« Enseigner cessera d’être un art lorsqu’apprendre ne sera plus un mystère ». Partant de ce point de vue, comment aborder la réforme du lycée des de la formation des maîtres.
Une réforme des lycées ? CHICHE ?
Nous avons un lycée datant d’un autre siècle (pas forcément le XXème !). Comment ne pas souhaiter une réforme en profondeur de ses structures… et de l’état d’esprit qui le gouverne !
Que nous propose-t-on ? Des objectifs dont la plupart sont indispensables à atteindre mais qui correspondent aussi (surtout !) à des effets d’annonce (« Le second objectif, c’est d’assurer la réussite scolaire de tous les lycéens)… « Plus de travail individualisé et d’autonomie, une meilleure préparation aux études supérieures… » (discours de Xavier Darcos du 03/06/2008). Assiste-t-on à « la revanche des TPE », tant décriés, comme le dit Olivier Masson (chargé de mission à la Ligue de l’enseignement) dans le Café Pédagogique ?
De ce lycée là, je suis preneur… comment peut-on ne pas l’être… à la condition que ces belles paroles ne soient pas, une fois de plus galvaudées, détournées de leur sens réel !
Bien sûr, ne soyons pas naïfs : « des horaires allégés pour plus d’autonomie des élèves » sont surtout intéressants… pour les allègements, donc les économies d’heures, pas pour l’autonomie… sinon pourquoi les programmes de primaire en seraient revenus à une approche valorisant l’obéissance, la docilité et non les responsabilités et l’autonomie des élèves ?
Comme pour le socle commun de connaissances et de compétences, pourquoi ne pas dire « CHICHE » ? (Remarquons au passage que ce fameux « socle » pose certains problèmes à notre ministre en ce qui concerne sa mise en relation avec les programmes rétrogrades qu’il veut instaurer à l’école primaire !).
Oui, dans les lycées, peut-on concevoir pire que ce qui existe aujourd’hui, pour beaucoup d’élèves qui suivent des cours magistraux, qui prennent des notes (enfin essaient !), qui apprennent… mais ne savent pas ?
Donc pourquoi ne pas accepter cette orientation générale… ce qui nous permettra d’autant plus de revendiquer une formation des professeurs adaptée à ces nouvelles tâches et non un complément de connaissances concernant essentiellement leur discipline ?
Une remarque qui n’a (presque !) rien à voir ! Une diminution de nombre de fonctionnaires pour ne pas faire payer à nos enfants nos débordements ? Cela peut se comprendre. Une diminution du nombre de fonctionnaires… partout ? En ce qui concerne l’Elysée, nous venons d’apprendre que Nicolas Sarkozy a fait « exploser » les frais de personnel (+10,9%) par suite des nombreux recrutements ! Quant aux économies que la France doit faire, il nous en montre l’exemple : après une augmentation très conséquence de son salaire, en début de mandat, dont tout le monde se souvient, « l’argent de poche » qu’il s’est généreusement octroyé en 2007 a lui aussi augmenté de 29% !
Quant à la formation des enseignants…
Deux remarques !
• Je me souviens d’une jeune professeure de SVT qui me disait… fort justement : « Je vais enseigner les sciences pendant au moins quarante ans à des adolescents… et je n’ai eu aucune formation sur ce que sont les sciences et ce que sont les adolescents ! »
• J’ai toujours été frappé par le fait que beaucoup de formateurs avaient deux positions opposées : certains s’enorgueillissaient de ne pas donner de « recettes », affirmant que, « de toute manière ça ne marche pas »… mais en possédaient-ils réellement de pertinentes ? D’autres en donnaient volontiers… et effectivement, force était de constater qu’elles s’avéraient souvent inefficaces ! En ce qui me concerne, je me suis toujours appliqué à donner le maximum de recettes… mais toujours accompagnées d’une analyse théorique, afin qu’elles puissent être adaptables aux différentes situations réelles !
Si la pratique est indispensable, théoriser permet d’en comprendre le sens… donc le fonctionnement. En fait, on voit bien que si la théorie c’est « quand on sait tout et que rien ne fonctionne », et la pratique c’est quand « ça fonctionne (parfois !) mais qu’on ne sait pas pourquoi », une formation en didactique et en pédagogie s’avère indispensable. D’ailleurs, si certains professeurs sont excellents aujourd’hui, la plupart le doivent à ce que les recherches en didactique et en sciences de l’éducation, bannies aujourd’hui, leur ont apporté ! Sans oublier le volet sociologique, la psychologie de l’enfant et de l’adolescent et tout ce qui touche à la formation de la personne, à la relation, à la communication… !
Alors, le compagnonnage ? Dans certains cas, cela peut être intéressant. J’ai vécu cela il y a longtemps, dans les stages pratiques du CAPES, après avoir déjà enseigné sur le terrain. Qu’y ai-je appris ? La manière de remplir un cahier de textes de la classe en faisant croire que l’on avait abordé quelque chose quand ce n’était pas le cas (depuis, j’ai d’ailleurs toujours eu un recul face à cette obligation administrative !).
Enseigner n’est pas un art (« Enseigner cessera d’être un art lorsqu’apprendre ne sera plus un mystère » a écrit Yanne Chenouf). Alors, le « compagnonnage », pourquoi pas… avec des professeurs véritablement formés (mais qui, ceux qui appliquent bien la méthode syllabique en CP ? ) et à la condition qu’il soit accompagné d’un volet théorique sur la didactique, abordé à travers des stages passant par un vécu analysé !
Gérard De Vecchi
Maître de conférences en sciences de l’éducation