Par François Jarraud
Les TICE, Internet frappent violemment à la porte de l’Ecole. Mais jusque là celle-ci résiste ! Comprendre ces résistances c’est donner une chance à l’Ecole d’avancer. Mais cette partie aborde aussi d’autres questions. Comment fait-on classe ailleurs ? Les notes sont-elles justes ? Etc.
L’Ecole française hésite devant le numérique révèle une enquête des Landes
L’Ecole arrivera-t-elle à intégrer et à s’appuyer sur les outils et les pratiques culturelles du XXIème siècle ? L’étude que vient de publier le Conseil général des Landes donne des raisons de l’espérer. Mais elle éclaire sans fards les résistances et les obstacles.
Tous ceux qui s’interrogent depuis des années sur les raisons du retard français en matière d’intégration des TICE et sur les blocages en général du système éducatif gagneront à consulter cette enquête. Car si le département des Landes est « petit » (34 collèges), c’est un département pionnier pour la construction de l’Ecole numérique. Il prête des ordinateurs portables aux collégiens depuis 2001 et actuellement tous les élèves de 4ème et 3èeme, et tous les enseignants, en disposent. Enfin l’enquête réalisée par TNS Sofres est massive : 76% des élèves, 55% des parents, 77% des encadrants (direction, CPE) et 56% des enseignants ont répondu à l’enquête; les élèves par Internet (à 90%), les enseignants sur papier (à 63%)…
90% des enseignants attachés à leur ordinateur. « L’arrivée de l’informatique au collège et notamment la dotation des élèves en ordinateur portable a profondément modifié les représentations traditionnelles de l’Ecole et de son fonctionnement ainsi que les rapports entre enseignants et élèves » annonce l’enquête. En effet il faut souligner la réussite de l’opération « un collégien , un ordinateur portable ». 90% des enseignants se déclarent satisfaits de cette opération. C’est le cas également des parents (90%). Trois enseignants sur quatre jugent l’ordinateur portable utile parce qu’il assure l’égalité des jeunes devant la fracture numérique, parce qu’il prépare à la vie professionnelle, parce qu’il développe le département. Vous avez décelé ce qui manque : seulement 3 profs sur 10 estiment que l’ordinateur est utile… pour les apprentissages. Seulement un enseignant sur dix accepterait de perdre son portable… mais 56% accepteraient que les collégiens n’en disposent plus ! On perçoit déjà le malaise…
Mais pour quels usages ? Attachés à leur ordinateur, 57% des enseignants déclarent s’en servir un cours sur deux, un pourcentage très supérieur aux pratiques nationales et qui témoigne de la réussite de l’opération « un collégien , un ordinateur ». Un pourcentage qui varie avec l’ancienneté : ce ne sont pas les jeunes enseignants qui utilisent le plus l’ordinateur mais ceux qui sont bien installés dans le poste mais pas proches de la retraite. 24% des enseignants ne se servent jamais de l’ordinateur. 54% n’utilisent jamais Internet.
Les usages varient selon les disciplines. Plus une discipline est bien placée dans la hiérarchie traditionnelle, plus l’utilisation de l’ordinateur est faible. C’est donc en maths et en français qu’on utilise le moins l’ordinateur, en technologie et en SVT – Physique chimie qu’on l’utilise le plus.
Et selon les pédagogies. On se sert de l’ordinateur surtout pour montrer, avec un vidéo projecteur ou un TBI. Les logiciels disciplinaires sont peu utilisés. Internet est aussi peu sollicité. L’ordinateur est pratique à condition qu’il maintienne le rapport pédagogique traditionnel.
Pourquoi ces usages limités ? Quand on demande aux enseignants des Landes pourquoi ils utilisent peu ou jamais l’informatique, les arguments avancés mettent tous en question la forme pédagogique. On a peur de perdre du temps, de perturber le cours. On ne voit pas l’intérêt pédagogique de l’utilisation de l’ordinateur ou d’Internet. Il est intéressant d’observer que les enseignants apprécient le TBI parce qu’ils pensent qu’il augmente la concentration des élèves, ce que les élèves partagent mais eux disent qu’ils sont encore davantage concentrés quand ils travaillent sur leur propre ordinateur. Il est intéressant de voir que les logiciels utilisés sont des utilitaires, comme Word ou Encarta. Les usages d’Internet sont orientés surtout vers les vidéos de l’INA ou de France 5. Des logiciels comme, J’ai vécu au 18ème siècle, qui se prêtent à la pluridisciplinarité et au projet sont quasiment inconnus. L’usage d’internet dans le collège hors des cours est impossible dans les trois quarts des collèges. Le travail à la maison l’ignore royalement. Ce que nous confirme l’exemple des Landes c’est que c’est parce que l’ordinateur et Internet ne sont pas perçus comme réellement indispensables à sa discipline qu’ils ont du mal à trouver place. La culture numérique paraît perturbante et saugrenue dans l’univers scolaire.
Les enseignants des Landes sont-ils rétrogrades ? Comme un peu tous les professeurs, ils partagent une vision assez pessimiste de l’enseignement. Ils ont le sentiment d’un déclin des connaissances, d’une baisse de la concentration et des capacités d’expression des élèves. Ils se méfient des parents. Mais ils se rendent compte de la nécessité de changer le métier, de faire davantage vers l’éducatif, de personnaliser davantage l’enseignement. Bien loin d’être rétros ils se sont remis en question et ils ont accepté l’entrée de l’ordinateur. Ce que montre l’exemple des Landes, c’est que ce qui bloque le passage au collège numérique, ce n’est pas l’équipement. Ce n’est pas l’entretien du matériel. C’est la culture scolaire traditionnelle, avec ce qu’elle comporte de postures pédagogiques et de relationnel. On n’intégrera pas la culture numérique sans changer en profondeur le fonctionnement de l’école.
Quelles perspectives ? Sans aucun doute les Landes ont une bonne longueur d’avance sur la plupart des départements. Ils nous éclairent puissamment sur les résistances rencontrées par l’Ecole numérique. Pour les rédacteurs de l’enquête, l’avenir de l’opération « un collégien, un ordinateur portable » résiderait dans la capacité à dédier le portable au contenu et aux usages scolaires, à faire de l’ordinateur un lien entre l’élève et le collège. Mais c’est bien sa légitimité qui est questionnée par les enseignants. Cette légitimité elle ne peut être apportée que par la hiérarchie. Or c’est la grande absente de l’enquête des Landes.
L’enquête
http://www.landesinteractives.net/pagesEditos.asp?IDPA[…]
Une lecture en ligne
http://issuu.com/1collegien1ordinateurportable/docs/tnssofres03
Le commentaire du québécois Mario Asselin
http://carnets.opossum.ca/mario/archives/2009/07/enquete_[…]
Dans le Café l’enquete 2006
http://cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/landes[…]
Le colloque de 2004
http://cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/landes[…]
Fillon nomme un « Monsieur TICE » auprès de Luc Chatel
Jean-Michel Fourgous, député-maire d’Elancourt (Yvelines), a été nommé le 27 août parlementaire en mission auprès de Luc Chatel afin de « mener à bien une mission de réflexion et de propositions pour la promotion des technologies de l’information et de la communication (TICE) dans l’enseignement scolaire ».
Sur son blog, JM Fourgous se déclare « convaincu que les nouvelles technologies peuvent être un facteur de réussite et d’égalité des chances en luttant contre l’échec scolaire. Surtout, le numérique induit une nouvelle façon d’enseigner, plus participative et plus adaptée à la jeunesse d’aujourd’hui largement nourrie des nouvelles technologies à travers l’Internet et les jeux vidéos ». Pour lui, « l’acquisition d’une bonne maîtrise des technologies numériques par tous les élèves et l’utilisation des avantages du numérique par les enseignants sont fondamentaux ».
Le blog de JM Fourgous
http://www.jmfourgous.com/index.php?2009/08/26/434-parlementai[…]
Le Café à Elancourt
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/12092007TICE78.aspx
Sans Internet est-on instruit au 21ème siècle ?
Irrités ou favorables, les Français semblent s’intéresser à cette information, lancée par le Café pédagogique le 12 mai : la décision danoise d’autoriser l’utilisation d’Internet. Quels sont les enjeux de cette mesure ? Est-elle isolée ou s’agit-il d’un mouvement plus vaste auquel la France pourrait adhérer ?
Internet au bac, pourquoi pas ? « Quand vous faites un devoir à la maison vous avez accès à Internet. Donc pourquoi en priver les candidats au bac ? » C’est le raisonnement du ministère danois de l’éducation qui va tester dès cette année ce dispositif avant une éventuelle généralisation en 2011. Les enseignants veilleront à ce que les candidats ne puissent pas tricher en dialoguant entre eux par exemple. Mais la mesure semble assez intéressante pour que le ministre danois la mette en place.
Que doit évaluer le bac ? Si le bac évalue des repères (dates, vocabulaire, définitions etc.) il doit aussi peser les compétences disciplinaires acquises par les candidats. On a vu ainsi se multiplier récemment des épreuves qui testent les capacités du candidat à maîtriser des savoir faire complexes. On peut citer les épreuves expérimentales scientifiques ou encore les TPE. Ces épreuves prennent aussi en compte de façon plus satisfaisante que les devoirs classiques les évolutions scientifiques des disciplines. Elles se rapprochent davantage de ce que sont les cultures disciplinaires réelles. Ainsi l’introduction du tableur en maths permet enfin de faire d’autres maths ou les maths autrement, en lien avec les usages réels de la société. Imaginons un instant ce que pourrait être l’épreuve de cartographie du bac avec un logiciel SIG…
S’appuyer sur les savoirs adolescents. Mais l’initiative danoise a aussi l’intérêt d’accéder à un espace que l’Ecole a bien du mal à investir : celui des pratiques sociales des adolescents.Intégrer Internet c’est aussi faire un lien entre l’Ecole et la vie réelle des adolescents, tous « digital natives ».
Facebook aux programmes du primaire. C’est pourquoi le Danemark ne s’aventure pas seul sur ce terrain. Il y a trois semaines, l’Angleterre annonçait sa propre révolution pédagogique. Les nouveaux programmes de l’école primaire font des TIC un élément aussi central que les maths et l’anglais. En fait la littératie, la numératie, les TIC et le développement personnel sont les 4 points importants de ces nouveaux programmes. On attend des enfants un certain niveau de maitrise des TIC, par exemple de Facebook, du tableur, de Twitter, et on considère cette exigence comme aussi importante qu’apprendre à compter.
Ainsi est en train de se dessiner un espace européen qui fait délibérément le choix d’accorder à la culture numérique et à ses usages une place essentielle. Peut-être parce que la culture de ce siècle est numérique et que l’ignorer c’est fabriquer des analphabètes.
Les nouveaux programmes anglais
http://www.dcsf.gov.uk/pns/DisplayPN.cgi?pn_id=2009_0081
Au Danemark
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2009/05/1205[…]
Le Danemark autorisera Internet durant les examens
« Quand vous faites un devoir à la maison vous avez accès à Internet ». Donc pourquoi en priver les candidats au bac ? » C’est le raisonnement du ministère danois de l’éducation qu va tester dès cette année ce dispositif avant une généralisation en 2011. Les enseignants veilleront quand même à ce que les candidats ne puisent pas tricher en dialoguant entre eux par exemple.
Cette première implique qu’on adapte l’examen à un type nouveau d’épreuves, comme on a pu le faire quand on a introduit la calculatrice au bac. Les bacheliers danois devront faire preuve de davantage de savoir faire et d’un peu moins de bachotage.
Article Politiken.dk
http://politiken.dk/newsinenglish/article705726.ece
L’Angleterre révolutionne ses programmes du primaire
Depuis un mois on savait que les nouveaux programmes du primaire s’ouvriraient aux Tice. La publication officielle le 30 avril des programmes confirme une double rupture dans les nouveaux programmes.
La première concerne effectivement les TIC qui deviennent un élément aussi central que les maths et l’anglais. En fait la littératie, la numératie, les TIC et le développement personnel sont les 4 points importants des programmes. On attend des enfants un certain niveau de maitrise des TIC et on considère cette exigence comme aussi importante qu’apprendre à compter. C’est le cas aussi des capacités d’expression pour lesquelles on prévoit des cours de théâtre.
L’autre innovation c’est qu’avec ces cours, avec le retour des langues vivantes, avec l’enseignement obligatoire des arts, de l’histoire, de la géographie, ces programmes rompent sans le dire avec la domination du lire – écrire – compter imposée par le système de tests nationaux. Les programmes renouent avec la prise en compte de la totalité de la personnalité de l’enfant et visent un épanouissement qu’il sera plus difficile d’évaluer. Triste temps pour l’accountability.
Les nouveaux programmes
http://www.dcsf.gov.uk/pns/DisplayPN.cgi?pn_id=2009_0081
Sur le Café, les programmes et Twitter
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2009/03/26032[…]
TIC, société et système éducatif : La question de la culture numérique dépasse celle de la culture informatique
Quelle culture informatique les lycéens doivent-ils posséder ? La question se pose particulièrement au moment où le ministère envisage de propose un module « informatique et société numérique » dans la classe de seconde de la filière scientifique du nouveau lycée.
Dans cette perspective la tentation est grande, et certains n’y ont pas manqué, de ressusciter ce qui a existé, c’est-à-dire l’option informatique des années 1980, avec ses bon vieux contenus de programmation pure et dure et « d’ouverture de la boite ». Comme si les TIC et la société n’avaient pas changé en plus de 20 ans. Comme si la disparition de l’option, malgré les efforts fournis par les enseignants, était due au hasard…
Il serait peu charitable et vain de revenir sur l’échec de cet enseignement. Il serait certainement préjudiciable aux élèves et au système éducatif de vivre à nouveau l’échec d’un enseignement asphyxié par l’élitisme, l’absence de parité et l’inadaptation. Il faut donc poser la question des contenus de ce module, non pas en termes de programme mais d’orientation générale. C’est l’objectif de ce texte.
1 – Quelles sont les logiques de développement des TIC dans la société et en particulier auprès des jeunes ?
• L’envahissement par les TIC de la sphère privée, après celle de la sphère professionnelle met à mal les modèles éducatifs traditionnels
S’il est banal de dire que la sphère privée est désormais environnée de toutes sortes de TIC, force est de constater qu’après le monde professionnel, le domaine familial est bien plus marqué par la présence et l’usage des TIC que ne l’est actuellement le monde scolaire. Tant par les moyens que par les usages, l’espace personnel des jeunes a intégré les TIC comme un état de fait (cf. le rapport du sénateur David Assouline, octobre 2008). Ils en organisent progressivement leur appropriation dès le plus jeune âge en essayant d’en faire ce que le contexte de leur développement personnel, familial, social et professionnel les invite à faire. La grande faiblesse de l’accompagnement familial et scolaire constaté dans ce même rapport doit nous inciter à questionner l’action actuelle du système éducatif dans ce domaine.
• Le développement des logiques d’action (le savoir agir avec) plus important que celui des logiques de capitalisation (le savoir comment faire)
L’école est pour une grande part un lieu de capitalisation. En transformant les savoirs pour les rendre accessibles au jeune, elle les invite en retour à les accumuler pour ensuite pouvoir les réinjecter dans la vie. L’observation des effets de ce choix est observable dix années après la fin des études quand on mesure ce qu’il reste des acquis scolaires. La logique d’appropriation des TIC s’appuie sur des logiques d’action qui permettent à chacun de développer des « savoir agir avec ». De nombreux savoirs savants acquis à et pour l’école, sont rapidement oubliés du fait même de l’organisation, la forme scolaire. Si pendant de longues années l’école avait réussi à promouvoir et légitimer son modèle de massification, il semble que désormais, dans le cas des TIC, il y ait déligitimation partielle de celle-ci. Il n’est désormais plus possible d’opposer le savoir savant de l’informatique aux savoirs de la pratique des TIC comme modèle pour l’école. Les jeunes utilisent désormais trop souvent les outils informatiques au travers des TIC pour autoriser l’école à poursuivre sur le même chemin. La concrétisation de la technique, si chère à Simondon, vient ici renforcer notre propos pour monter combien est limitée l’approche autonome de la formation aux TIC comme objet d’étude. Elle montre encore plus les limites de toute « exotisation » modulaire d’une telle approche, coomme l’option par le passé, les modules actuellement en gestation.
• Un modèle pragmatique qui s’adapte particulièrement à des enfants et des jeunes qui « font avec l’environnement que le monde adulte leur impose »
Rappelons ici que l’objet informatique, et ses implémentations dans de nombreux espaces du quotidien, sont d’abord le fait des adultes, des parents, des responsables éducatifs, des politiques etc. Aussi est-il aisé d’observer que les jeunes ont « fait avec » et comme le souligne David Assouline dans le discours de présentation de son rapport « l’absence frappante de la famille et de l’école les laisse abandonnés, sans repères, dans un monde multimédiatique omniprésent ».
Le développement des TIC se fait de manière très pragmatique. Qui se souvient encore des Be-bop (premiers téléphones portables publics en réception seul) et des tatoos (machines à recevoir des messages écrits). Aussitôt disparus dès qu’ils ont été considérés comme dépassés, ils ont contribué, comme l’ensemble de la filière professionnelle à faire accepter la nécessaire adaptation au contexte et ainsi à rapprocher encore davantage les jeunes de cet univers. De même par rapport aux savoirs scolaires, le pragmatisme souvent décrit dans les travaux sur le métier d’élève, l’oubli, l’enfouissement de nombreuses connaissances scolaires vient renforcer le constat du pragmatisme comme mode adaptatif ayant de lourdes conséquences à prendre en compte pour envisager l’intégration des TIC dans le système scolaire.
2 – Comment l’école peut/doit prendre en compte ces logiques compte tenu de son histoire propre des TIC ?
• Une histoire balbutiante et hésitante
o entre informatique en tant qu’objet…
Compte tenu de son développement initial dans le monde professionnel il est légitime que l’informatique soit d’abord un objet d’apprentissage dans les filières de l’enseignement professionnel et technique. Mais, si l’on se souvient de l’enseignement du langage Basic aux futurs comptables et secrétaires, force est de constater que ce type d’enseignement a perdu rapidement sa raison d’être. Les hésitations, légitimes à l’époque, devraient inciter à la prudence. Même si aux marges de l’enseignement général on retrouve parfois des éléments proches (en particulier en cours de technologie et dans l’ex option informatique), on note que c’est davantage à l’occasion d’autres disciplines scientifiques (mathématique, physique) que certains fondements de l’informatique ont pu trouver leur juste place comme objet dans des contextes spécifiques (étapes du développement informatique).
o …et informatique en tant qu’outils
La mise en place de l’option informatique dans les années 80 puis l’hésitation des années 90 avec les atelier de pratiques TIC (APTIC) sont les signes de cette évolution. Ces dispositifs se sont progressivement marginalisés car dans l’incapacité de situer l’objet de travail, déjà mis en difficulté par les contenus mêmes de l’option. Ceux-ci ont été colonisés par certains élèves (les plus favorisés) et en ont exclu de nombreux. Le développement des pratiques sociales a progressivement légitimé l’intégration de l’informatique comme outil pour l’enseignement, et pourtant cela est resté assez marginal, hormis dans les enseignements professionnels et techniques où ils ont pris une place essentielle. Le développement des usages non scolaires a rapidement mis en difficulté des enseignants face à des élèves revendiquant des compétences qu’ils leur ont souvent déniées. Or ce déni repose autant sur la crainte liée à une non maîtrise des savoirs, qu’au souhait de rétablir une autorité sur un « savoir scolarisé » de toute façon inaccessible en dehors de l’école, mais aussi intransférable en dehors de l’école (on connaît cela en didactique du français et des langues depuis longtemps). De cette opposition est née une certaine réticence du monde enseignant, mais aussi une mise à distance par les jeunes de la capacité de l’école à accompagner leurs usages pour leur permettre d’en faire des connaissances durables.
o puis le développement des TIC comme instruments
Une prise de conscience progressive qui a touché l’ensemble de la société française au cours des années 90 a progressivement invité à déplacer la centration sur l’ensemble des TIC et non plus seulement sur l’informatique, même si celle-ci reste centrale. Observant la multiplication des usages sociaux les responsables du système éducatif tentent, à partir de 2000, de poser un cadre avec le B2i. On observe cependant qu’au cours des années qui ont suivi sa création, les pratiques scolaires des TIC sont restées très minoritaires, alors que pendant ce temps apparaissait une nouvelle notion, imparfaitement nommée culture numérique. L’apparition de la notion de « digital literacy » (tout aussi imparfaite) en prolongement de la « literacy » déjà connue montre combien cette évolution n’a fait qu’éloigner progressivement l’informatique comme objet d’apprentissage de l’enseignement général. Malgré des débats ouverts, cette ligne d’action reste actuelle, et l’on peut même considéré que l’hésitation sur le contenu du nouveau module du lycée, entre informatique et culture numérique montre bien l’embarras général. Que l’école puisse développer la capacité à instrumentaliser les outils TIC du quotidien, et au-delà du système scolaire, est probablement un pari complexe, mais essentiel pour répondre à la finalité d’une éducation pour toute la vie.
• La tentation de la scolarisation des savoirs et des usages, un modèle explicatif de l’attitude du monde scolaire
La tradition de la forme scolaire ainsi que l’histoire de la construction des découpages disciplinaires mettent en évidence une attitude caractéristique : la transformation des savoirs et savoir faire à enseigner dans des formes adaptées au système lui-même. L’émergence de nombreux travaux sur les représentations et les conceptions des élèves au cours des années 80, reprenant des intuitions des anciens pédagogues, a montré qu’il était indispensable pour l’école de prendre en compte la « socialisation des savoirs ». La question de l’informatique et des TIC, ainsi que les débats autour de leur place dans le système scolaire peuvent se lire dans ce cadre. Le fort développement des équipements et de l’accès à Internet (97% des jeunes) en particulier depuis 2002 est un élément qu’il est nécessaire de prendre en compte désormais pour penser cette place. Les enquêtes auprès des jeunes donnent des réponses qu’il est probablement difficile d’entendre : ils demandent à ce qu’on les aide à donner du sens à leurs usages et à aller plus loin. L’exemple des blogs et de récents témoignages sont assez illustratifs de ces pratiques très inégales pour lesquels les jeunes sont demandeurs d’aide de l’école ; au risque des nombreux exemples de dérapages liés à l’absence de prise en compte de ces pratiques par le système scolaire autrement que sous la forme d’objets scolaires et non pas de pratiques culturelles et sociales habituelles.
• L’évolution des systèmes éducatifs vers une logique des compétences est un indicateur à prendre en compte
À l’instar du B2i, l’ensemble du système scolaire a engagé une évolution progressive vers l’approche par compétence. L’ensemble des systèmes éducatifs qui ont adopté cette approche l’a fait pour mettre du lien entre les apprentissages scolaires et le sens de ceux-ci dans la vie courante comme le montre l’utilisation de notions comme celles de « live-skills ». Engageant ainsi ce rapprochement, parfois critiqué, le B2i est le signe de cette prise en compte, et la réticence de nombreux enseignants un autre signe de cette difficile évolution.
o Dans le domaine des TIC, cela désigne l’école comme lieu de structuration (donner sens et consistance) des usages et pas comme lieu de la seule construction (développer la connaissances techniques)
C’est en partant de pratiques réelles qu’il est possible de construire du sens à celles-ci. Dans l’enseignement, les TIC ne peuvent être d’abord un objet à part du reste des autres objets d’apprentissages. Au contraire, c’est dans chaque discipline que le sens de la place des TIC peut réellement se construire. Car c’est en lien avec les autres connaissances que les TIC s’expriment dans le monde qui nous entoure. Or les disciplines, depuis près de quinze ans tentent, souvent maladroitement, de prendre en compte ce fait dans leurs contenus. C’est à partir de là que peuvent se prescrire des usages conscients et raisonnés des TIC. La place de l’informatique au sein des TIC en fait aussi un objet de travail, mais à la place qui est la sienne désormais dans la culture numérique actuelle.
3 – Une perspective : c’est l’apprendre à apprendre et l’apprendre à vivre avec les TIC qui, en premier, donne sens à un apprendre à savoir et savoir faire les TIC
Le développement de l’informatique puis des TIC a remis au devant des préoccupations éducatives des éléments qu’un accès au savoir restreint et encadré par l’école avait rendu accessoire : l’apprendre à apprendre. Les possibilités informationnelles et communicationnelles nouvelles ont désormais acquis une telle place dans le quotidien de la population qu’elles transforment petit à petit les habitudes sociales. Déjà engagée avec la télévision, poursuivie avec l’ordinateur puis Internet et développée avec le téléphone portable, cette évolution exige une redéfinition du projet d’éducation aux médias en rupture nette avec des pratiques basées principalement sur l’histoire du livre et du papier. Mais aussi une éducation à la culture numérique, englobante de cette éducation aux médias et de l’éducation info-documentaire dont le rapport Assouline évoque l’idée, trop confusément à notre avis.
• La question de la culture numérique dépasse celle de la culture informatique
Si la connaissance de l’informatique est nécessaire pour développer la maîtrise industrielle de son développement, la culture numérique est nécessaire pour assurer le vivre ensemble. Il ne s’agit pas d’opposer l’une à l’autre mais plutôt de les situer chacune dans son contexte. A cette première remarque, il faut ajouter l’imbrication de plus en plus profonde des TIC dans tous les champs disciplinaires, mais aussi dans les pratiques pédagogiques en général (cf les travaux récents de Jean Heutte ainsi que les études anglosaxonne sur les performances scolaires liées à l’usage des TIC). Or le système scolaire, comme le montrent les débats sur l’école et le socle commun, cherche à développer une culture commune minimale au sein de laquelle les TIC ont une place unanimement reconnue. Orienter cette culture minimale vers la seule dimension informatique serait risquer « d’ex-autiser » les TIC de l’école, d’en faire un étrange objet. Intégrer cette culture numérique dans l’ensemble de l’établissement, sur un plan disciplinaire et pédagogique, (mais aussi dans le cadre de la vie scolaire que l’on oublie trop souvent dans le propos et qui pourtant a montré son intérêt comme l’expérience du lycée des Pont de Cé il y a plusieurs années) c’est permettre aux élèves d’en situer réellement les contours et de développer les compétences nécessaires tout au long de la vie.
• Développer chez les jeunes la capacité à « instrumentaliser » les TIC
La nécessité du développement d’une culture ne peut reposer sur une attitude passive et seulement de mise à distance. Au contraire elle doit se caractériser par le développement des capacités de chacun à « instrumentaliser » son environnement, autrement dit la capacité à faire des outils techniques qui nous entourent des objets dont on définit soit même l’usage et non dont l’usage est donné par les seuls concepteurs. Pour ce faire il est nécessaire de s’appuyer sur l’ensemble des objets de travail d’un parcours scolaire (dans les disciplines, la pédagogie et la vie scolaire) et pas seulement d’un espace spécialisé et isolé au sein de ce parcours. C’est en construisant ces formes d’usage de manière guidée et accompagnée que pourra se construire un esprit critique, comme si lire suffisait pour savoir écrire…
• Permettre aux jeunes « nés avec le numérique » d’effectuer les « repérages » pertinents pour construire le scénario de leur vie, tout au long de la vie
Dans une perspective à long terme, il est nécessaire de tenter d’autonomiser les jeunes par rapport aux objets techniques environnant. Cela devient d’autant plus crucial qu’ils se les sont appropriés jeunes, c’est-à-dire sans être assurément accompagnés comme le montre le désarroi des familles (et de l’école) face à ces pratiques. Si le rôle de l’entourage familial est essentiel dans ce premier temps, l’école assure de son coté l’autonomisation en particulier dans le domaine de l’apprendre. Au vu de l’importance prise par les TIC dans le domaine de la construction des savoirs et de leur diffusion, il est essentiel qu’elle participe de la construction de ces compétences réflexives et critiques, en les intégrant au quotidien comme des « objets ordinaires » de l’environnement scolaire. Dans ce contexte il est indispensable d’engager un rapprochement didactique entre le pôle des sciences et technologie avec celui de l’information documentation. De même il n’est plus possible de penser l’opposition entre éducation aux médias et développement de la culture numérique. Deux versants d’une même problématique que d’aucuns sont prompts à opposer dans le monde scolaire alors que dans les usages ils sont imbriqués. C’est à partir de cette base que l’on pourra développer aussi bien les compétences d’autodidaxie désormais indispensables dans le contexte que les compétences critiques de plus en plus difficiles à rendre accessible du fait même de ce contexte. Dès lors, l’apprendre à apprendre prend d’autant plus de sens que les possibilités actuelles offertes par les TIC invitent de plus en plus chacun à en tirer le meilleur tout au long de la vie, mais le système éducatif français est-il en mesure de travailler dans ce paradigme nouveau ?
Le Café pédagogique
Visite au pays où ça marche : Londres, Bett 2009
Que nous a appris la visite du BETT cette année ? Au-delà de la participation à un événement mondial et de la découverte des outils les plus récents, c’est sans doute, malgré maintes similitudes dans les équipements, les ressources et les évolutions technologiques, la différence d’approche qui frappe le visiteur français et qui va jusqu’à faire parler l’inspecteur général Alain-Marie Bassy de « guerre de concepts dans l’e-éducation ».
Le Bett : une vitrine technologique pour des objectifs pedagogiques
Par Françoise Solliec
Ce qui fait le succès du BETT, c’est qu’il est la traduction concrète des synergies de tous les acteurs du développement des TICE au Royaume-Uni. Les ressources et les équipements y sont d’abord proposés en réponse aux évolutions des programmes et aux besoins des enseignants, tout en faisant valoir les dernières trouvailles technologiques.
Une prise en compte d’objectifs pédagogiques
Un effort conséquent pour le 1er degré
En parcourant les allées du BETT, le visiteur français ne peut que s’étonner du foisonnement de ressources et d’outils s’adressant spécifiquement ou majoritairement aux élèves du 1er degré. Il est vrai qu’en Angleterre, avec un budget 2008 (hors ressources liées aux programmes) d’un peu plus de 15 000 £ par école primaire et un équipement moyen de 50 machines, dont 17 portables, les TICE sont très présentes dans le premier degré. Les élèves apprennent très tôt à utiliser ordinateurs et TBI et sont dès leur plus jeune âge familiarisés avec des ressources numériques, qui se présentent souvent sous forme ludique très attractive.
En décernant un BETT Award 2009 au produit Espresso pour les premières années, qui vise les élèves les plus jeunes (de 4 à 8 ans), les juges, parmi lesquels les enseignants sont largement représentés, ont noté l’utilisation intuitive du produit tant pour les enseignants que pour les élèves, ses constantes évolutions, sa pertinence vis-à-vis des programmes d’enseignement et des objectifs d’apprentissage et sa focalisation sur des thématiques citoyennes. Ils ont particulièrement apprécié les bulletins d’informations hebdomadaires, les répertoires de liens et l’utilisation de nombreux stimuli visuels, photos, œuvres d’art, vidéos …
Proposer des outils aux élèves à besoins spécifiques
Une vingtaine de stands environ occupaient au BETT la zone des « special needs » ou élèves à besoins spécifiques. Ils présentaient de nombreux outils destinés à compenser ou minimiser des déficiences (aide aux mal voyants, mal entendants, handicapés moteurs) ou à transposer des représentations (utilisation du toucher, de la chaleur, de mouvements d’objets).
Dans cette catégorie, c’est le Grid 2 qui a été récompensé par un BETT Award 2009. Cette interface s’adresse, entre autres, à des personnes muettes ou présentant des difficultés d’élocution et leur permet d’utiliser une vois synthétique, à partir de phrases constituées dans l’ordinateur par des symboles ou du texte. Les utilisateurs ont accès, à traves cette interface, à leur bureau et programmes usuels ; ils peuvent notamment écrire et recevoir des SMS ou naviguer sur le web. A noter, pour d’autres types de déficiences que l’interface accepte de nombreuses entrées autres que le clavier, telles pointeurs, souris, interrupteurs ou écrans tactiles.
Le choix des juges s’est fondé sur 3 critères
1. Ce produit améliore l’accessibilité à l’ordinateur pour une large palette de handicaps
2. Il met l’utilisateur en situation de réelle indépendance et sa flexibilité en fait un outil très puissant
3. Il donne simultanément à l’utilisateur une voix et un outil de contrôle.
http://www.sensorysoftware.com/thegrid2.html
Les outils d’évaluation
On notera, déclare l’inspecteur général Alain-Marie Bassy, dans le texte figurant au rapport remis à Cap digital, « l’explosion de l’offre en matière d’assesment (évaluation des compétences des élèves). Ces évaluations, généralement alignées sur les curricula définis par la QCA (Qualification and Curriculum Authority), s’effectuent soit directement en classe à l’aide de télécommandes interactives permettant la réponse à des questions figurant au TBI (Quizz Box), soit de façon distante (sous le contrôle de l’enseignant ou en « self-evaluation » par l’élève à son domicile, sur la base d’une batterie de tests de qualification (TurningPoint, GL assessment, etc.). On relève toutefois que ces tests et ces quizz sont en général adaptés aux « key stages » 1, 2, et pour partie 3 (soit des élèves de 5 à 14 ans), mais s’adressent rarement à des niveaux plus élevés. En la matière, se confirme l’importance de l’attention accordée par le Royaume-Uni, en matière de développement de l’usage des TICE, aux classes d’âge les moins élevées (early years, primary et début de secondary schools, ce qui équivaut en France à la maternelle, à l’école élémentaire et au collège).
Pour répondre aux besoins pédagogiques, des évolutions technologiques
Mobilité et travail à plusieurs
« Cette année, dans les allées du BETT, encore plus de terminaux présents sur le salon, de toutes formes, de toutes couleurs. Même si ces terminaux sont très séduisants sur la forme, on peut se poser la question des usages et des ressources, qui se heurtent à la petitesse des écrans : les ressources ne s’adaptent pas encore toutes à ces tailles d’écrans, ce qui nécessite de scroller de haut en bas et de gauche à droite pour apercevoir la page affichée sans jamais l ‘apercevoir dans sa totalité » explique Marie Gaillard dans le rapport cité plus haut qu’elle coordonne pour Cap Digital et PM conseil sur les réflexions de la délégation française au BETT 2009.
« Très remarquée », note-t-elle encore « la Microsoft surface allie un écran tactile horizontal de 1 m2 environ et des logiciels spécifiques. C’est le concept du « social computing » qui est développé ici, l’idée de partager une expérience à plusieurs, simultanément si nécessaire, autour de cette table interactive. Chaque main est repérée, et les interactions adaptées à l’utilisateur, comme par exemple des images qui s’orientent dans le bon sens pour la personne qui les manipule. A travers différentes applications, on peut alors créer de la musique à plusieurs, jouer à des jeux de mots, ou bien encore explorer un cœur en 3D ».
Vidéo et partages de ressources du type you tube : favoriser la créativité et la communication
A ce sujet, citons encore Marie Gaillard qui a été particulièrement frappée par « l‘avènement de la vidéo comme étant la ressource à développer et utiliser cette année, associée à des plates-formes communautaires d’échange.
Click View, par exemple, se définit comme une plate forme web de gestion de vidéos, issues de bases de données ou enregistrées directement sur des programmes TV, mais aussi de séquences pédagogiques créées par les enseignants pour leurs élèves, avec des vidéos qu’ils ont pu associer à d’autres types de ressources (textes, présentations, ou autres medias). Ces séquences peuvent être partagées sur un site communautaire et exportées par les élèves afin qu‘ils puissent les visionner de chez eux.
On retrouve ce concept sur truetube.co.uk, site internet gratuit, branche de production de contenu internet de broadcast indie CTVC, une compagnie de production télévisuelle fondée par la Rank Foundation, qui fournit des outils de montage et de partage de vidéos pédagogiques. Le site a d’ailleurs été récompensé cette année par le BETT Award pour le secondaire ».
Pour autant le modèle anglo-saxon est-il, tel que, transférable en France ?
C’est la question que pose également dans son texte Alain-Marie Bassy, au regard du succès du BETT et de la pénétration qu’il révèle des TICE dans les classes du Royaume-Uni. Il y répond brillamment, en comparant les politiques menées en France et en Angleterre et en s’appuyant sur les usages repérés dans les deux pays. Nous reproduisons intégralement son article, intitulé « BETT 2009 : la guerre des concepts dans l’e-éducation », dans cette rubrique, avec son aimable autorisation et celle de Marie Gaillard, coordonnatrice de rédaction du rapport remis à Cap Digital.
Bett 2009 : la guerre des concepts dans l’e-education
Par Alain-Marie Bassy,
Inspecteur général de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche.
Texte écrit pour le rapport remis à Cap digital sur le BETT 2009
L’avance prise en matière d’e-education par les pays anglo-saxons, et tout particulièrement le Royaume-Uni, trouve son illustration concrète au BETT, le salon international de Londres consacré annuellement aux TICE. Pour la seconde année consécutive, un stand français réunissant douze entreprises et organisations françaises, sous l’égide de Cap Digital et du ministère de l’éducation nationale, affirmait une présence (modeste) de notre pays dans un vaste ensemble de plus de 700 exposants du monde entier et au sein d’un marché en constante expansion. Pour la seule Angleterre, les investissements en termes de TICE sont passés depuis 1997 de 100 millions de livres à 833 millions.
Le BETT 2008 avait été l’occasion, pour la délégation française, de tenter de comprendre ce qui expliquait l’avance acquise par le Royaume Uni : une volonté politique clairement affirmée, une gouvernance partenariale propre à encourager les synergies, un dispositif souple de financement, une recherche de la viabilisation du marché pour les partenaires industriels et, au plus haut niveau, le choix de privilégier les compétences dans la définition des curricula et la mise en place d’un dispositif d’évaluation indépendant centré sur les performances de l’établissement.
Le BETT 2009 nous offre la possibilité de prolonger cette réflexion, en posant trois questions :
Les nouveautés du BETT 2009 infléchissent-elles le modèle anglo-saxon de l’e-education ?
Quels sont les concepts qui fondent ce modèle ?
Celui-ci est-il aisément et simplement transposable au système éducatif français ?
Le repérage est parfois difficile dans un salon où se côtoient les institutionnels (notamment les agences gouvernementales), les industriels, les fournisseurs et les éditeurs de produits numériques, sur plus de 700 stands fréquentés par 36 000 visiteurs. Une première indication peut être fournie par les « BETT awards 2009 » qui s’efforcent de récompenser les nouveautés en matière de contenus numériques pour les trois niveaux (early years, primary et secondary), les innovations technologiques destinées à satisfaire les « special needs » (besoins spécifiques liés au handicap) ou à garantir la sécurité des usages, enfin les productions d’outils supports d’enseignement et les dispositifs de pilotage institutionnel ou de management des établissements.
Quelques lignes directrices se dessinent :
la place privilégiée (dans l’espace du salon) accordée aux industriels producteurs d’outils numériques (en particulier les tableaux blancs, autour de Promethean et Smart notamment, ou les labos de langue et les playstations pour Sony) qui s’orientent désormais sur le software et les contenus pour « nourrir » leurs outils. Dans cette évolution, les petites entreprises jouent probablement le rôle de « tête chercheuse » pour les gros producteurs.
La poursuite, notamment dans le cadre de l’opération « Building Schools for the future » d’une réflexion entreprise depuis plusieurs années sur la conception de « l’école numérique » à venir. Le modèle qui se dessine est celui d’une classe construite sur une structure de dialogue, autour d’un tableau interactif et d’outils simples, solides et nomades (tablettes numériques ou mini ordinateurs sans disque dur, du type EEE d’Asus, aujourd’hui généralisés). L’utilisation de ces outils nomades peu coûteux permet d’établir le lien entre le travail en classe et le travail hors de la classe.
Le développement, consécutif notamment à la disparition des « e-credits », des plates-formes d’enseignement d’envergure territoriale (Learning platforms) permettant l’accès aux ressources ou contenus numériques. Celles-ci sont parfois couplées avec des environnements numériques de travail (Virtual Learning Environment) plus proches de notre propre concept d’ENT.
L’explosion de l’offre en matière d’assesment (évaluation des compétences –skills- des élèves). Ces évaluations, généralement alignées sur les curricula définis par la QCA (Qualification and Curriculum Authority), s’effectuent soit directement en classe à l’aide de télécommandes interactives permettant la réponse à des questions figurant au TBI (Quizz Box), soit de façon distante (sous le contrôle de l’enseignant ou en « self-evaluation » par l’élève à son domicile, sur la base d’une batterie de tests de qualification (TurningPoint, GL assessment, etc.). On relève toutefois que ces tests et ces quizz sont en général adaptés aux « key stages » 1, 2, et pour partie 3 (soit des élèves de 5 à 14 ans), mais s’adressent rarement à des niveaux plus élevés. En la matière, se confirme l’importance de l’attention accordée par le Royaume-Uni, en matière de développement de l’usage des TICE, aux classes d’âge les moins élevées (early years, primary et début de secondary schools, ce qui équivaut en France à la maternelle, à l’école élémentaire et au collège).
L’introduction plus systématique, sans doute pour la même raison (des classes d’âge d’un niveau inférieur à celles qui sont principalement visées par les TICE en France, collège et lycée) d’éléments ludiques (I am learning : games based revisions and assessment). Néanmoins, cette évolution n’est pas poursuivie (sauf quelques rares exceptions) jusqu’à la conception de « jeux sérieux » (« serious games »).
L’ouverture, dans les contenus numériques, à des thématiques de société et la sollicitation de la créativité de l’élève pour organiser et exprimer sa pensée sur ces problématiques : soit en composant (à l’aide d’un téléphone portable) ses propres clips vidéo (True Tube immersive education), soit en réalisant, à partir de ressources de presse, sa propre « une » de journal. La classe se transforme ainsi en bureau de rédaction (Newsmaker du Guardian).
Enfin, le Royaume-Uni poursuit ses efforts pour simplifier et faciliter le processus de commande directe par les établissements de leurs équipements et de leurs ressources. Les grandes plates-formes de distribution de produits éducatifs (numériques ou non), comme Research Machine ou TAG proposent quantité de ressources, négociées au meilleur prix, que l’établissement peut acquérir en passant un seul bon de commande. Cette offre touche directement les personnels (notamment enseignants) intéressés : le catalogue TAG porte en couverture un « plan de circulation » dans l’établissement (Head of ICT, Head of Mathematics, Head of Science, Head of English, SEN coordinator, Head Teacher).
Au total, les contours du modèle éducatif du Royaume Uni se précisent d’année en année.
Un objectif majeur est affirmé et programmé par étapes (Key Stages) du curriculum national : l’acquisition de compétences qui doivent permettre à l’élève une insertion aisée dans la société et dans la vie professionnelle. De nombreux changements affectent à l’heure actuelle le national curriculum, notamment au niveau du Key Stage 3 (11 à 14 ans) pour y développer la créativité de l’élève et les « functional skills » (compétences pratiques). Cet objectif se traduit par un pari de plus en plus affirmé sur la généralisation des équipements et des usages des TICE (autour du plan 2005-2010 Harnessing Technology), même si l’on est encore loin de la réussite et des résultats attendus. Les montants investis dans les TICE sont bien supérieurs aujourd’hui aux montants consacrés à l’achat de livres scolaires (170 M£ pour les livres aux niveaux primary et secondary schools contre plus de 435 pour les TICE). Dans le même temps, si le curriculum national laisse les enseignants relativement libres de leurs choix pour faire acquérir les « skills » aux élèves, il impose une normalisation des modes d’évaluation des acquis des élèves (à travers des batteries de tests). Ceux-ci permettent, non seulement d’évaluer la performance globale de l’établissement, mais aussi de « situer » l’élève, tout au long du curriculum, étant entendu qu’un « e-portfolio », où sont consignés tous ses travaux et ses principales réalisations, permet de corriger et de moduler individuellement ce que pourrait avoir de trop abrupt ce mode de « ranking » (classement). Dans le déroulement du curriculum, les compétences s’enchaînent les unes aux autres, sur le fondement des habiletés précédemment acquises. C’est ce qui justifie, y compris pour l’équipement et l’usage des TICE l’attention portée aux premières années (early years) et à l’école primaire. Ainsi l’élève qui atteint le Key Stage 3 est-il déjà « acculturé » à l’usage des TICE. Dans le même temps, l’enseignant est de plus en plus enclin à utiliser des produits adaptés et testés par des équipes de collègues (Schoolzone), qui leur garantissent une conformité au curriculum et un mode d’évaluation approprié et rapide. Les learning platforms auxquelles leur établissement peut avoir accès satisfait leur demande à cet égard.
Un tel modèle est-il transposable dans le système éducatif français, et, en allant plus loin, est-il souhaitable qu’il le soit ?
Les différences sautent aux yeux, qu’on compare les programmes français (rédigés le plus souvent en termes de connaissances) aux curricula anglo-saxons, qu’on pèse le poids respectif des investissements dans les TICE et dans les manuels scolaires, qu’on mesure la place accordée aux TICE à l’école maternelle et primaire par rapport au lycée et, secondairement, au collège, ou qu’on mette dans une même balance l’assesment à l’anglaise et nos modes d’évaluation. En outre, l’enseignant français, jaloux de sa « liberté pédagogique » et régulièrement évalué sur la qualité de sa prestation en classe, reste circonspect à l’égard de produits « ready made », qui ne lui paraissent pas correspondre à l’éthique de son métier.
Dans les allées du BETT, un fait reste frappant : les trois axes de la politique actuelle des TICE du ministère de l’éducation français ne sont pratiquement pas illustrés dans les produits ou dispositifs exposés.
Premier axe, celui des ENT, en voie de généralisation. Le concept français d’ENT n’est pas identique à celui de Learning Platform. Il s’approcherait sans doute plus de celui de Virtual Learning Environment mais n’assure pas entièrement la même fonction. L’ENT français est d’abord un réseau qui unit tous les membres de la communauté éducative (y compris les parents et des personnes extérieures à l’établissement), il est un outil de vie scolaire, un espace de travail collaboratif et de communication et, bien sûr, le support de ressources pédagogiques à utiliser dans la classe ou chez soi.
Second axe, celui des manuels numériques. Cette politique, conjointe avec les éditeurs, a été initiée en France dans le cadre d’une réflexion particulière sur le poids du cartable de nos écoliers. L’utilisation des manuels (dans un objectif de conformité avec les programmes) et la situation particulière de l’édition scolaire en France (dont les données ont été rappelées plus haut) font de cette politique une spécificité française. Il est significatif à cet égard que, hormis le stand Hodder (filiale anglaise du groupe Hachette), les exposants du BETT ne présentent pratiquement pas de manuels numériques.
Troisième axe enfin, les dispositifs de « clés pour enseigner » ou les plates-formes de repérage de ressources numériques semblent présenter peu d’intérêt dans un pays qui dispose de distributeurs généralistes qui, à travers leurs catalogues (papier et en ligne) permettent un choix aisé et un circuit simplifié de la commande.
La conclusion s’impose donc : il y a sans doute plus à perdre qu’à gagner à « importer » tel quel le modèle anglo-saxon d’e-education. Celui-ci, parfaitement adapté aux structures éducatives et aux pratiques enseignantes d’outre-Manche, risque d’éveiller une réaction de rejet de la part du corps enseignant français comme des producteurs de ressources numériques. Pour autant, des pièces (et non des moindres) du modèle sont sans doute à retenir : affirmation d’un projet politique et réflexion partenariale, principe d’interactivité, nouvelle structure de la classe, matériels nomades, évaluation des acquis des élèves et auto-évaluation d’établissement en matière de TICE, e-portfolio de l’élève, prise en compte de la dimension ludique dans la création de « serious games », tests des produits numériques « in situ » par des associations d’enseignants, amélioration de la distribution et simplification du circuit de la commande, etc.
Mais pour encadrer le changement des pratiques et réussir le passage à l’établissement numérique de demain, il faudra sans doute s’engager, auparavant, sur la voie d’une redéfinition des concepts (tel celui de « manuel ») et du modèle français d’e-education. Cette refondation peut apparaître longue et difficile à réaliser. Elle le sera moins sans doute que l’obligation (à laquelle le système éducatif français est confronté depuis plusieurs années) de devoir traiter des réactions de rejet de la part d’acteurs divers (les enseignants, les producteurs mais aussi les élèves et leurs parents) dont « l’éthique » du système éducatif, profondément ancrée en eux, reste la référence première.
Alain Marie Bassy
Précédent article d’AM Bassy dans le Café :
L’Angleterre un modèle à suivre ?
http://cafepedagogique.net/lemensuel/lesysteme/Pages/2[…]
Le cahier de texte électronique : l’exemple de La Classe
Qui devrait dès 2010 être présent dans toutes les classes ? Le cahier de texte électronique, généralisable selon le souhait de Xavier Darcos. Le projet semble ambitieux mais dès maintenant des collègues ou des acteurs locaux ont réussi à le faire entrer dans les établissements. Comment ont-ils fait ? L’expérience de La Classe, un site du Conseil général du Rhône est particulièrement intéresante.
Imaginé en 1998, La Classe, l’ENT du département du Rhône, a réussi à s’implanter dans les collèges. Son directeur, Yves-Armel Martin, nous confie comment cela a été possible.
Quelles sont les activités du Centre Erasme ?
Le Centre est le service du Conseil général du Rhône en charge de l’innovation numérique. Il intervient dans l’éducation avec « La Classe » depuis 1998, mais aussi dans la politique culturelle départementale ou socialement, par exemple au bénéfice des personnes âgées.
Vous présentez La classe comme un « cartable en ligne. C’est-à-dire ?
On préfère parler de « cartable » mais La Classe est un ENT en fait. C’est à dire qu’on y trouve des espaces de stockage pour abriter des documents numériques pour les enseignants et les élèves et les partager par exemple au sein d’une classe ou d’un groupe de travail, des outils de communication (email, chat, forums) par établissement ou centre d’intérêt, des outils de publication (blog de classe ou de groupe), des outils pour accompagner la pédagogie comme le cahier de texte en ligne, des outils de type quizz, un carnet de correspondance à destination des parents et bientôt un logiciel de notes.
Un cartable c’est aussi un objet très personnel. Qu’en est-il de l’appropriation de La Classe ?
En ce moment on a 25 000 utilisateurs actifs, dont 21 000 collégiens et 4 000 enseignants. Un collégien sur quatre dans le département utilise La Classe.
En général les ENT ont du mal à sortir des applications de gestion. Comment expliquez-vous ce fort taux d’utilisation ?
On a pris le temps. On est parti par en bas, en collant aux demandes des chefs d’établissement et des enseignants de terrain. On a misé sur l’utilité en cherchant l’adhésion des enseignants. Notre approche est centrée sur les usages et le développement de la culture numérique chez les enseignants et les collégiens. On accompagne les usages et on les amplifie. Par exemple c’est quand on s’est rendu compte que les élèves hospitalisés finissaient par avoir trois profs de maths (celui du collège, celui de l’hôpital, celui du retour à la maison) qu’on a eu l’idée du cahier de textes électronique. On l’a laissé ouvert aux autres utilisateurs et certains s’en sont emparés. Ca s’est contaminé par en bas.
De votre expérience de cahier de textes électronique quelles leçons peut-on tirer en vue de sa généralisation ?
Actuellement une poignée de collèges ont généralisé le cahier à tous les enseignements. Pour cela le rôle du chef d’établissement est très important. Il faut qu’il s’implique. Mais il faut aussi que les enseignants y voient du bénéfice pour eux-mêmes. Si c’est le cas et s’ils sont confortés par leur chef d’établissement alors le cahier de textes va s’imposer dans l’établissement.
C’est-à-dire que le département met un ordinateur par salle de classe pour que les enseignants l’utilisent ?
Non. On est en train de l’envisager. Mais une façon pour chef d’établissement d’aider c’est par exemple d’imprimer le cahier en cas d’inspection. Du côté des bénéfices pour les enseignants, on fait beaucoup d’efforts pour que l’outil soit le plus simple possible quitte à enlever des fonctionnalités. Il faut qu’il soit aussi rapide à remplir que le cahier papier mais que l’enseignant puisse y joindre, s’il le désire, des documents qui accompagnent la leçon. Quand le cahier est utile les élèves prennent l’habitude de le consulter. On s’en rend compte par exemple quand il y a des erreurs d’énoncé dans les devoirs : on corrige en ligne et on voit les élèves arriver en ayant tenu compte de la correction. Un exemple de gain de productivité du cahier électronique c’est la possibilité de copier-coller son cahier sur plusieurs classes ou d’adapter le cahier à un demi-groupe de langue.
Mais tous les élèves n’ont pas accès à Internet …
Si on tenait compte que de cela on nivellerait par le bas. Actuellement le taux d’équipement des familles avec enfants, même en zone rurale, est de 80 à 90%. Pour les autres on développe des espaces publics numériques, on prête des netbooks.
Le cahier de textes expose aussi la classe aux regards extérieurs ce qui peut aussi poser problème.
Jusqu’en octobre dernier, les parents n’avaient pas accès à La Classe. Maintenant ils peuvent accéder mais ils sont peu nombreux à avoir leur propre compte qui leur donne accès au B2i et au cahier de textes. Des enseignants sont réticents à la mise en ligne des notes car ils estiment que ça bouleverse les rapports entre l’enfant et ses parents. On a respecté cette objection et on s’est peu attaché à la mise en ligne des notes.
Et du côté de l’administration, de l’inspection ?
Le cahier de texte d’une classe est partagé entre les enseignants de la classe. Par exemple chaque professeur peut voir le travail qui est donné par les collègues. C’est un de ses points forts. Le chef d’établissement a aussi accès au cahier. Les inspecteurs n’y ont pas accès sans que les enseignants en soient informés. Il n’y a pas de « big brother » rectoral. Il est fondamental pour nous de travailler en confiance avec les enseignants.
Cela va-t-il changer l’Ecole dans le Rhône ?
On ne croit pas que la technologie change l’Ecole comme ça, de façon automatique. Elle ne change pas ce qui est fondamental : la relation entre l’enseignant et ses élèves. Le numérique peut offrir des outils qui ne prennent de la valeur que quand ils rencontrent des usages. Il permet d’ouvrir une fenêtre sur le monde quand l’enseignant le veut. Il nous aide à mettre en valeur la politique culturelle du département (musées, résidences d’artistes).
Mais il perturbe quand même la relation par exemple en permettant de joindre à tout moment un prof…
On n’observe pas de déplacement de la frontière éducative traditionnelle. Par exemple on n’a pas de cas de cyberbullying (harcèlement par Internet). Les jeunes ont des usages « tribaux » d’Internet qui sont très éloignés de ceux de l’Ecole.
Le prochain défi ?
Le département rejoint l’expérimentation des manuels numériques. On va voir comment il va interférer avec la classe.
Entretien : François Jarraud
Passages dangereux : de l’école au collège, du collège au lycée
« Depuis une dizaine d’années nos élèves de sixième ne valent pas ceux d’autrefois ». Qui n’a pas entendu cette petite phrase en salle des profs ? Elle témoigne de l’écart grandissant, du fait de la démocratisation, entre école et collège, collège et lycée. Deux ouvrages montrent très précisément comment faciliter le passage. Mieux encore, ils nous permettent de voir avec les yeux des jeunes ce que changer d’école veut dire.
Réussir le passage de l’école au collège
« Plus la logique du socle et de l’instruction obligatoire est poussée jusqu’au bout, plus les questions de continuité se posent » relève Claude Lelièvre dans la préface de cet ouvrage. Lui répond en chœur la classique antienne des professeurs « depuis une dizaine d’années nos élèves de sixième ne valent pas ceux d’autrefois ». Cette opposition encadre un peu le destin historique de la coupure entre l’école primaire et le collège dans le système éducatif français qui justifie cet ouvrage de J.-M. Zakhartchouk et D. Demarcy.
Sur ce sujet un peu austère, ils ont su « monter » un ouvrage particulièrement agréable et, mieux, dont la richesse et le foisonnement devraient éveiller l’intérêt des enseignants mais aussi des parents.
L’ouvrage s’ouvre sur des expériences de découverte du collège menées par des enseignants : défi écriture, installation de rituels etc. Il se poursuit par des conseils pour organiser la réception des nouveaux collégiens
Mais l’essentiel du livre est une suite d’expériences pédagogiques menées un peu partout pour aider les élèves à apprendre leurs leçons, décrypter des consignes. Chaque discipline est représentée et explique comment elle gère le passage de l’école au collège. Au total on dispose ainsi d’une très riche réflexion.
D. Demarcy et J.-M. Zakhartchouk, Réussir le passage de l’école aux au collège, Amiens, 2007.
Sommaire
http://www.cahiers-pedagogiques.com/article.php3?id_ar[…]
Réussir le passage de la troisième à la seconde
Il est des livres qui ouvrent des portes. Cet ouvrage ne fait partie. Anne-Elisabeth Laroche nous offre un livre rare car elle arrive à nous faire percevoir le passage de la troisième à la seconde tel que les élèves le vivent. C’est sans doute la grande force de cet ouvrage,fruit d’une longue expérience et d’années d’observations, que de mettre ainsi en perspective les témoignages de lycéens avec des analyses de sociologues de l’éducation. Ainsi arrive-t-on à une nouvelle lecture, très efficace, des difficultés des élèves.
Car, l’ouvrage a raison de le rappeler, la seconde est l’année la plus difficile du système éducatif français : à son issue un élève sur cinq ne passe pas en première, un sur sept redouble.
Il propose donc un inventaire des changements en s’appuyant sur ce que l’on connaît des élèves. Il pose la question de leur accueil, des difficultés qu’ils ont à gérer la liberté que le lycée leur donne. Il aborde la question du travail : combien de temps, dans quelle ambiance, avec qui… Mais aussi celle des changements qualitatifs : les attentes des enseignants changent, il faut apprendre différemment. Chacun de ces thèmes est traité de façon à rendre compréhensible aux enseignants les mutations vécues par les élèves.
Reste la question des programmes et des disciplines. Et là aussi l’ouvrage offre une riche réflexion sur les bouleversements dans chaque discipline. Ainsi je comprends mieux, en histoire – géographie par exemple, les difficultés des élèves avec les cartes ou à réfléchir sur la démocratie athénienne.
Il y a encore un usage de cet ouvrage qu’il faut souligner. Il fourmille de réactions d’élèves. On à là une véritable mine pour animer les heures de vie de classe, lancer des réflexions collectives sur le changement, débloquer des situations.
Pour toutes ces raisons, cet ouvrage est vivement recommandé aux collègues de 3ème et est indispensable à ceux de 2de.
Anne-Elisabeth Laroche, Réussir le passage de la troisième à la seconde, CRDP d’Amiens, CRap Cahiers pédagogiques, 2007, 214 pages.
Sommaire et extraits
http://crdp.ac-amiens.fr/productions/accueil/acc_trois_second.htm
Vous avez dit autorité
L’autorité est à la mode. Les parents en demandent mais n’hésitent pas à contester celle du professeur. On dit même « qu’elle revient » comme si elle avait déserté les établissements scolaires… Le thème a déjà été abordé dans le Café. Ici nous rendons compte de deux regards. Celui de l’Ocde qui montre son efficacité relative. Et celle de chercheurs pour qui l’autorité se construit.
Vous avez dit autorité…
« Attention à ne pas confondre sanction et punition. Une sanction peut être positive. Globalement, je plaide pour l’école de la parole et du dialogue. La réprimande même si elle n’a pas d’effet d’emblée, a une fonction symbolique ; elle doit être la première attitude : et la reformuler avec une patiente fermeté est tout à l’honneur de l‘enseignant. Il faut continuer à faire confiance en la capacité de l’enfant de comprendre ». Fenêtres sur cours n°302 propose un joli dossier sur l’autorité à l’école. Il alterne éclairages de spécialistes (Bruno Robbes, Gérard Guillot dans cet extrait) et reportages en classe.
G. Guillot revient sur la crise de l’autorité. « Mais quand on parle de « restaurer » l’autorité, de quoi parle-t-on ? Est-ce retrouver des formes autoritaristes ? Se soumettre à l’autorité ?… Un retour à une norme autoritariste serait une grave erreur politique. La société a évolué sous l’effet de l’individualisme, des nouvelles technologies, des influences médiatiques. Imposer l’autorité ne ferait qu’aggraver la crise. On en reviendrait à un modèle de rapport de forces. L’autorité doit être reconnue. Le respect, l’autorité, ça s’apprend, c’est une oeuvre éducative. »
Et pourtant l’autorité ça marche nous dit l’Ocde
La fameuse bosse des maths se résume-t-elle au climat de discipline ? L’OCDE, dans Regards sur l’éducation, s’est attachée à chercher les facteurs en relation avec les performances en mathématiques des élèves des 30 pays de l’Organisation.
Selon elle, « le soutien des enseignants est en relation négative avec la performance en mathématiques, alors que, de l’avis général, c’est un facteur censé y être favorable… Les indices relatifs aux stratégies d’élaboration et de mémorisation sont également en relation négative avec la performance en mathématiques, mais leurs effets sont faibles aussi. Il est possible d’ailleurs que les élèves peu performants aient plus tendance à choisir ces stratégies… Les corrélations sont particulièrement fortes entre la performance en mathématiques et les indices relatifs à la perception de soi en mathématiques, à la perception des capacités personnelles en mathématiques, à l’anxiété vis-à- vis des mathématiques et au climat de discipline ».
L’étude classe ainsi les pays selon l’attitude des élèves vis-à-vis des maths. Elle montre par exemple que les plus forts, comme les Japonais, « n’ont pas d’attitudes positives à l’égard des mathématiques » et ne se fient pas à leurs capacités. Pour autant ils s’appuient très peu sur des stratégies systématiques d’apprentissage. Finalement, « de tous les indices relatifs à la perception de la vie à l’école », ajoute l’Ocde, « c’est le climat de discipline qui a l’effet positif le plus important sur la performance en mathématiques ».
Pour approfondir :
Dossier de FSC 302
http://www.snuipp.fr/IMG/pdf/fsc302.pdf
Sur le Café : Meirieu : l’autorité n’est pas l’arbitraire
http://cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/2003/vio[…]
Sur le Café : Longhi l’autorité des maîtres…
http://cafepedagogique.net/lemensuel/larecherche/P[…]
Regards sur l’éducation 2007
http://www.oecd.org/document/43/0,3343,fr_2649_2011[…]
Les notes sont-elles justes ? Entretien avec Pierre Merle
Les notes sont-elles justes ? Certes, s’il est bien une activité que les profs font sérieusement, c’est la notation. Ils en connaissent les conséquences dans un système qui se focalise sur les moyennes. Pourtant quand on compare sa notation à celle de ses collègues, souvent on est très surpris. Pierre Merle révèle dans son dernier livre les résultats de nombreuses études docimologiques (la science de la notation). Au risque d’affronter les tabous.
Pour vous, Pierre Merle, la note est une activité sociale comme les autres et l’enseignant note un élève bien réel dans une situation précise. Et forcément cela influe sur sa notation. Peut-on le démontrer ?
Dans mon ouvrage (Les notes. Secrets de fabrication, 2007), je présente de nombreuses recherches menées depuis plus de 30 ans par des psychologues et des sociologues. Ces deux catégories de chercheurs travaillent différemment. Les premiers mènent des expériences (certaines sont très intéressantes), les seconds étudient des données réelles. Par exemple, les sociologues comparent les moyennes annuelles obtenues en mathématiques et en français par 1700 élèves scolarisés en quatrième aux résultats obtenus par ces mêmes élèves à des tests de compétence standardisés dans ces deux disciplines.
Les résultats des recherches des psychologues et des sociologues convergent totalement (ce qui n’est pas si fréquent). Les résultats sont surprenants. Il existe des « biais d’évaluation », c’est-à-dire des erreurs systématiques de notation des copies. L’enseignant est influencé par les caractéristiques socio-scolaires de ses élèves : l’origine sociale, l’âge, le redoublement, le sexe… Ainsi, à niveau identique aux tests de compétence en mathématiques et en français, les enfants de cadres sont mieux notés en classe que les enfants d’ouvriers. Il en est de même des élèves non redoublants par rapport aux redoublants. On peut penser que ces derniers subissent un préjugé négatif en raison de leur scolarité antérieure et sont, pour cette raison, sous notés.
Peut-on dire de ces influences qu’elles sont conscientes ou inconscientes ? Pour dire les choses plus clairement, quelle est la part des préjugés de classe dans la notation ?
L’écrasante majorité des professeurs étant attentive à la question de l’équité et de la justice scolaire, l’influence des caractéristiques socio-scolaires des élèves sur la notation est inconsciente. Un nombre non négligeable des professeurs pressentent toutefois, intuitivement, être influencés par les comportements des élèves en classe (par exemple, la participation orale qui est susceptible de varier selon l’origine sociale et d’influencer ultérieurement de façon positive la notation de l’écrit). Cependant, la conscience claire de l’existence de préjugés est rare. Je dirais, à titre personnel, pour avoir enseigné dix années en lycée, que le fait de ne plus faire remplir de fiches de renseignements sur mes dernières années d’enseignement a modifié ma perception d’une partie des élèves. Je perdais en quelque sorte des repères alors même que, comme beaucoup de professeurs, je lisais pourtant rapidement les fiches de renseignements que je faisais remplir par « mes » élèves.
Quelle est la part de « l’erreur » du professeur ? D’abord, il faut retenir l’essentiel : les notes données par les professeurs sont plutôt bien corrélées avec les tests de compétence standardisés. Toutefois, des analyses statistiques approfondies (l’analyse multivariée) montrent que lorsque que l’écart moyen de notation en classe entre les enfants de cadres et d’ouvriers est de 2,2 points en faveur des premiers (données recueillies sur 1700 élèves scolarisés en classe de quatrième), un demi-point de moyenne (soient 25 % de l’écart) n’est pas justifié par les différences de compétence aux tests standardisés et s’explique par le statut social des élèves considérés (notes de mathématiques et français confondues). Dans les décisions d’orientation ou de redoublement, ce biais d’évaluation, pour les élèves tangents, peut avoir des conséquences importantes. Il ne faut donc pas s’arrêter seulement aux niveaux des « biais » qui peuvent sembler faibles et qui ne remettent que marginalement en cause la hiérarchie des classements mais étudier aussi leurs conséquences, d’autant que ces biais s’accumulent. Par exemple, la notation d’un élève d’origine ouvrière, de sexe masculin, redoublant, avec déjà un an de retard… diffère radicalement en termes de biais de notation de celle d’une fille, d’origine aisée, avec un an d’avance. La probabilité que le premier élève soit réellement moins bon que le second est considérable. Les modalités de notation en classe tentent toutefois à sur-estimer cet écart.
Peut-on dire que si l’on est élève en lycée professionnel, il vaut mieux avoir un prof immigré fils d’ouvrier qu’une jeune fille de bonne famille ?
À ma connaissance, il n’existe pas de recherches statistiques sur les façons de noter des professeurs selon leur parcours scolaire ou leur origine sociale. Dans les entretiens que j’ai menés, les professeurs d’origine populaire manifestent une certaine réticence à l’égard de notations très basses, très sélectives, qui leur paraissaient contraires à l’objectif de démocratisation de l’école. Le statut de l’enseignant – professeur contractuel d’un côté, agrégé de l’autre – est susceptible également d’influencer la notation (le professeur contractuel déclarant plus fréquemment être hostile à la sélection qu’il a généralement subie). Toutefois, les variables sociales concernant chaque professeur sont nombreuses (diplôme, statut, nombre d’années d’enseignement, établissements d’exercice, âge, présence d’enfants…) et se combinent d’une façon quasi imprévisible avec ses expériences professionnelles. Dans l’état actuel des recherches, on sait seulement que la notation d’un professeur est influencée par l’établissement d’exercice (la notation est plus généreuse dans les établissements situés en zones défavorisées, plus sévère dans les quartiers aisés).
Peut-on dire qu’il vaut mieux être une fille quand on est au lycée qu’un garçon ?
Plusieurs études sont parvenues à ce résultat. À compétence égale, mesurée par des tests, les filles font l’objet d’une notation supérieure aux garçons dans le quotidien de la classe. Il s’agit d’un résultat statistique qui vaut « en moyenne ». Il ne serait peut-être pas vérifié en comparant la notation de filles jugées « bavardes » à celle de garçons participant activement en cours…
Mais faut-il poser la question de cette façon ? Si les élèves des deux sexes avaient exactement le même comportement en classe, il n’est pas certain qu’un biais de notation en faveur des filles existerait. Autrement dit, pour influencer la notation du professeur, il vaut sans doute mieux être un élève qui participe et qui « cherche à se faire bien voir » (ce que les filles déclarent plus souvent que les garçons) plutôt que d’être une fille.
Peut-on adresser les mêmes critiques au sacro saint bac ?
Le baccalauréat présente un grand avantage : une évaluation anonyme des compétences lors des écrits. Une recherche tout à fait remarquable a comparé les caractéristiques socio-scolaires des élèves qui seraient reçus au baccalauréat en se limitant aux résultats du contrôle continu (les moyennes annuelles) comparativement aux élèves effectivement reçus au bac. Les deux populations sont en partie différentes. Parmi les élèves qui sont effectivement reçus, on comptabilise une proportion plus grande de garçons, d’enfants d’ouvriers et de redoublants qui font l’objet d’une sous-estimation de leurs compétences pendant l’année de terminale.
Le baccalauréat présente par ailleurs un avantage considérable. Si le contrôle continu (en plus des bacs blancs) était mis en œuvre, les professeurs seraient, à chaque notation, confrontés aux revendications des lycéens… Enfin, la suppression des épreuves actuelles du baccalauréat, diplôme national, aboutirait à justifier une sélection à l’entrée des universités. Celle-ci se réaliserait sur dossier et/ou des critères locaux, incontrôlables, éventuellement discutables (c’est le cas de la sélection pour l’entrée dans les IUFM pour les professeurs des écoles). Avec la suppression des annales du bac, repères indispensables au maintien d’exigences communes, chaque établissement développerait des exigences spécifiques. Pour ces raisons, le baccalauréat doit être maintenu. Son organisation peut toutefois être simplifiée (avec moins d’épreuves écrites par exemple).
Comment expliquez-vous cette importance de la moyenne et de la note dans le système éducatif français ? Pourrait-on s’en passer ?
Par rapport aux autres systèmes européens, le système scolaire français se caractérise par une proportion élevée de redoublants. Les notes et la moyenne trimestrielle assurent une fonction centrale : autoriser ou empêcher le passage dans la classe supérieure. Dans les pays nordiques, l’absence de redoublement explique le moindre recours à la notation. Les élèves faibles font l’objet d’un soutien spécifique, d’une évaluation formative, et la sélection a lieu seulement à la fin du collège qui est véritablement unique, c’est-à-dire indifférencié. Cette organisation particulière est à la fois plus démocratique (la reproduction des inégalités sociales est moindre) et plus efficace : le niveau moyen des élèves, à l’âge de quinze ans, est supérieur à celui constaté en France. Le système le moins démocratique est le système allemand où la sélection par les notes a lieu à la fin du primaire. Le projet actuel du ministère qui vise l’assouplissement, voire la suppression du collège unique avec la création de voies professionnelles, nous rapprocherait du système allemand.
S’attaquer à la notation n’est-ce pas briser un tabou ? Dans un contexte de perte d’autorité et de désillusion, n’est ce pas dangereux ?
Mon ouvrage sur la notation n’a pas eu pour objet de « m’attaquer » à la note. Mon projet a été de connaître une activité sociale peu étudiée en partant de la réalité vécue par les professeurs. L’enquête montre que l’activité de notation est particulièrement complexe : le professeur doit concilier des contraintes liées notamment au bon fonctionnement de la classe et aux normes de notations dans l’établissement et dans sa discipline. Ce sont des contraintes diffuses, intériorisées progressivement par les professeurs, parfois difficiles à concilier.
Je pense que montrer la complexité de l’activité d’évaluation est utile pour les enseignants au moins à deux niveaux. D’abord, les pratiques sont très diverses et il existe des « stratégies » de notation plus efficaces que d’autres pour concilier les deux objectifs principaux poursuivis par les professeurs : le silence en classe et les progrès des élèves. Ensuite, la connaissance des « biais » de notation doit permettre de réduire ceux-ci. Il est illusoire de croire qu’il sera possible de préserver la légitimité des notes et l’autorité des professeurs si ceux-ci ont recours à des pratiques d’évaluation qui seraient contestables du point de vue de l’équité et de l’efficacité des apprentissages. L’élaboration d’un devoir et la mise au point d’un barème peuvent aboutir à donner comme note minimum 01/20 ou 6/20. Ces notes ne produisent pas les mêmes effets sur la motivation des élèves concernés…
Certains professeurs, parfois jeunes, ont recours à des notations absurdes. Que dire d’une notation d’une dictée en classe de 6e qui aboutit à donner des notes négatives ? Jusqu’à –10/20 ! (Je ne l’invente pas !). Cette pratique (c’est un cas extrême) est condamnable. Elle porte préjudice à la crédibilité des professeurs. D’autres pratiques, moins extrêmes, sont aussi contre-productives.
Finalement vous recommandez, pour le bac, des comparaisons entre jurys et au quotidien des échanges de copie. Pensez-vous qu’on aurait alors une notation juste ?
Pour le baccalauréat, les services du recteur devraient systématiquement donner au président de chaque jury les résultats de l’ensemble des jurys du centre d’examen qui regroupe les bacheliers de telle ou telle filière. Il ressort de ces listings des différences de notation selon les jurys (il existe des jury plus sévères que d’autres, c’est un secret de Polichinelle) alors même que les élèves sont regroupés de façon aléatoire dans chaque jury. L’application du principe juridique de l’égalité de traitement devrait amener les présidents des jurys plus sévères que la moyenne à faire preuve d’indulgence. Inversement, dans les jurys généreux, le rattrapage devrait être moins fréquent. L’application actuelle du principe de souveraineté du jury aboutit, en l’absence d’informations convenables de chacun des jurys sur leur niveau de sévérité, à des décisions d’indulgence ou de sévérité à l’aveugle.
Dans le quotidien de la classe, les échanges de copies entre professeurs devraient être plus fréquents. Les enseignants ont tout à gagner à confectionner des devoirs en commun ou à s’échanger leurs contrôles. C’est une façon de travailler en équipe et de réfléchir collectivement aux pratiques d’évaluation de chacun et, plus ou moins directement, d’échanger sur les contenus d’apprentissage. Dans certaines académies et dans certaines disciplines, pour l’oral du baccalauréat, les professeurs préparent ensemble les sujets qu’ils vont donner aux candidats. La discussion sur les sujets et sur leur niveau de difficultés est très instructive pour chaque enseignant. Cette pratique pédagogique qui a l’avantage de faire gagner du temps favorise aussi l’équité puisque les candidats au baccalauréat sont évalués sur les mêmes sujets. La notation gagne en équité lorsque les professeurs intensifient leurs échanges sur leurs pratiques d’évaluation.
Pierre Merle
IUFM de Bretagne
Entretien : François Jarraud
Dernier ouvrage de P. Merle :
Les notes.
Secrets de fabrication,
PUF, 2007
Article de P. Merle dans le Café :
Dans l’école d’aujourd’hui, les contre-pouvoirs sont insuffisants
http://cafepedagogique.net/lemensuel/larecherche/Pages/2005/a[…]
Sur le même sujet dans le Café :
Des notes et de la motivation
http://cafepedagogique.net/lemensuel/leleve/Pages/80Desnot[…]
Revoir l’évaluation
http://cafepedagogique.net/lemensuel/lenseignant/languesviv[…]
Le renouveau de l’évaluation
http://cafepedagogique.net/lemensuel/Pages/81_edito.aspx
Comment fait-on classe ailleurs ?
De la Finlande aux Etats-Unis, l’Ecole partage des interrogations communes, des évaluations communes, des savoirs communs. Pourtant on ne fait pas la classe de la même façon…
L’Ecole en Europe : chercher le modèle ?
« Depuis quelques décennies on voit apparaître à travers le monde une culture enfantine et adolescente qui conduit les jeunes à s’habiller à l’identique, à écouter les mêmes musiques, à jouer aux mêmes jeux sur la toile. Mais lorsqu’ils quittent chaque matin leur statut de jeune pour celui d’élève, les phénomènes de mode font place… durant quelque sheures, au mode local d’éducation auquel ils sont soumis ». Anne-Marie Bardi ouvre par cette remarque un numéro passionnant de la Revue internationale d’éducation de Sèvres (n°50) qui nous amène droit dans les salles de classe de nos voisins européens.
Fait-on classe de la même façon d’un pays à un autre ? Commençons par l’architecture. De Naples à Londres, de Londres à Oslo, la revue montre à quel point la vie de classe est différente. Ainsi à Naples, l’espace de l’école est utilisé à rebours de l’école française. Ainsi les récréations n’utilisent pas la cour. Au Danemark, l’organisation de la classe n’est aps centrée sur le bureau du maître mais sur les groupes d’élèves.
C’est que les conceptions de l’enfant et du professeur sont parfois aux antipodes. Une très intéressante confrontation attend le lecteur : celle de professeurs stagiaires anglais et français. Elle montre que les enseignants des deux pays ne regardent pas les élèves de la même façon et que , si les uns et les autres cherchent l’égalité, elle passe par des chemins opposés. Au prof qui sait différencier et pousser au maximum chaque élève correspond l’enseignant pour qui l’égalité c’est d’accorder la même attention et les mêmes cours à tous de façon indifférenciée et qui ressent comme une injustice le fait que le s enfants aient des travaux différents.
Si ce numéro répond à notre curiosité de « visiter » les salles de classe de différents pays il nous interroge aussi sur la construction européenne. Comment face à 27 systèmes éducatifs différents chercher l’unité européenne ? Comment des écoles aussi différentes pourraient-elle fabriquer un même citoyen européen ? Sur quel modèle bâtir l’école efficace ?
Le sommaire
http://www.ciep.fr/ries/ries50.php
L’école finlandaise face à l’hétérogénéité
Comment l’école finlandaise fait-elle face à l’hétérogénéité et la difficulté scolaire ? On sait que le système éducatif finlandais est un des plus performants. Paul Robert ramène de son dernier voyage en Finlande une vidéo qui montre la variété des réponses apportées par les enseignants finlandais. La coopération entre élèves est par exemple recherchée et instituée.
La vidéo de P Robert
http://ecoles.alternative-democratique.org/Video-l-educa[…]
Un pont vers la Finlande ?
http://cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/2008[…]
En Finlande, l’école apaisée
Après la gestion de l’hétérogénéité dans une première vidéo, Paul Robert met en ligne une seconde vidéo qui est dédiée à la discipline dans l’Ecole finlandaise. Si les punitions existent-elles sont d’autant plus efficace qu’exceptionnelles. Avant de punir,l’enseignant discute et offre son aide. Le climat scolaire est surprenant…
Voir la vidéo
http://ecoles.alternative-democratique.org/Video-Une-re[…]
Le système éducatif allemand
Comment se passe une journée de classe typique dans un collège allemand ? Comment se fait l’orientation ? Comment fonctionne le système éducatif allemand ? A toutes ces questions, l’ambassade d’Allemagne apporte des réponses claires dans une brochure téléchargeable. Rédigée de façon très lisible, elle rend compréhensible les différences entre système français et allemand. A commencer par le Bildung, cette notion qui fonde l’éducation allemande : « L’éducation allemande ne met pas l’accent sur la transmission des savoirs mais sur l’épanouissement de la personne ».
La brochure ne cache rien des mutations en cours dont l’allongement du temps scolaire quotidien : déjà 39% des écoles publiques font classe toute la journée. Elle donne à voir d’ailleurs ce qu’est une semaine de classe ordinaire. Par contre la brochure évite de pointer les faiblesses du système éducatif allemand. On sait que Pisa a montré son coté très inégalitaire (même si les résultats s’améliorent).
La brochure
http://www.cidal.diplo.de/Vertretung/cidal/fr/__PR/ac[…]
Les systèmes éducatifs européens en fiches
Réalisées par la commission européenne, ces fiches synthèses décrivent en quelques pages le système éducatif de chaque état européen. Elles accordent une grande importance aux réformes en cours.
Les fiches
http://eacea.ec.europa.eu/portal/page/portal/Eurydice/Pub[…]
Eduquer à la santé
Quelques nouvelles ressources pour une éducation à la santé en classe
L’Ecole et les comportements à risque
« L’objectif de cet ouvrage est de mettre à disposition des promoteurs de programmes de prévention ou de promotion de la santé des enfants d’âge scolaire une synthèse de la littérature scientifique et technique ». C’est bien un guide que propose l’INPES avec comme objectif de faire connaître des interventions efficaces face aux conduites à risques des adolescents.
Aussi l’ouvrage cherche l’efficacité et la brièveté. Il s’ouvre sur un état des connaissances sur le développement de l’enfant. Une deuxième partie définit les conduites à risque et donne les résultats des dernières enquêtes épidémiologiques. Une troisième partie présente les facteurs qui influent sur les risques. Les derniers chapitres sont donc entièrement consacrés à la présentation de dispositifs qui ont fait leurs preuves et à leur conduite dans un établissement scolaire. Notons tout de suite que le Québec est à l’honneur avec son programme Ecole en santé, déjà évoqué dans le Café.
Ce petit livre (132 pages) réunit ainsi une masse d’informations qui intéressent les enseignants et tous les acteurs de l’Ecole, du moins ceux qui ne se lavent pas les mains du devenir des jeunes. Ajoutons qu’il est disponible gratuitement auprès de l’Inpes.
Martine Bantuelle, René Demeulemeester, Référentiel de bonnes pratiques, Comportements à risque et santé : agir en milieu scolaire, Inpes, 2008, 132 pages.
Présentation
http://www.inpes.sante.fr/index.asp?page=30000/35935.asp
Sur le Café, L’école en santé
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2006/03/inde[…]
Premiers secours
La loi du 9 août 2004 a rendu obligatoire la formation des élèves aux premiers secours. Les élèves doivent pouvoir obtenir l’Attestation de formation aux premiers secours (AFPS) au collège et une première formation à l’école (l’APS). Voilà pour les textes.
Sur EduScol, la Dgesco rappelle les textes. Elle publie la brochure « Apprendre à porter secours » à destination des enseignants du primaire. Les nouveaux stagiaires du primaire doivent posséder l’AFPS. Reste que cette mesure et les textes seuls ne suffiront pas à faire entrer cette formation dans tous les établissements.
Les premiers secours sur EduScol
http://eduscol.education.fr/D0118/accueil.htm
Le petit guide de la protection de l’enfance
Que faire face à un enfant maltraité ? Qu’est ce qu’un signalement ? Dans quel cas peut-on ou doit-on en faire un ? Quelles juridictions s’occupent des affaires familiales ? Quelles ont les responsabilités juridiques des parents et des enfants ?
Réalisé par l’association Sœur Emmanuelle, ce petit guide (104 pages) apporte l’information juridique qui manque aux enseignants.
Asmae, Petit guide juridique sur la protection de l’enfance, Fabert, 2008, 104 pages.
L’éducation sexuelle est prise au sérieux en Angleterre
En 2007, le nombre de jeunes filles anglaises de moins de 14 ans à avorter a augmenté de 21% (elles sont 163) et celui des moins de 16 ans de 10% (4 376 cas). Confronté à ce problème traditionnel en Angleterre, un réel effort est réalisé en faveur de l’éducation sexuelle. Un établissement secondaire sur trois dispose d’un dispensaire d’hygiène sexuelle. Une sur six distribue la pilule du lendemain., toutes des préservatifs.
Sur BBC News
http://news.bbc.co.uk/2/hi/health/7468179.stm
La Belgique veut généraliser l’éducation affective et sexuelle
Le Parlement de la communauté française de Belgique a adopté le 17 juillet une résolution demandant la généralisation des animations à la vie relationnelle, affective et sexuelle, à l’Ecole.