A paris 178 classes du premier degré fermeront à la rentrée prochaine, dont 60 dans les 18ème, 19ème et 20ème arrondissements qui concentrent un nombre important d’écoles en éducation prioritaire. « À la découverte des chiffres – pas encore officiellement transmis par l’Académie de Paris aux fédérations de parents d’élèves en dépit de leur large circulation au sein de la communauté́ éducative – on ne peut qu’être pris d’effroi face au désastre qui s’annonce » dénonce la FCPE, première fédération de parents d’élèves. « Profitant de la baisse démographique parisienne et de la chute de la natalité de ces dernières années en France, le Rectorat conduit une véritable saignée dans les écoles. Cette mesure de fermeture touchera principalement les quartiers les moins favorisés du nord et de l’est de la capitale et porte un coup sans précèdent à l’École publique et à la mixité sociale ».
Selon Sylvaine Baehrel, présidente de la FCPE Paris, 67% des fermetures de classes des 18ème, 19ème et 20ème arrondissements sont sur des écoles de l’éducation prioritaire (EP). En effet, sur les 60, 41 sont en EP. La responsable de la fédération de parents d’élève reconnait une baisse démographique mais « cela aurait dû être l’occasion d’améliorer les conditions d’apprentissages dont on sait qu’elles n’ont eu de cesse de se détériorer dans les écoles accueillant des élèves de milieux populaires. On ne demande pas beaucoup, on veut garder les moyens pour enrayer ces constats. A moyen constants on peut avoir une école publique de qualité, c’est un choix politique ». Elle a interrogé le recteur sur le nombre de fermetures de classes dans les établissements privés sous contrat, « il n’a jamais répondu » explique-t-elle.
Alors que le ministère dit avoir fait de la mixité sociale son cheval de bataille, pour Sylvaine Baehrel le choix de fermer des classes – surtout en EP – est à contre-courant de l’affichage politique. « L’EP à Paris, c’est là où les parents jouent le jeu de la mixité social car ils savent qu’il y a des conditions favorables d’apprentissages. La tentation du privé est très forte, avec une concurrence sans précédent. Si on déconstruit les moyens, on amplifie la tentation ». Pour la FCPE, fermer tant de classes en éducation prioritaire est un signal fort. L’association fait le lien avec la refonte prochaine de la carte scolaire – annoncée par la rue de Grenelle, « ils n’ont pas osé à cette rentrée avec les élections. Ils commencent doucement à mettre les choses en place ».
Une baisse démographique qui aurait permis de remplacer les absences
La FCPE n’est pas la seule à monter au créneau. L’intersyndicales des professeurs du premier degré de la capitale aussi. « L’académie aurait dû profiter de la baisse démographique pour créer des postes de remplacement et des postes de RASED » nous confie Audrey Bourlet de La Vallée co-secrétaire générale du SNUipp-FSU Paris. « Ça ce serait raccord avec les priorités nationales affichées par le Ministre. On nous dit qu’il est inconcevable que les élèves n’aient pas classe car leur enseignant est absent et qu’il faut absolument améliorer leurs résultats et quand on en a l’opportunité, ben on ne fait rien… ». Interrogés sur le manque de remplacements, le rectorat aurait répondu au syndicat que sur « 180 classes avec un enseignant absent par jour, seulement 15 n’accueillaient pas les élèves ». Une réponse assez éloignée de la réalité. « La DASEN a reconnu que dans leur calcul, quand les élèves étaient répartis dans les autres classes, on estimait qu’ils avaient cours » s’offusque la responsable syndicale. « Cette situation n’est ni acceptable pour les élèves – il y a rupture des apprentissages, ni pour les enseignants dont les conditions de travail sont dégradées ». À cet argument, le recteur répondrait que « la situation des enseignants parisiens est enviable ». « Pourtant, de notre côté, on voit les fiches RSST augmenter, de plus en plus d’équipes qui explosent car – entre autre – l’inclusion des élèves en situation de handicap est de plus en plus difficile» déclare Audrey Bourlet de la Vallée. « Quand on leur rappelle ces éléments, on nous répond que justement les fermetures de classes vont permettre d’étoffer les moyens de l’inclusion scolaire. Ce qui est complétement faux. Ils ouvrent 5,5 postes en ASH – dont 2,5 en IME, 1 réfèrent et 1 ULIS, et ils en ferment 10,5 notamment en hôpital et en CMPP. Et comme, on ne nous transmet pas les effectifs des ULIS, il y a peu de transparence ».
Une priorité à l’éducation prioritaire non négociable
La mairie du 19ème arrondissement de la capitale est elle aussi fortement mobilisée. « Lors de notre premier échange, le rectorat souhaitait fermer 32 classes » nous explique François Dagnaud, le maire. « Aujourd’hui, nous sommes à 19 classes. On a réussi à réduire la voilure mais cela ne suffit pas ». « La priorité à l’éducation prioritaire n’est pas négociable » ajoute l’élu. « La qualité de l’encadrement et des conditions d’apprentissages dépendent du taux d’encadrement ». L’équipe municipale a demandé que les écoles ayant eu une fermeture de classe l’année précédente soient préservées cette année – « pour ne pas déstabiliser les équipes » – et qu’aucune école ne passe sous la barre des cinq classes. « Avec le régime de décharge particulier à Paris – financé par la commune, quand une école passe sous cinq classes, le directeur n’est plus totalement déchargé. Cela impacte grandement la stabilité des équipes, car on y remarque un important turn over des directions ».
Au rectorat, on confirme la baisse démographique. 3178 élèves en moins dans le premier degré. « La baisse concerne tous les arrondissements parisiens, et nous conservons des moyens très favorables » nous a-t-on expliqué en confirmant la fermeture de 178 classes pour 16 ouvertures. « Nous avons un nombre d’élève par classe très favorable, il est de 19,9 en moyenne contre 21,7 au niveau national ».
La situation parisienne est loin d’être un cas isolé, mais le nombre de fermeture de classes est un des plus importants du territoire. Dans le second degré, « la situation est tout aussi dramatique » nous confie la FCPE.
Lilia Ben Hamouda