À la cité scolaire Sembat-Segin de Vénissieux, les enseignants et enseignantes sont mobilisés, et ce depuis quatre semaines. À l’image du lycée Doisneau qu’évoquait le café pédagogique mardi dernier, les professeurs sont noirs de colère.
La cité scolaire Sembat-Seguin – incluant les lycée Sembat et Seguin – a l’un des plus faibles IPS de l’académie de Lyon, pour autant, le rectorat ne semble pas enclin à lui allouer les moyens nécessaires à la réussite des élèves selon les enseignants mobilisés. « L’équipe a toujours été animée par une volonté de faire réussir ces jeunes qui en ont plus besoin que les autres. De nombreux projets ont été portés. Mais au fil des ans, toujours avec moins de moyens et une reconnaissance de l’institution toujours absente, exercer notre métier et croire encore en nos missions devient très difficile » s’exaspère patrick Samzun, professeur au sein du lycée et délégué syndicale de Sud éducation. « C’est un problème de fond, il n’y a pas de politique d’éducation prioritaire au lycée comme si les difficultés des élèves disparaissaient à leur sortie du collège ».
En effet, alors que l’IPS de l’établissement s’effondre , 87,5 en 2022-2023 contre 94,7 en 2019-2010, nul moyen supplémentaire n’est prévu – toujours selon le collectif enseignant. Plus grave, c’est une baisse de moyens qui semble annoncée pour la prochaine rentrée avec l’ouverture de la filière STL qui n’est pas assortie de moyens suffisants. « La chute des moyens entraîne 50% des dédoublements en moins, prévus sur le niveau seconde en français, mathématiques et histoire-géographie pour l’année 2023/2024. Cela revient à enlever du suivi individuel à des élèves fragiles. Le travail en classe entière renforce des difficultés d’apprentissage déjà présentes, cela ne peut que déstabiliser nos élèves, ayant bénéficié des aides des dispositifs REP et REP+. Comment accepter un tel frein à leur réussite ? » s’étonne le collectif.
Toujours moins avec une réforme en plus
Du côté du lycée professionnel Seguin, même exaspération pour Stéphane Bochard, délégué CGT. « Nous perdons une heure par rapport à la DHG de l’an passé. Nous demandons toujours des heures postes en nombre pour pouvoir dédoubler l’ensemble des classes de bac pro (31h en terminales Bac, 24h en premières, 16,5h en secondes) et de 3ème prépa métiers (12,5h). Nous souhaitons revenir à un groupe classe de 24 élèves en bac pro SN (système numérique). Le Rectorat nous a augmenté les effectifs à 30 depuis quelques années et avec notre public, cela est difficile de transmettre des savoirs dans de bonnes conditions ». « Lors de la précédente rentrée scolaire, quatre postes n’ont pas été pourvus – 2 en Lettres/Histoire, 1 en maintenance, 1 en Électrotechnique. Des contractuels ont été affectés parfois sans expérience professionnelle. Si nous voulons attirer des collègues au sein de l’établissement et les « fidéliser », il est nécessaire d’améliorer les conditions d’enseignement comme de rémunération – avec des primes telles que celles attribuées en prime REP+ par exemple » ajoute-t-il.
Des problématiques, côté lycée professionnel qui s’ajoutent à la réforme, très mal accueillie par l’ensemble des enseignants. « Elle n’est pas une réponse à notre public qui est déjà en difficulté pour trouver des lieux de stage » poursuit Patrck Samzun. « Avec le pacte, elle modifie nos missions avec du travail supplémentaire. Alors que nous avons besoin de voir nos missions renforcées – plus d’heures d’enseignement – pour assurer la réussite des élèves. Un lycée professionnel public au service des entreprises loin de la réalité de la jeunesse de Vénissieux. Cette réforme crée aussi de l’inquiétude chez les collègues au sujet de leur devenir. Qui va décider si nos formations de bac professionnel insèrent ou non dans l’emploi? Quand l’institution va nous annoncer qu’ il faut se reconvertir ? Un mode managérial comme dans certaines entreprises privées où l’incertitude est calculée pour pousser les gens à partir. Le new public management est à l’œuvre ».
Les enseignants sont soutenus par les parents d’élèves. A. Verzier, mère d’un lycéen se dit atterrée « Comme l’ensemble des parents d’élèves du lycée ». Atterrée de « de voir avec quelle indifférence les personnels du lycée, les élèves et par conséquent les parents sont traités. Manque de moyens, manque de considération, locaux délabrés, voire qui ne sont pas aux normes, clairement l’égalité des chances n’est pas respectée pour les élèves du lycée ». Même ressenti pour A. Guessas, parent d’élève impliquée au Conseil de Vie Lycéenne. « On nous a reçus mais sans nous donner aucune réponse. Tout se dégrade, les élèves sont moins motivés depuis le Covid mais les enseignants s’accrochent. Si les moyens ne suivent pas, cela va être une vraie bombe à retardement ».
S’ils ne sont pas entendus d’ici la fin de l’année scolaires, les enseignants et enseignantes n’écartent pas l’idée d’une grève dès la rentrée scolaire en septembre prochain.
Lilia Ben Hamouda
Des enseignants noirs de colère à Vaulx-en-Velin