Dès la mi-journée, les syndicats saluaient une « mobilisation historique ». Transports, énergie, ramassage des ordures, universités, écoles… ont été perturbés. La CGT annonçait 3,5 millions de manifestants et manifestantes à travers le pays. Place Beauvau, on en concédait 1,28 millions. Chez les enseignants et enseignantes, les syndicats comptabilisaient 60% de grévistes. Pour la rue de Grenelle, ils étaient 35,35% dans le premier degré, 30,39 dans le second. Des taux importants, mais un peu en deçà de la journée du 19 janvier. Un constat qui n’inquiète absolument pas les syndicats.
A la tête du cortège, les Rosies, symboles des luttes féministes, animaient la manifestation parisienne. « Et bien t’es au courant, tu vas te faire avoir. Tes trimestres à mi-temps ce sera pour ta poire. Si tu veux des enfants, tu partiras plus tard », chantaient-elles en dansant. Parmi elles, nombreuses étaient les rosies enseignantes. « On tenait à marquer le coup. Cette réforme est fondamentalement injuste et anti-femmes » nous a déclaré l’une d’entre elles.
Ras-le-bol général
Dans le cortège enseignant, la retraite n’est pas la seule raison de la mobilisation. « On refuse de travailler plus longtemps dans de mauvaises conditions pour de mauvais salaires » explique Sophie Vénétitay du SNES-FSU. Une affirmation que partagent de jeunes lycéens et étudiants qui battaient le pavé. « Même si on est jeune, nous sommes les travailleurs et travailleuses de demain. Cette réforme qui est antisociale, elle nous touche » nous a déclaré Sacha étudiante qui défilait sous la banderole de la Faje, programme d’accompagnement des jeunes diplômes. Si Bianca, étudiante était de la manifestation, c’était aussi pour ses parents. « Mes parents ont la cinquantaine, ils exercent des métiers compliqués, fatigants. Ils ne peuvent pas faire grève, alors je suis là pour eux ».
Pour cet enseignant du lycée parisien Voltaire, Nadjim, faire grève c’est pour les retraites mais pas seulement. « Nous sommes mal payés, nous travaillons dans des conditions de plus en plus dégradées. On nous annonce que l’on nous retire des moyens, que finalement il n’y aura pas forcément d’augmentation significative et on nous demande de travailler plus longtemps. Trop c’est trop ». En grève reconductible depuis avant les vacances, l’enseignant compte bien continuer jusqu’au retrait du projet de réforme. Mathilde, professeure de mathématiques défile elle aussi pour de multiples raisons, « notre profession est largement féminisée, les professeures sont donc très impactées par cette réforme. Quel professeur peut se targuer d’avoir l’énergie d’encadrer 35 enfants ou plus ? ».
Des syndicats ravis de la mobilisation
Sous le ballon de la FSU les responsables syndicales sont ravies. « 60% de grévistes, c’est bien » confie Sophie Vénétitay, secrétaire générale du SNES-FSU, « cela prouve que les personnes de l’éducation continuent d’être mobilisés. Le fait que le gouvernement s’obstine, dans une forme de mépris, avec des discours complètement surréalistes comme celui d’Olivier Veran, participe à la mobilisation ». « Les fins de carrières sont parfois compliquées dans notre discipline, les collègues sont donc fortement mobilisés » ajoute Coralie Benech, secrétaire générale du Snep-FSU – syndicat des professeur·es d’EPS. Selon Sigrid Gérardin, du Snuep-FSU (lycées professionnels), 60% des professeurs en lycée professionnels sont en grève – le ministre annonce 21, 25%. « Les chiffres du ministère sont loin de refléter la réalité. Nous avons des collègues qui ne travaillent pas aujourd’hui, qui ont des élèves en stage… Les collègues sont très mobilisés pour plusieurs raisons : les retraites, les salaires et une énorme inquiétude autour de la réforme. A l’issue des premières bilatérales, on sent qu’ils essaient toujours d’avancer sur certaines mesures ».
Même satisfaction sous le ballon du SE-UNSA. « Il y a une mobilisation massive des personnels de direction. Nous ne voulons pas de cette réforme, pas une journée, pas un mois, pas une année de plus. Place aux jeunes, nous aurons fait notre temps. C’est une réforme injuste notamment pour les femmes, je rappelle que 52% du corps des personnels de direction est constitué de femmes » explique Christelle Kauffmann, proviseure d’un lycée à Albi et membre du comité exécutif du Snpden. Elisabeth Allain Moreno, secrétaire nationale du SE-UNSA, est satisfaite, « pas seulement par le nombre de grévistes mais aussi et surtout par le nombre de personnes dans la rue. Ce n’est pas parce que les semaines passent que la mobilisation s’affaiblit, les arguments du gouvernement restent les mêmes. Si le gouvernement persiste malgré tout ce monde dans la rue, c’est irresponsable, cela peut mettre en péril la démocratie. Comment avoir confiance en des représentants élus qui restent hermétiques au message que leur envoient les citoyens ». La responsable syndicale assure que sur le terrain, les parents d’élèves jouent le jeu et soutiennent la mobilisation de leur enseignant, « ils voient bien qu’il nous serait impossible d’enseigner à 64,65 voire 67 ans… Et puis ils sont concernés directement par cette réforme ».
Sous le ballon Sud éducation, on organise déjà la reconduction de la grève. « On est à un très haut de niveau de mobilisation avec une grève majoritaire malgré les difficultés de la rentrée en zone C » nous déclarait Maud Valegas, secrétaire générale fédérale qui animait le cortège parisien. « Il y a des dynamiques de reconduction fortes avec davantage d’Assemblées générales ce matin qu’avant les vacances. Les annonces scandaleuses d’hier concernant le Pacte ont attisé une colère déjà très forte chez les personnels. La grève reconductible est lancée, maintenant c’est au gouvernement de retirer sa réforme ».
A la suite de l’intersyndicale, les organisations confirment une journée de mobilisation dès samedi prochain et demandent à être reçues en urgence par Macron.
Lilia Ben Hamouda