Après un teasing de plusieurs jours, le remaniement est enfin dévoilé. Gabriel Attal, jusqu’à présent Ministre délégué chargé des Comptes publics, est nommé ministre de l’Éducation nationale. Une annonce qui n’étonne pas vraiment. On savait Pap Ndiaye débarqué et qu’Emmanuel Macron aurait besoin d’un fidèle pour mener à bien son projet de libéralisation de l’École. Proche du Président, Gabriel Attal était pressenti depuis plusieurs jours.
On savait l’occupant actuel de la rue de Grenelle sur le départ, son sort étant scellé depuis longtemps. On se doutait aussi que le Président nommerait à ce poste un de ses proches, une personne qui sera à même d’appliquer son projet pour l’École sans sourciller. Nommé en mai 2022, Pap Ndiaye aura tenu tout juste quatorze mois au ministère de l’Éducation nationale. Un poste qu’il n’a pas su incarner selon beaucoup. On ne retiendra pas grand-chose du ministère Ndiaye. Une revalorisation qui finalement n’aura rien d’historique, la mise en place d’un Pacte – qui vient désorganiser l’École, un plan Mixité avorté… Pour autant, arrivé après Blanquer, Pap Ndiaye – censé représenté la rupture d’avec son prédécesseur, nous aura évité les procès en wokisme, les différentes sorties sur une prime de rentrée qui financerait l’achat de téléviseurs à écrans plats ou sur des petits garçons musulmans qui refuseraient de donner la main aux petites filles…
Finalement, comme le résume Sophie Vénétitay, secrétaire générale du SNES-FSU, « il n’aura pas créer d’hostilité, il aura juste déçu. Pap Ndiaye en est resté réduit au rôle de symbole de la rupture avec Blanquer. On ne gouverne pas avec des symboles. Il est resté enfermé dans ce rôle-là, dans l’ombre du Président ».
Un fidèle de Macron à l’Éducation
C’est donc Gabriel Attal, 34 ans, qui hérite du bureau de la rue de Grenelle. Fidèle de la première heure d’Emmanuel Macron, Gabriel Attal a rejoint son parti dès 2017. Ancien du Parti Socialiste – il était membre du cabinet de la Santé Marisol Touraine de 2012 à 2107, Gabriel Attal a très rapidement su s’imposer au sein du parti présidentiel. Et les dossiers de l’Éducation, il en déjà familier. Député, il a fait partie de la commission des Affaires culturelles et de l’Éducation. Nommé secrétaire d’État auprès du ministre de l’Éducation Jean-Michel Blanquer en 2018, il fut notamment chargé de la mise en place du Service National Universel (SNU). Sous le premier gouvernement Borne, il eut la responsabilité des Comptes publics en tant que ministre délégué.
« On sait que Gabriel Attal est proche d’Emmanuel Macron. Sera-t-il son collaborateur en mettant en œuvre sa politique ou aura-t-il le poids politique nécessaire pour rappeler la réalité du terrain ? » interroge Sophie Vénétitay, secrétaire général du SNES-FSU. « Il arrive à un moment crucial pour l’École publique. L’École publique connait une crise sans précédent. Elle n’est pas loin de l’effondrement. Va-t-il accompagner, accélérer cet effondrement ou rappeler Macron à la réalité ? ». L’élue syndicale attend que le nouveau ministre « lève le nez de sa calculatrice et qu’il traite l’urgence de la revalorisation ». « On va lui rappeler qu’il faut 3,6 milliards pour augmenter tous les professeurs et une loi de programmation pluriannuelle. Ce sont des enjeux déterminants ».
Au SNES-FSU, on n’oublie pas que lorsque Gabriel Attal était secrétaire d’État à la jeunesse, il fut le « premier promoteur du SNU ». « À l’heure où Emmanuel Macron parle de désatisation et de retour à l’ordre, on saura rappeler que la jeunesse a besoin de l’École publique et pas de SNU » ajoute Sophie Vénétitay.
Au SE-Unsa, on se dit « pas vraiment surpris ». « Même si l’on reconnait sa connaissance des dossiers de l’école, on ne voit pas d’un œil optimiste l’arrivée de Gabriel Attal » confie Élisabeth Allan-Moreno. « L’École et toute la profession ont beaucoup de besoins et d’attentes. Nous nous opposons à la politique Macron pour une École publique et laïque. On est en doit de douter des marges de manoeuvre que Gabriel Attal pourra se créer, et par conséquent de sa capacité à dévier de la politique présidentielle ». « Et puis lorsqu’il était secrétaire d’état, il a tout de même géré le SNU, un dossier qui marque une opposition importante entre le gouvernement, les enseignants et leurs syndicats » ajoute la responsable syndicale. « Il est donc difficile de faire confiance en celui qui incarne la politique macronienne. L’école et les professionnels n’ont pas été écoutés dans leurs revendications de ces derniers mois. Il ne marque pas une rupture. Il est l’incarnation de la continuité et de la parfaite application de la politique Macron » résume l’élue du SE-Unsa.
Gabriel Attal, nouveau visage de l’Éducation nationale, ne suscite pas d’espoirs. Peu de chances qu’il s’éloigne du chemin tracé par l’Élysée en matière d’éducation. La libéralisation de l’École est bien engagée, le projet d’une école émancipatrice et égalitaire s’éloigne encore un peu…
Lilia Ben Hamouda