Quelques mois après la publication du rapport Piednoir – Cabanel sur l’enseignement moral et civique (EMC), une proposition de loi en tire les conséquences. Elle prévoit la réécriture des programmes pour réduire l’EMC à la connaissance des institutions et à la participation aux cérémonies avec les politiques. Adieu l’éducation de l’esprit critique ou le développement de la conscience pédagogique. Les sénateurs demandent le retour de l’instruction civique de grand papa.
Une proposition de loi réactionnaire
« L’article 1er propose une nouvelle rédaction de l’article L. 312-15 du code de l’éducation, qui constitue le socle législatif de l’enseignement moral et civique (EMC). Si cet article prévoit une formation aux valeurs de la Républiques « à tous les stades de la scolarité », en revanche il ne se réfère aucunement à la connaissance des institutions, paradoxe soulevé par le rapport de la mission d’information. Or l’un des enjeux principaux de l’EMC est de rapprocher les citoyens et les institutions, ce qui suppose tout d’abord d’améliorer la connaissance du fonctionnement de celles-ci. La mission d’information a donc recommandé de revoir les contenus de l’EMC en ce sens« .
Venant après le rapport Piednoir (LR) et Cabanel (RDSE), la proposition de loi Cabanel demande une réécriture complète des programmes d’EMC de l’école au lycée pour un retour à la bonne vieille instruction civique d’antan.
Son article 1 redéfinit l’EMC ainsi : » Son objectif est de permettre aux futurs citoyens de connaître le fonctionnement des institutions françaises et européennes« . Pour bien comprendre la portée de cette réécriture, l’exposé des motifs de la proposition de loi met les points sur les i : » Les programmes, dont la rédaction confuse a attiré l’attention de la mission d’information, devront tirer les conséquences de cette reformulation du contenu de l’EMC et rééquilibrer la place des questions environnementales et sociétales par rapport aux enjeux institutionnels, qui doivent constituer le cœur de cet enseignement« .
Un second article recentre aussi la Journée défense et citoyenneté sur l’information sur les enjeux de défense et les métiers de défense et sécurité.
La suite d’une mission d’information
Cette proposition réagit aux évolutions récentes de l’EMC. Lors de la présentation du rapport de la mission d’information qui a préparé cette proposition de loi, S Piednoir précisait que « les manuels ont un examen de conscience à faire pour mettre à disposition des outils qui ne soient pas de manière systématique dans le pessimisme et la critique systématique du système… Il faut recentrer l’EMC sur ce qu’elle était au départ, sur le fonctionnement des institutions« . C’est bien la dimension critique de l’EMC qui fait peur aux sénateurs. Tout comme une pédagogie qui ne soit pas basée sur la transmission de connaissances mais sur leur mise en débat.
Une évolution lancée dès 2017
La mission d’information demandait « une reprise en main » de l’EMC. La proposition de loi l’instaure. Elle se situe dans une évolution lancée depuis l’arrivée d’E Macron en 2017. La réécriture des programmes d’EMC de 2018 les a « retaillé dans une dimension rigide et patriotique« , selon Kéren Desmery, autrice d’une thèse sur l’EMC. « On y parle du drapeau, de l’hymne et surtout du respect comme un dû« . En janvier 2022, S Ayada, encore présidente du Conseil supérieure des programmes, disait devant le Sénat : « Je crois qu’il est urgent de revenir à une instruction civique classique où on n’est pas en lutte contre tous les maux de la société« . L’offensive continue…
François Jarraud
Le rapport de la Cour des Comptes