formés
Selon le syndicat, l’École ne peut plus fonctionner avec des personnels dont le nombre est toujours à la baisse et maltraité. « Le nerf de la guerre, c’est plus de personnels » lance la responsable syndicale. « Il faut plus de professeurs, plus de psychologues de l’Éducation nationale, plus de CPE, plus d’AESH, plus d’AED. On doit pouvoir retrouver des conditions décentes d’exercice ». Les meilleurs conditions d’exercices passeraient par une meilleure rémunération, par un temps de travail décent, par une baisse des effectifs, par l’accès à la mobilité, par la formation, par un meilleur climat de travail, par le respect du principe de laïcité, par l’accueil des élèves à besoins éducatifs particuliers, par un changement de rythme des réformes… « C’est par ces leviers que l’on redorera l’image que la société se fait de l’école » affirme-t-elle.
Et quant à l’autorité, « elle ne dicte pas, ne se calcule pas, elle se construit » tacle Elisabeth Allan-Moreno qui enchaine sur la question des abayas. « Quelle cohérence entre l’interdiction d’une tenue religieuse particulière et une loi existante qui interdit déjà tous les signes à caractère religieux ? ». « Citer une tenue, c’est stigmatiser une religion, c’est débuter une liste, c’est ouvrir une brèche » estime-t-elle. « Pour nous, envoyer un message politique très fort pour rappeler que le principe de respect de la laïcité était nécessaire, urgent et attendu. Mais attention à ne pas complexifier une loi au risque de la rendre illisible, inapplicable voire de l’affaiblir. C’est par la formation initiale et continue en matière de connaissance de la loi, de son application et de dialogue avec les familles que l’on pourra faire respecter le principe de laïcité ».
Une école pour tous et toutes
Autre message que souhaite passer le syndicat au Ministre : tous les élèves doivent pouvoir venir à l’école en confiance en s’y construisant socialement, individuellement, on y trouvant des professionnels formés et disponibles pour les accompagner dans la construction de leurs projets d’avenir. « On ne peut plus continuer à priver autant d’élèves d’une égalité des droits et de conditions d’apprentissage respectueuses de chacun » fustige la secrétaire générale. « Et en voie professionnelle aussi. Le financement des nouveaux dispositifs n’est pas garanti à chaque élève de façon équitable puisque soumis au volontariat du pacte ».
Le Se-Unsa dit prendre acte de la décision de décaler les dates des épreuves de spécialité, une décision qui « finalement crée autant de difficultés qu’elle n’en résout ». Il alerte. « Les programmes n’ont jamais été adaptés aux changement de date, ce changement pourrait permettre de finir plus facilement les programmes mais des questions demeurent. Et si les épreuves devaient avoir lieu début juin, les conseils de classes pourraient être organisés fin mai amputant ainsi l’année scolaire des élèves de première et seconde de quelques semaines supplémentaires ».
Pour une école publique de qualité, il faut un budget conséquent
« On ne peut continuer à priver l’école publique du financement public nécessaire à un meilleur fonctionnement et à la confiance des familles » explique Élisabeth Allan-Moreno. « Si certaines familles se détournent de l’école publique, ce n’est ni la responsabilité de l’École, ni de ses personnels. C’est la conséquence des choix politiques réalisés ». Pour le Se-Unsa, une politique éducative tournée vers la réussite des élèves passe par le choix d’un budget qui priorise l’école publique en la dotant d’un nombre de personnels suffisant pour avoir des classes moins chargées et des remplacements assurés. En la dotant aussi de réseaux d’aide suffisants pour privilégier la prévention et l’aide précoce, d’un personnel de vie scolaire suffisant et d’un nombre de personnels médico-sociaux suffisant pour accompagner les élèves en situation de handicap. « C’est par un meilleur fonctionnement de l’école publique que les familles choisiront l’école publique gratuite et pour tous » affirme la secrétaire générale. « Une politique publique éducative ambitieuse respecte ses personnels, elle les rémunère dignement en adéquation avec le coût de la vie et sans l’obligation de pactiser ».
Lilia Ben Hamouda