« À la rentrée 2022, la taille des classes du premier degré continue de diminuer dans les écoles publiques, que ce soit dans les classes de niveau préélémentaire ou élémentaire », écrit la Depp qui le démontre graphique suggestif à l’appui. Mise en avant cette baisse mérite pourtant d’être mise dans le contexte de la dernière rentrée de JM Blanquer et de la rentrée 2023. Non seulement elle n’a rien coûté mais elle cache mal la dégradation de la situation dans le second degré.
La baisse du nombre d’élèves par classe dans le premier degré
« À la rentrée 2022, la taille des classes du premier degré continue de diminuer dans les écoles publiques, que ce soit dans les classes de niveau préélémentaire ou élémentaire. Cette tendance est particulièrement marquée depuis 2017, suite à la mise en oeuvre des dédoublements de classes en éducation prioritaire… Par ailleurs, le plafonnement à 24 du nombre d’élèves par classe en grande section, CP et CE1 sur l’ensemble du territoire, amorcé en 2020, contribue aussi à alléger la taille des classes« , affirme la Depp (division des études du ministère de l’éducation nationale) dans une nouvelle Note. Un graphique, dont l’échelle ne va que de 21 à 26 élèves par classe met la baisse en valeur.
L’évolution est flagrante. Le nombre d’élèves par classe dans les écoles pré-élémentaires publiques s’établit à 22 et à 21 en élémentaire. En 2019 il était proche de 22 dans les deux écoles. Cette baisse reflète les mesures prises depuis 2017 : limitation des classes à environ 12 élèves par classe en CP CE1 et GS de l’éducation prioritaire (plutôt 15 à 17 en GS en réalité) et évolution vers une limitation à 24 élèves par classe dans ces 3 niveaux hors éducation prioritaire.
Un nombre encore très au dessus des critères européens
Ce qui manque à la Note de la Depp c’est l’environnement qui permet de situer l’impact réel de ces baisses dans les perspectives de la rentrée 2022 et 2023.
Il faut situer ces moyennes dans le paysage global des classes. Ainsi un tiers des classes de maternelle comptent plus de 25 élèves (selon le RERS) et 30% des classes d’élémentaire. Un quart en ont moins de 20 en maternelle et un cinquième en élémentaire.
Mais il faut surtout situer ces données par rapport aux autres pays européens. La France se situe très au dessus des autres pays pour le nombre d’élèves par classe, selon les propres données ministérielles. Ainsi « L’Europe de l’éducation », une publication de la Depp, donne 18 élèves par enseignant en élémentaire en France contre 14 en moyenne en Europe, 15 en Allemagne, 13 en Finlande, 11 en Italie. Seule la Roumanie fait pire que nous. Notons tout de suite que la situation est identique dans le 2d degré. 15 élèves par professeur au collège, 12 pour la moyenne européenne. Seuls les Pays Bas font pire que nous. Il y a donc encore d’importants progrès à effectuer pour mettre les classes françaises au niveau européen.
Pour quels résultats ?
On ne reviendra pas ici sur les résultats de ces mesures. Si la baisse du nombre d’élèves par classe a amélioré le climat des classes en éducation prioritaire, les résultats promis ne sont pas au rendez-vous. Les évaluations internationales témoignent de la dégradation du système éducatif. Les évaluations nationales sont loin de montrer les effets promis (une hausse de 20% des résultats des élèves). Par exemple, l’écart entre le niveau des élèves de l’éducation prioritaire où les dédoublements ont lieu et celui d’élèves socialement comparables mais qui ne sont pas en classe dédoublée est faible.
Une baisse démographique utilisée pour faire de nouvelles économies
Il faut aussi situer ces données par rapport aux décisions gouvernementales. La très légère baisse du nombre d’élèves par classe en primaire reflète la baisse démographique. On compte 7% d’élèves en moins dans le public en maternelle prioritaire depuis 2015, 9% de moins en zone urbaine non prioritaire. La baisse est moins forte en élémentaire : -2% en urbain non prioritaire. A le rentrée 2023 il y aura encore 100 000 élèves en moins dans le premier degré.
Comment le gouvernement gère t-il cette évolution démographique ? A la rentrée 2023, pour la première fois depuis 2017, 800 postes seront supprimés dans le premier degré, alors même que les mesures de limitation du nombre des classes vont continuer à s’appliquer et consommer des moyens. Autrement dit la baisse démographique ne sera pas utilisée pour améliorer la situation dans les classes mais pour récupérer des moyens.
Des dédoublements effectués aux dépens du 2d degré
Ce n’est guère surprenant. Car, depuis 2018, les créations de postes dans le premier degré qui ont permis de baisser le nombre d’élèves par classe n’ont rien couté au ministère. Ces créations de postes ou d’emplois ont été totalement compensées par des suppressions dans le second degré alors même que celui-ci connaissait une forte croissance démographique. L’amélioration des conditions d’enseignement des uns s’est faite au détriment des conditions de travail des autres. L’Etat de son coté n’a pas ajouté de moyens.
Si la Depp oublie de faire une Note à ce sujet, on peut trouver dans le RERS (l’annuaire statistique de la Depp) un graphique éclairant sur l’évolution du nombre moyen d’élèves par classe en collège et lycée. En moyenne en collège on est passé de 25 à 26 élèves par classe depuis 2018, en lycée de 29 à plus de 30. Ces moyennes cachent des inégalités. La majorité des classes de collège se situe entre 23 et 30 élèves. La majorité des classes de lycée public se situe entre 30 et 36.
La légère baisse du nombre d’élèves dans le premier degré cache en fait la dégradation sensible des conditions de travail des enseignants du second degré. Elle n’a rien couté à l’Etat qui envisage d’aller maintenant plus loin dans les économies réalisées sur l’éducation en frappant aussi le primaire. On comprend mieux que cette « bonne nouvelle » ne diminue pas la taille des cortèges enseignants dans les manifestations actuelles.
François Jarraud
Pour un bilan du quinquennat Blanquer