Le Plan mixité, c’était la trace que devait laisser Pap Ndiaye de son passage à la rue de Grenelle avait-il dit. C’était le projet qu’il déclarait porter depuis le début de son mandat. Finalement, le 11 mai, le Ministre n’avait rien d’important à annoncer. Après un terrible teasing autour d’un plan ambitieux, c’est par le biais d’un court sms envoyé aux rédactions que le plan – ou plutôt l’absence de plan a été annoncée par le cabinet ministériel.
Ce jeudi matin, Pap Ndiaye a bien réuni les recteurs et les Dasen pour parler mixité mais pas d’annonce de plan. Le but de cette rencontre était « de leur fixer comme objectifs d’accroître la mixité sociale dans les établissements publics en réduisant les différences de recrutement social entre établissements de 20% d’ici à 2027 » indique le cabinet du Ministre. Les grandes annonces tant attendues se résumeront à la création « avant l’été d’une instance académique de dialogue, de concertation et de pilotage de la mixité sociale et scolaire, associant les collectivités territoriales, les représentants des établissements et des parents d’élèves, pour partager les constats et préparer les actions adaptées à chaque territoire pour faire progresser la mixité ». On est loin du plan ambitieux qui semblait tant tenir à cœur à Pap Ndiaye.
Des annonces sans cesse repoussées
Comment expliquer ce revirement ? Le Plan mixité, c’est le dossier que portait Pap Ndiaye depuis des mois. Invité le 25 novembre dernier par le Café pédagogique à une table ronde sur l’innovation, il annonçait déjà vouloir faire « des propositions volontaristes en matière de mixité et de lutte contre les assignations sociales dans quelques semaines ». Les semaines sont devenues des mois. Initialement prévues le 1er mars, les annonces du plan ont été reportées au 20 mars puis au 11 mai, le gouvernement étant empêtré dans la réforme des retraites. Le cabinet du Ministre a finalement annoncé que ce serait pour le jeudi 11 mai.
Pourtant Pap Ndiaye semblait avoir travaillé le dossier. Le 22 février dernier sur France Culture, il en dévoilait quatre pistes de travail : la sectorisation – en se référant au cas parisien et à la réforme d’Affelnet, l’implantation des sections d’excellence dans les établissement défavorisés, l’élargissement des binômes de collège – à l’instar de l’expérimentation portée par Najat Vallaud Belkacem à Paris, et l’élaboration d’un pacte avec le privé. Des pistes que le Ministre n’a eu de cesse de vanter dans ses différentes prises de parole, que ce soit dans la presse, à l’Assemblée ou au Sénat.
La mixité scolaire plombée par la pression des Républicains ?
Mais que s’est-il donc passé ? Difficile de ne pas voir dans ce recul un calcul politique. Le gouvernement est loin d’avoir la majorité au sein de l’Assemblée comme l’a mis en évidence son utilisation du 49-3 lors de la réforme des retraites. Il n’a de cesse de faire du pied à la Droite, aux Républicains, pour essayer de gouverner. Gérard Larcher n’avait-il pas averti que toucher à l’enseignement privé sous contrat, c’était rallumer « la guerre scolaire » au micro de Franceinfo le 26 avril dernier ? Difficile de ne pas faire le lien.
Au Ministère, on temporise. On assure qu’il y aura bien un protocole de signé avec le privé et qu’il sera dévoilé le 17 mai. Mais aura-t-il aussi peu d’ambition que ce qui a été annoncé jeudi. Malheureusement, tout porte à le croire malgré les propos tenus par le Ministre devant les sénateurs le 1er mars dernier. « L’enseignement privé sous contrat participera à l’effort de mixité : sans cela, notre politique de mixité sera vouée à l’échec » affirmait-il au Sénat en avançant la possibilité de « moduler la part variable des subventions au privé sous contrat, comme l’ont fait le département de la Haute-Garonne et la ville de Paris ». Moduler les moyens «en fonction de l’engagement des établissements en faveur de la mixité sociale et scolaire » et fixer un quota d’élèves boursiers faisaient aussi partie des pistes présentées.
L’enseignement privé sous contrat mène le jeu
Mais le secrétaire général de l’enseignement catholique privé sous contrat a prévenu et n’a eu de cesse de marteler qu’il n’y aura aucun quota, pas de rattachement à la sectorisation et qu’il ne faut pas toucher aux moyens – garantis par la loi Debré selon lui. « Sur les moyens d’enseignement, on ne peut descendre en dessous du seuil du contrat d’association. Sur les forfaits, comme Paris ou Toulouse, pourquoi pas mais avec toujours l’inquiétude que si des malus trop importants sont pratiqués, cela se répercutera sur les familles, ça renforcera la non-mixité sociale » prévenait-il dans une interview accordée au Café pédagogique. Et même si finalement le futur protocole affiche des mesures ambitieuses, il ne pourra être imposé à tous les établissements privés catholiques sous contrat, le secrétaire général ne pouvant compter que sur son pouvoir de persuasion comme il l’admettait lui-même lors de cette interview.
Pap Ndiaye a donc fini par entrer dans le jeu politique. Pour participer à ce gouvernement, il faut savoir ravaler son chapeau semble-t-il.
Lilia Ben Hamouda