Par Frédérique Yvetot
Début novembre le gouvernement a annoncé une hausse de la TVA : les produits et services soumis actuellement à la TVA à 5,5% passeront à 7%, à l’exception des produits de première nécessité (alimentaire, abonnements au gaz et à l’électricité, équipements et services destinés aux personnes handicapées). Qu’en est-il pour l’industrie du livre ?
La TVA sur les livres va passer de 5,5% à 7% à compter de janvier 2012.
Dans son communiqué, le Syndicat National de l’édition dénonce cette augmentation de la TVA aux conséquences lourdes pour tout le secteur du livre : « L’effort de solidarité nationale demandé à la chaîne du livre, estimé à une soixantaine de millions d’euros, semble sans commune mesure avec la situation actuelle du marché du livre et avec l’enjeu de la diversité et de la démocratisation culturelle qui a présidé, depuis plus de trente ans, à l’application d’un taux réduit à ce support essentiel de l’éducation et de la vie culturelle et politique. ». Ce n’était peut-être pas le bon moment pour lancer un telle idée de TVA à 7% sur le livre ! Le secteur est déjà assez fragilisé comme ça : il subit la crise (comme tout le monde) et est bousculé par la montée en puissance du numérique. Quels seront alors les impacts principaux d’une telle mesure sur ce secteur ?
Librairies indépendantes aux premières loges
Vincent Monadé, directeur de l’Observatoire du livre et de l’écrit en Ile-de-France (MOTif), remarque que ce seront les librairies indépendantes qui seront les premières à en pâtir. Elles sont déjà en danger et le seront plus encore. Le Syndicat de la librairie française alerte lui aussi sur la situation difficile des librairies en France. Cette hausse risque «d’entraîner la fermeture de centaines de librairies » . Elles peuvent difficilement absorber la TVA dans leur marge déjà faibles et elles souffrent de la forte concurrence des grandes surfaces culturelles et des groupes de vente en ligne (livres papier ou numériques). Comment vont-elles réussir à se maintenir ?
Editeurs indépendants eux aussi fragiles
Autres acteurs touchés par cette mesure, les éditeurs et plus particulièrement les éditeurs indépendants qui comme les librairies, ont parfois du mal à joindre les deux bouts. Dans un article sur Médiapart, l’association des éditeurs indépendants (L’Autre Livre) constate également que cette mesure, en plus d’être néfaste aux libraires et éditeurs, ne « va pas dans le sens d’une démocratisation de l’accès au livre et à la lecture ». Au contraire, le prix du livre risque d’augmenter et les ventes et tirages d’ouvrages de baisser.
Des auteurs doublement concernés
Les auteurs ne sont pas non plus à la fête, c’est ce qu’explique la Société des gens de lettres. Les éditeurs ont deux solutions pour faire entrer ce 7% dans leurs comptes. Première solution : ils baissent le prix de vente des livres hors taxe, le lecteur ne se rend alors pas compte du passage à 7% (il paye le même prix). Mais les auteurs, rémunérés sur le prix hors taxe, verront une baisse de leurs revenus: ils sont perdants. Deuxième solution : les éditeurs font payer le lecteur : le livre qu’il achètera en librairie sera 1,5% plus cher. Mais il y a de fortes « chances » que les ventes baissent : l’auteur est encore perdant. Et c’est sans compter sur le fait que les rémunérations des auteurs sont aussi assujetti à la TVA… qui sera de 7% en 2012. En résumé, ils sont perdants à tous les coups : non seulement leur part du gâteau risque de diminuer mais ils vont aussi devoir payer plus pour la petite part qu’ils auront obtenue.
Quelles conséquences pour le lecteur ?
Il est probable que le prix des livres toutes taxes comprises augmente : le lecteur payera de sa poche. Le lecteur (simple particulier ou étudiants, mais aussi écoles, bibliothèques, CDI, etc…) va devoir faire un effort supplémentaire pour enrichir sa bibliothèque, ou renoncera faute de moyen. La TVA à 7 % représente donc un obstacle à l’accès au livre et à la lecture. Enfin, avec le déclin des librairies et éditeurs indépendants, on peut également penser que seuls les grands groupes, les grandes surfaces culturelles, les grands éditeurs avec leurs best-seller (titres calibrés pour être commercialisés aux quatre coins du monde) tireront leur épingle du jeu. Cette TVA à 7% sur le livre aura un impact sur la diversité culturelle, la bibliodiversité. La standardisation des contenus va sûrement se poursuivre, au détriment des créations un peu plus confidentielles des petits éditeurs indépendants (contenus divers et variés, multiples, pluriels et aussi de qualité).
Le communiqué du SNE (Syndicat National de l’Édition)
http://www.sne.fr/actualites/le-livre-un-bien-de-premiere-necessite.html
Sur le Blog de Vincent Monadé
http://www.lemotif.fr/blog/index.php?post/2011/11/07/Gribouille
Le communiqué du SLF (Syndicat de la librairie française)
http://www.syndicat-librairie.fr/fr/la_hausse_de_la_tva_menace_le_livre_et_la_librairie
Sur Médiapart, l’article de L’Autre Livre (association des éditeurs indépendants)
http://blogs.mediapart.fr[…]les-editeurs-independants-contre-la-hausse-de-la-tva-pour-le-livre
Le communiqué de la SGL (Société des Gens de Lettres)
http://www.sgdl.org/toutes-les-actualites[…]tva-a-7