Un rapport de la commission des finances du Sénat sur le budget 2022 fait le point sur l’évolution effective, et non programmée, des postes enseignants. Non seulement tous les postes ne sont pas pourvus. Il s’en faut de beaucoup. Mais ce déficit n’est pas du à la seule crise du recrutement. Le rapport pointe la forte croissance des départs imprévus. Les futurs enseignants ne se bousculent pas. Et en plus les profs font leur valise…
14 000 postes inscrits au budget non consommés
A la crise du recrutement dans l’Education nationale s’ajoute la crise des départs. Rédigée par Gérard Longuet, la partie éducation du rapport sur le projet de loi de règlement du budget 2022 contient quelques informations précieuses sur le mouvement des postes enseignants.
Le rapport pointe d’abord la sous consommation des emplois dans l’éducation nationale. En 2022, 14 204 emplois (ETPT) n’ont pas été pourvus. Cela représente 1.4% des emplois inscrits au budget, soit nettement plus qu’au cours des trois années précédentes (1%).
A la crise du recrutement…
Une partie de la sous consommation résulte du « manque d’attractivité du métier d’enseignant« , rappelle G. Longuet. On sait qu’à la rentrée 2022 un nombre important de postes d’enseignants n’ont pas été pourvus. Le ministère avait avancé une explication technique, la modification du concours de recrutement. Mais les résultats des concours 2023 montrent qu’en réalité que le « choc d’attractivité » vanté par le ministre, avec la « revalorisation« , ne fonctionne pas.
Comme l’écrit G Longuet, » le nombre d’inscrits aux concours de l’enseignement du second degré a diminué de plus de 30 % en quinze ans, passant de 50 000 candidats présents en 2008 à 30 000 en 2020. En outre, le nombre de candidats pour la rentrée 2023 reste très inférieur à celui des années antérieures, ce qui confirme qu’il s’agit d’une tendance lourde et non uniquement d’un effet conjoncturel. Ainsi, le nombre d’inscrits n’a augmenté en 2023 que de 3 % par-rapport à 2022 pour le concours de professeur des écoles, et de 11 % pour le CAPES, ce qui ne permettra pas de compenser la quasi-division par deux du nombre de candidats présents constatée entre 2021 et 2022« .
…S’ajoute la crise des départs
Mais la plus grande partie de la sous consommation des emplois portés au budget vient des sorties inattendues de l’enseignement. » Le nombre de sorties d’emplois, départs à la retraite et démissions, a également été plus élevé que prévu« , écrit G. Longuet. 9 202 départs définitifs supplémentaires n’avaient ainsi pas été anticipés en LFI (loi de finances).
Dans ces 9202 sorties imprévues, il y a déjà 952 départs à la retraite qui n’avaient pas été anticipés. Les enseignants sont tentés de partir coûte que coûte plutôt que s’accrocher à leur poste. Surtout, » le nombre de démissions a également été largement supérieur à celui constaté en exécution 2021 (+3 337 démissions)« . On comptait 30 959 démissions en 2020. Ce nombre est passé à 35 933 en 2021 et finalement à 39 270 en 2022, soit 9% de plus en un an. C’est cette croissance des démissions qui est de plus en plus significative. Elle dépasse largement les départs en retraite.
G. Longuet « alerte sur le fait que la croissance continue du nombre de démissions, bien qu’encore marginale, doit constituer un point d’attention prioritaire de la gestion des ressources humaines du ministère« .
Cette situation impacte la sincérité budgétaire de l’Education nationale. Comme le remarque G. Longuet, » le plafond d’emplois global de la mission (enseignement scolaire NDLR) a augmenté en 2022, mais cette hausse est en trompe l’œil dans la mesure où elle est essentiellement due au transfert vers le titre 2 d’une partie des accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) auparavant employés hors plafond. En revanche, le nombre d’enseignants est en baisse, en particulier pour le second degré, dans la continuité des années précédentes« . Pour 2023, le plafond d’emplois inscrits au budget est en baisse de 1598 postes. Mais » si la sous-consommation des emplois reste identique à celle constatée au cours des dernières années, la baisse des emplois serait en réalité bien plus importante« .
François Jarraud