Par Julien Cabioch @vivelesSVT
Marion Burgio, enseignante de SVT en expédition scientifique sur l’océan indien
Comment un enseignant peut-il participer à un programme de recherche ? Marion Burgio, professeur de SVT au lycée Louis Barthou de Pau a embarqué un mois à bord d’un navire océanographique. L’objectif de la mission est de forer la dorsale océanique pour étudier des carottes de gabbro. Au milieu de géologues, physiciens, biologistes du monde entier, « j’aidais les équipes de pétrologues magmatiques dans la description des carottes » explique-t-elle au Café Pédagogique. Son rôle était de communiquer sur la recherche avec une soixantaine d’établissements par visioconférence. Quelles sont les compétences requises pour monter à bord avec les chercheurs ? Comment Marion Burgio exploite-t-elle cette expérience en classe avec ses lycéens ? Rencontre avec cette enseignante prête à repartir en expédition.
Quelle est l’origine de votre engagement dans cette expédition ? Qu’avez-vous étudié à bord ?
Au cours d’une formation au PNF IODP school of rock il y a plus de deux ans, j’ai rencontré des enseignants français, anglais et portugais qui avaient participé à ce programme Teacher at sea et qui nous motivaient à prendre le large sur le JOIDES Resolution, navire de forage scientifique international.
Nous avons pu forer sur 800m une zone de la dorsale Sud Ouest indienne où la croûte océanique est particulièrement mince car dénudée. Environ 400m de carottes de Gabbro ont été décrits sur le bateau par les équipes de biologistes, de géologues et géophysiciens… Il y avait aussi la recherche de formes de vie et de la limite de la vie dans la croûte. C’était un objectif phare.
Comment se passe la vie sur un bateau de recherche ? Que faisiez-vous quotidiennement au milieu des chercheurs et des techniciens ?
Une vie très rythmée par les gardes de 12h et les repas mais aussi un peu de temps libre pour le sport, la musique, la lecture, les films, les jeux… Quand je ne m’occupais pas de la partie Education, j’aidais les équipes de pétrologues magmatiques dans la description des carottes. Et je pense continuer !
Concrètement, comment fait-on pour postuler à ce type d’expédition ? Quelles sont les compétences exigées ?
Il faut se rendre sur le site IODP France qui fait le lien avec l’organisme européen ECORD. Le programme se nomme Teacher at sea. Il faut remplir en anglais une candidature avec CV et projets pédagogiques prévus à bord et en post-expédition.
Parler anglais est indispensable, il y a aussi un questionnaire médical et il faut avoir envie de travailler en groupe, en huis clos, au milieu de l’océan pendant deux mois. Ça peut faire peur mais c’est sensationnel, surtout si le groupe scientifique et soudé et sympathique comme sur l’expédition 360.
Vous gardiez un lien avec vos élèves durant l’expédition. Comment se déroulaient ces échanges ? Quels sont les retours de vos lycéens ?
J’utilisais l’outil principal de l’Education Officer, une tablette équipée du logiciel Zoom pour faire des visioconférences. Nous utilisions internet principalement pour cette tâche et pour alimenter les média sociaux.
Mes lycéens étaient emballés et certains ont vraiment profité des possibilités d’échange avec les scientifiques à bord. Mais j’ai aussi communiqué avec plus d’une soixantaine de classe en français à travers le pays et à l’international.
Ci-contre une photographie prise dans un labo à bord où je prépare le sable de gabbro destiné aux scolaires
Comment exploitez-vous cette expérience dans votre enseignement tant dans le fond que la forme ? Songez-vous à une autre expédition ?
Au retour, les élèves de section européenne m’ont présenté leurs travaux en anglais: visioconférences enregistrées, exposés sur la mission et même une chanson pédagogique.
J’ai aussi des supports pédagogiques pour l’étude de la croûte océanique : clichés de carottes et de lames minces, données géochimiques et géochimiques qui peuvent être exploité au lycée ou en université. Ils seront disponibles sur le site IODP France. Il y a aussi le blog de l’expédition où j’ai publié en anglais des articles sur les Femmes en Geosciences, l’Art dans la roche, ceux qui décrivent la roche.
Je me sers de cette expérience d’abord pour les faire rêver autour des gabbros (pas facile), ensuite pour leur montrer que les scientifiques ne sont pas tous d’anciens « bons élèves » et enfin pour montrer qu’il y a encore beaucoup de défis à relever en science. Nous n’avons pas atteint le Moho qui est prédit sur ce site à -6km. Il faudra encore plusieurs expéditions, dans les trente prochaines années, et les scientifiques qui embarqueront ce sont eux.
Une nouvelle expédition pour moi, pourquoi pas ? Quand ma fille, de huit ans, aura grandi alors. En attendant, je commencerais par une thèse sur les échantillons IODP de Gabbro de la dorsale medio atlantique avec le laboratoire Geosciences Environnement Toulouse … À suivre.
Entretien par Julien Cabioch