Le 11 septembre dernier, Eric Zemmour a lancé le collectif « Protégeons nos enfants » en dénonçant ce qu’il a appelé « le grand endoctrinement » qui serait selon lui la cause principale du « grand remplacement ».
« En attendant que nous soyons au pouvoir, je vais vous dire quoi faire immédiatement, avec vos moyens, dès aujourd’hui et sans attendre les prochaines élections : ne laissez plus rien passer ». Et il a annoncé la création d’un « réseau national de parents vigilants », destiné à être un « contre-pouvoir qui s’engage dans la bataille culturelle » « Je veux une présence massive sur le terrain, une « armée numérique » a-t-il ajouté (le nom du domaine www.protegeons-nos-enfants.fr ayant été déposé dès le 31 août). Depuis, trois mises en cause d’enseignants ont déjà eu lieu : en Normandie, dans le Nord et en Vendée.
Ce type d’organisation (hors numérique…) a déjà eu lieu dans le passé. On peut citer en particulier un précédent d’une importance tout à fait historique En septembre 1909, dans une déclaration solennelle, les cardinaux, archevêques et évêques de France préconisent une nouvelle forme d’organisation – à savoir les « associations des pères de famille » – au but nettement affirmé : « Vous avez le devoir et le droit de surveiller l’école publique. Il faut que vous connaissiez les maîtres qui la dirigent et l’enseignement qu’ils y donnent. Rien de ce qui est mis entre les mains et sous les yeux de vos enfants ne doit échapper à votre sollicitude : livres, cahiers, images, tout doit être contrôlé par vous […]. Nous interdisons l’usage de certains livres dans les écoles, et nous défendons à tous les fidèles de les posséder, de les lire et de les laisser entre les mains de leurs enfants, quelle que soit l’autorité qui prétend les leur imposer ».
Finalement, cela va se solder, en janvier 1914, par le vote par la Chambre des députés d’une série de dispositions afin d’« assurer la défense de l’école laïque ». Les parents qui empêcheraient leurs enfants de participer aux exercices réglementaires de l’école, ou de se servir des livres qui y sont régulièrement mis en usage, seraient frappés de la même peine d’amende que dans le cas de non-fréquentation (de deux francs à quinze francs-or). D’autre part, quiconque, exerçant sur les parents une pression matérielle ou morale, les aurait déterminés à retirer leur enfant de l’école ou à empêcher celui-ci de participer aux exercices réglementaires de l’école, sera puni d’un emprisonnement de six jours à un mois et d’une amende de seize francs à deux cents francs or. Enfin, quiconque aurait entravé ou tenté d’entraver le fonctionnement régulier d’une école publique sera frappé des mêmes peines, lesquelles seront sensiblement aggravées s’il y a eu violence, injures ou menaces
On doit noter aussi qu’il a fallu cinq ans pour que la loi de 1914 soit votée. De 1910 à 1913, de nombreux projets de « défense laïque » se sont succédé, mais ne sont pas allés jusqu’au bout. La IIIe République a connu, elle aussi, des tergiversations avant le passage à l’acte…
Fin octobre 2020, dans le cadre de la discussion du projet de loi « confortant les principes républicains », une proposition « visant à instaurer un délit d’entrave à la liberté d’enseigner dans le cadre des programmes édictés par l’Éducation nationale et à protéger les enseignants et personnels éducatifs » a été déposée. Elle tenait en un article unique : insérer, après le deuxième alinéa de l’article 131-1 du code pénal, un nouvel alinéa : « Le fait de tenter d’entraver ou d’entraver, par des pressions, menaces, insultes ou intimidations, l’exercice de la liberté d’enseigner selon les objectifs pédagogiques de l’Éducation nationale, déterminés par le Conseil supérieur des programmes, est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. »
Cette proposition avait été faite par le sénateur de l’Oise, Olivier Paccaud, professeur agrégé d’histoire-géographie, en compagnie d’une cinquantaine de sénateurs appartenant pour la plupart au groupe Les Républicains. Elle n’a finalement pas été retenue. Mais, dans la situation actuelle, on peut penser qu’elle pourrait prendre une actualité nouvelle.
Claude Lelièvre