Comment rester dans l’unité nationale tout en défendant sa conception du projet républicain ? C’est l’exercice conduit avec brio le 15 janvier par N. Vallaud-Belkacem. Difficile de faire plus consensuel. En pleine surenchère sécuritaire, la ministre de l’éducation nationale ratisse d’autant plus large qu’elle veut imprimer sa marque. Le 15 janvier elle a ainsi consulté ses prédécesseurs, les collectivités territoriales, les associations partenaires de l’Ecole. Et si c’était pour conforter ses propres choix ?
Des visions opposées des valeurs républicaines
Après avoir reçu les syndicats, les lycéens, les parents, N Vallaud-Belkacem a ouvert la journée du 15 janvier en recevant les associations d’élus locaux : association des maires de France (AMF), des départements (ADF) et des régions (ARF). Pour l’AMF, François Baroin a annoncé la constitution d’un groupe de travail qui proposera des règles pour la défense d ela laïcité à l’école comme dans les autres services publics d’ici 3 mois. F Baroin parle de « reconquête », de « sanctuaire » scolaire, d’intransigeance et appelle à ce que toutes les institutions tiennent le même discours. Un objectif très ambitieux dans un pays où le catholicisme est le seul culte reconnu dans un département, où la séparation d el’Eglise et de l’Etat n’est pas faite dans trois autres…
Changement de ton avec l’ARF. Henriette Zoughébi invite au dialogue avec les jeunes et à la confiance. Elle souligne l’exigence d’égalité : il faut faire davantage d’efforts dans la lutte contre le décrochage, donner la possibilité à chaque jeune d’aller aussi loin qu’il le veut et donc veiller à ne pas avoir d’orientation subie. Elle annonce que des intellectuels et des artistes iront dans les lycées franciliens défendre les valeurs républicaines dans le dialogue avec les jeunes. Stéphane Troussel, pour l’ADF, invite à changer les pratiques enseignantes pour tenir compte d e l’impact d’Internet et des réseaux sociaux sur l’information des jeunes.
Puis c’est au tour des ex-ministres. La ministre reçoit Allègre, Robien, Bayrou, Darcos, Lang, Hamon, Peillon. Chevènement en profite pour demander qu’on enseigne « l’amour de la France » et « le récit national ». « L’essentiel c’est la transmission du savoir, des valeurs et de l’amour de la France », dit-il. Là aussi fort contraste avec B Hamon qui estime que « les inégalités à l’école est la question centrale… Aujourd’hui l’école donne le sentiment, cycle après cycle, d’abandonner une cohorte supplémentaire d’élèves. Mais la réalité c’est qu’elle est mobilisée pour le contraire ». Il appelle à réduire « le décalage entre mythe républicain et ce ui est vécu par chaque élève ».
Les trois axes de N Vallaud-Belkacem
Bien loin d’enfermer la ministre, toutes ces consultations semblent lui donner davantage de marge. Sans indiquer ses décisions, la ministre fait « un point d’étape » et dit que « les mesures devront s’articuler autour de trois axes ». Elle annonce le maintien de l’enseignement du fait religieux à l’Ecole avec un effort de formation des enseignants. Le second axe c’est la réduction des inégalités « pour renforcer le sentiment d’appartenance à la république ». Il s’agit de « réduire l’écart entre les principes républicains et la réalité quotidienne ». La ministre prendra des engagements pour renforcer la maitrise du français, mieux prendre en compte la pauvreté, lutter contre le déterminisme social. « Apprendre à vivre ensemble quand certains jeunes ne font pas l’expérience de la mixité sociale ce n’est aps simple », dit-elle. Le 3ème axe c’est l’ouverture de l’Ecole aux associations partenaires et aux parents pour aider à transmettre les valeurs républicaines. Interrogée par le Café pédagogique, la ministre a tenu à préciser que la nouvelle filière du supérieur crée spécialement pour les bacheliers professionnels est à l’étude mais « la décision ‘est pas prise ». En elle même elle symbolise le refus de l’égalité dans l’accès à l’enseignement supérieur.
N. Vallaud-Belkacem n’en a pour autant pas fini avec la « mobilisation de l’école pour les valeurs républicaines ». Elle se rend le 16 janvier à Châteauroux dans un lycée où une bagarre a éclaté suite aux attentats. La semaine prochaine elle devrait participer à un séminaire gouvernemental avant de faire connaitre ses décisions en fin de semaine.
François Jarraud