Alors que s’achève la première période de l’année scolaire, François Bonneau, vice-président de l’Association des régions de France en charge de l’éducation et président du Conseil régional de la région Centre, fait le point sur une rentrée marquée par « l’angoisse » des enseignants. Mais aussi par une perspective positive, celle d’une meilleure coordination entre les politiques régionales et celles portées par l’Etat. Une coordination indispensable par exemple pour que les TICE entrent réellement dans les usages pédagogiques. Pour François Bonneau, il est temps que naisse l’Acte III de la décentralisation…
On est un mois après la rentrée du lycée. Quelle perception avez vous de la réalisation de la rentrée ? Constatez-vous un impact sur l’égalité territoriale, sur la carte des formations ?
A l’évidence la suppression systématique organisée et idéologique des postes telle qu’elle s’est faite ces dernières années conduit à de lourdes inquiétudes. Par exemple, dès la rentrée il n’y a plus de remplaçants. Le message envoyé aux enseignants, est un message qui n’est absolument pas de soutien ou d’encouragement. Quand les représentants de la nation envoient comme message l’idée que l’éducation coute trop cher, ce n’est pas un message de nature à aider les enseignants, à les encourager à innover. Cette angoisse prévaut aussi dans la modification de la formation initiale des enseignants. Quand on réduit les moyens de formation initiale et continue, quand on prive les établissements de possibilités d’accompagnement des enseignants, par exemple pour le numérique, ça n’est pas de bonne augure pour la possibilité du système à intégrer ces technologies.
Très concrètement, les modifications de programme en seconde puis en première ont généré des tensions sur le budget des régions. C’est la même chose en série technologique où il a fallu acquérir des équipements.
Luc Chatel avait présenté comme pratiquement réalisé le partage des compétences en matière de TIC entre l’Etat et les collectivités territoriales. Qu’en est-il en fait ? Avez vous constaté un impact de la nouvelle rémunération offerte aux responsables TICE dans les établissements ?
Il y a beaucoup d’annonces. Mais dans la réalité ces heures sont en diminution dans les établissements. Il y a moins de monde pour la gestion des réseaux et l’accompagnement des usages. Inversement, il y a un domaine où on est satisfait, c’est d’avoir pu mettre enfin en place des groupes de travail avec le ministère sur le numérique. Ils fonctionnent. On peut espérer à l’avenir mieux coordonner les évolutions nationales et régionales. J’espère aussi que ça permettra que l’Etat comprenne mieux la nécessité de la formation pour le numérique.
Il n’y a pas eu d’accord ?
Luc Chatel a fait des annonces. Les régions sont prêtes à aller au-delà sur la maintenance. Mais le gouvernement de M Chatel réduit les dotations financières aux collectivités territoriales. Comment leur demander de faire plus alors que leurs dotations sont diminuées ? Pour aller au delà de ce que nous faisons déjà pour les équipements, les équipes mobiles, la télégestion, nous demandons à l’Etat quels moyens supplémentaires il est prêt à donner. Et aussi quels accompagnements aux usages vers les personnels de l’éducation nationale il est prêt à mettre en place. Car ça ne servirait à rien d’avoir des machines et une technique capables de fonctionner s’il n’y a pas chez les enseignants une formation et un accompagnement aux usages. Car ça ne va pas de soi.
Cette année on a officiellement la mise en place des cahiers de texte numériques. Est-ce que cela s’installe sur le terrain? Il y-a-t-il une coordination entre Etat et régions ? Et pour les ENT ?
Il y a un travail dans les académies sur le plan technique. Il y a concertation. Je suis attaché à la diversité liée à la décentralisation. Mais en matière de nouvelles technologies il faut aussi une coordination. Par exemple, j’entends les éditeurs dire que, pour des raisons d’incompatibilité, il faudra créer autant de différentes éditions de manuels numériques qu’il y a d’ENT. Quel gâchis ! Donc nous voulons que le ministère exerce sa responsabilité pour qu’on ait de la cohérence.
Justement on est frappé par l’importance des engagements des régions pour les lycées et la modestie de leur posture. Envisagez-vous des évolutions ?
Oui. Nous demandons un acte III de la décentralisation. Nous reconnaissons la nécessité d’avoir une politique nationale pour les diplômes, les programmes, les enseignants. Mais dans la réalité on s’aperçoit que l’acte éducatif se décline à travers des moyens divers : numériques, politique culturelle, etc. Il s’enracine dans un territoire et se nourrit des politiques des collectivités. Il faut que cela soit bien compris dans la décentralisation. Que demain l’établissement soit contractualisé avec l’Etat mais aussi avec la région de manière à créer de la cohérence avec ce qui est porté par l’Etat et ce qui est porté par la collectivité territoriale. L’acteur collectivité territoriale, qui a fait la preuve de sa complémentarité, doit être reconnu dans ce contrat.
Dans les académies cela pourrait se traduire par des CAEN qui seraient autre chose que des lieux de déclaration et de rapports. On pourrait y échanger sur des éléments de stratégie, de prospective. Un autre élément ce sont les groupes de travail avec le ministère évoqués ci-dessus. Ils devraient permettre à l’avenir d’anticiper de façon à empêcher que l’on mette au pilon des machines outils de fraîche date parce que l’on nous informe très tard de nouveaux programmes. Pour l’accompagnement des jeunes on doit aussi ouvrir une autre étape. On reconnait l’attachement des conseillers d’orientation psychologues à leur travail dans les établissements. Mais, au delà, il y a un besoin d’un service public d’orientation et on souhaite que les régions soient confirmées comme les organisateurs de ces services.
Propos recueillis par François Jarraud