Le projet de décret sur les obligations de service des enseignants du premier degré va-t-il restreindre leur liberté ? Entre la circulaire de 2013 et le projet de décret que le Café pédagogique s’est procuré, un adjectif a disparu : « forfaitaire ». Le nouveau texte pourrait restreindre la liberté relative dont jouissent les enseignants du premier degré dans la gestion de 108 heures annualisées. Une chose est certaine, ce nouveau texte, qui sera présenté aux syndicats le 5 novembre, ne satisfait ni la Cgt ni le Snuipp qui veut en finir avec les APC.
Fruit du travail du GT 5, le projet de décret sur les obligations de service des enseignants du 1er degré remplace le décret de 2008 pour prendre en compte les activités pédagogiques complémentaires (APC). Jusque là celles-ci n’étaient mentionnées que dans une circulaire de 2013. Le décret précise que les obligations de service se composent de » vingt-quatre heures hebdomadaires d’enseignement à tous les élèves et, d’autre part, trois heures hebdomadaires en moyenne annuelle, soit cent huit heures annuelles ». La répartition de ces 108 heures annualisées est précisée dans le décret. » Les cent huit heures annuelles de service mentionnées à l’article premier sont réparties de la manière suivante :
1° Soixante heures consacrées :
– pour trente-six heures, à des activités pédagogiques complémentaires organisées dans le cadre du projet d’école, par groupes restreints d’élèves, pour l’aide aux élèves rencontrant des difficultés dans leurs apprentissages, pour une aide au travail personnel ou pour une activité prévue par le projet d’école ;
– pour vingt-quatre heures, à l’identification des besoins des élèves, à l’organisation des activités pédagogiques complémentaires et à leur articulation avec les autres moyens mis en œuvre dans le cadre du projet d’école pour aider les élèves.
2° Vingt-quatre heures consacrées aux travaux en équipes pédagogiques, à l’élaboration d’actions visant à améliorer la continuité pédagogique entre les cycles et la liaison entre l’école et le collège, aux relations avec les parents, à l’élaboration et au suivi des projets personnalisés de scolarisation pour les élèves handicapés ;
3° Dix-huit heures consacrées au suivi d’actions de formation continue et à de l’animation pédagogique. Le suivi d’actions de formation continue représente au moins la moitié des dix-huit heures ;
4° Six heures de participation aux conseils d’école obligatoires. »
En apparence pas de changement par rapport à la circulaire de 2013 qui avait défini le contenu des 108 heures avec APC. Sauf qu’il n’est plus question d’heures « forfaitaires ». La circulaire précise que les 24 heures consacrées à l’identification des besoins des élèves correspondent à un temps de travail « fixé forfaitairement à 24 heures ». De la même façon les heures de travaux d’équipe pédagogiques sont fixées dans la circulaire à 24 heures forfaitaires.
La différence a son importance pour les enseignants. « Forfaitaire » cela veut dire qu’ils ne sont pas tenus de les justifier de façon écrite à leur inspecteur de façon régulière. C’est un point important pour des professeurs qui ont vu ces dernières années les justificatifs écrits monter en importance. Chaque heure de cours, chacune des obligations liées aux 108 heures doivent maintenant être justifiées auprès de l’inspecteur, dans des rapports écrits obligatoires. Toutes, sauf ces deux espaces de respiration.
Pour Jérome Sinot, secrétaire national de la CGT, l’oubli de l’adjectif « forfaitaire » n’est pas innocent. « On rapproche cela de ce qui se passe sur le terrain où des inspecteurs demandent aux enseignants de justifier les heures forfaitaires », nous a -t-il dit. Et pour la CGT le ministère « renie ses engagements ».
Le Snuipp a une lecture différente. « Le ministère veut consolider les 108 heures avec un nouveau décret », nous a dit Sébastien Sihr, secrétaire général du Snuipp. Pour lui, le problème c’est que le nouveau décret comprend les APC. « Nous estimons que le cadre des 108 heures annualisées explose et ne correspond plus aux exigences de notre métier », nous a-t-il dit. » Conseil école-collège, handicap (PPS), nouveaux rythmes, nouveaux programmes, plus de maîtres, scolarisation des moins de 3 ans, PAP, PAI, PPRE … A chaque fois qu’une nouvelle prescription arrive dans les écoles, le ministère répond « 108 heures » comme si ces dernières étaient extensibles à l’infini. En plus, les nouveaux programmes incitent au travail en équipe. Fort bien mais comment on fait ? Sur quel temps ? ». Le Snuipp demande que les 108 heures deviennent forfaitaires. « Nous voulons que la notion de forfait s’applique sur l’ensemble des 108 h. Le ministère doit faire confiance aux enseignants pour utiliser ce temps en fonction des besoins des écoles : pour la relation aux parents, le travail en équipe, tel ou tel projet pédagogique…. Pourquoi la notion d’autonomie pédagogique tant vantée à travers la réforme du collège ne se justifierait qu’à partir de la classe de 6éme ? »
La présentation du décret en CTM le 5 novembre lèvera-t-elle ces ambiguïtés ? C’est la question de confiance qui est posée au ministère…
François Jarraud