Mathieu Cladidier, comme d’autres, s’est lancé dans l’aventure de l’enseignement à l’étranger. Dans cette nouvelle rubrique, ils seront plusieurs à partager avec nous leur expérience et le bilan qu’ils en font.
Une aventure motivée et motivante
Au cours de ma carrière d’enseignant, j’ai eu l’opportunité de travailler à l’étranger, expérience qui a profondément influencé mon approche pédagogique et ma vision du monde. Inspiré par la volonté de découvrir d’autres méthodes d’enseignement et d’autres perspectives, je me suis lancé dans l’aventure en 2011, ayant obtenu mon CAPES de Lettres Modernes en 2001. Recruté pour quelques remplacements au Lycée Saint Louis de Stockholm, j’ai découvert mon métier d’enseignant avec un autre regard. La richesse de la pédagogie suédoise, donnant une vraie place au développement socio-émotionnel de l’enfant, a été un révélateur. L’être, le bien-être avant le savoir, la tête bien faite avant tout. Cette empathie, existant en France bien entendu, mais accompagnée et encouragée en Suède, m’a amené à aller plus loin. Littéralement et géographiquement.
C’est donc à l’École Bilingue de Berkeley en Californie que je me présente à la rentrée 2012. J’y resterai quatre ans au total, continuant à apprendre et à endosser de nouvelles responsabilités. Ce contexte bilingue m’a permis d’acquérir de l’expérience, reconnue par différents diplômes (Certification complémentaire, Habilitation DELF Scolaire) et m’a amené à penser « en passerelles ». C’est en songeant à Bachelard, notamment à son aphorisme concernant la continuité de l’apprentissage qui rappelle que « Qui ne continue pas à apprendre est indigne d’enseigner » (La Formation de l’esprit scientifique, 1938), que je veux créer ces connexions pédagogiques entre les curriculums français et américain, naviguant d’une langue à l’autre, d’un contenu à l’autre pour assurer une fluidité culturelle des apprenants. Ce fut une expérience incroyable.
Du français langue étrangère à la pédagogie numérique
En 2016, je change de continent et je me retrouve au Lycée Condorcet de Sydney dans un rôle de professeur et référent FLE/FLSco pour le Lycée. Pendant mes deux années passées à Sydney, je travaille en collaboration étroite avec l’Alliance Française de la ville et nous parvenons à certifier tous nos élèves de 3ème avec le DELF Scolaire. Une belle réussite pour nos élèves issus de familles australiennes avec peu ou prou de liens avec la langue ou la culture françaises. Je découvre aussi lors de stages (Singapour, Hanoï, …) de nouvelles pratiques liées aux outils numériques comme démocratisation de l’apprentissage et accès à des ressources françaises capables de transposer les expériences de ces élèves du bout du monde.
L’expérience américaine
Depuis 2018, au Lycée Français de New York, d’abord en tant que professeur de Français, puis chef de département et depuis peu Directeur du lycée (de la 3ème à la Terminale), je vis une expérience professionnelle incroyable, exigeante et riche. Le Lycée est un environnement innovant et multiculturel qui promeut des valeurs auxquelles je crois profondément, telles que le respect d’autrui, l’attachement à un enseignement bilingue français et américain de la plus haute qualité, le multiculturalisme et la célébration de la diversité. Les enjeux de notre monde et de celui de demain, comme l’adaptation, la connexion interculturelle et les différences de vision, de moeurs et de valeurs sont autant de défis à surmonter.
L’apport de la philosophie
La philosophie m’a aidé à circonvenir ces défis avec sagesse et persévérance, me permettant d’en tirer des leçons précieuses. Je garde avec moi un livre maintenant très usé, qui est celui des Pensées pour moi-même de Marc-Aurèle. Je m’y refugie parfois quand l’expatriation devient compliquée, ce qui arrive parfois, bien entendu.
Mes expériences à l’étranger ont profondément transformé ma pédagogie. J’ai appris à considérer le langage comme un vecteur de décentrement et d’apprentissage grâce auquel on peut s’observer de l’intérieur pour mieux transmettre son savoir. Cette idée fait écho à la pensée de Montaigne et à son humanisme qui voit en l’autre un reflet de soi-même et encourage à apprécier la richesse du monde et de l’autre. Grâce à ces expériences, je suis convaincu de l’importance de continuer à apprendre et à partager, pour grandir avec les autres et contribuer à un monde meilleur. Il reste encore beaucoup à faire et le chemin est encore long, mais les perspectives sont passionnantes.
Propos de Mathieu Cladidier recueillis et retranscrits par Hans Limon