Dans une lettre envoyée le 29 avril aux personnels de direction, la secrétaire générale du ministère et le directeur de l’enseignement scolaire fixent les conditions dans lesquels les autotests seront utilisés dans les établissements. Une organisation tellement lourde que les 3 syndicats de personnels de direction montrent qu’elle est irréalisable. Ils donnent consigne à leurs adhérents d’exiger du personnel spécial du ministère , sinon d’envoyer les élèves s’autotester chez eux.
Un protocole imaginé rue de Grenelle
« Le Gouvernement a décidé d’organiser des séances hebdomadaires de dépistage pour tous les lycéens au sein de leur établissement. Il vous appartient désormais d’organiser ces séances et de veiller plus particulièrement : au strict respect du protocole sanitaire établi spécifiquement pour ces séances par les personnels et les élèves ; à ce que les élèves majeurs et les responsables légaux des élèves mineurs aient donné leur consentement par écrit à la réalisation des autotests dans l’établissement ; à ce que les élèves aient suivi avant la première itération une séance de formation sur les autotests dans le but de leur apprendre ce qu’est un autotest, comment on réalise le test et les finalités d’un dépistage collectif itératif dans une logique de responsabilisation individuelle ».
La lettre de Marie-Anne Lévêque, secrétaire générale, et Édouard Geffray, directeur général de l’enseignement scolaire, pointe des ressources mises en ligne par le ministère. Elle va pourtant susciter un net refus des personnels de direction.
Des élèves mis dos à dos pour faire leur prélèvement
Le ministère invite les chefs d’établissement à suivre un protocole détaillé qui tient en 3 pages. Il faut prévoir une salle spéciale pour les tests permettant de distancer de 2 mètres les élèves qui doivent être dos à dos ou face à un mur : « La salle doit être organisée de manière à assurer une distance d’au moins deux mètres entre chaque personne et minimiser les contacts en face à face des élèves (positionner les postes d’auto-prélèvements de façon à ce qu’aucun élève ne se retrouve face à un autre élève, si possible face au mur ou dos à dos lorsqu’ils ne porteront pas le masque au moment de réaliser le test) ».
Les élèves disposent d’un petit guide d’utilisation réalisé par le ministère de la santé qui explique comment effectuer le prélèvement. « Préalablement à leur 1er autotest les élèves doivent avoir reçu une information complète et précise sur les modalités de réalisation des tests par une personne formée, en particulier sur l’auto-prélèvement, et les consignes élémentaires sur la réalisation et l’interprétation du test devront être rappelées par l’adulte supervisant la séance d’autotests avant chaque auto-prélèvement ».
Des séquences de formation et des prélèvements hebdomadaires
La réalisation de l’autotest est faite par les élèves selon les consignes de l’encadrant et la notice du test. « Le test est réalisé immédiatement après le prélèvement nasal afin de garantir une réalisation sur prélèvement frais en suivant les conditions d’emploi du fabricant pour l’extraction et la lecture du résultat du test sur le dispositif d’analyse (cassette) ». Les élèves restent à leur poste pendant les 15 minutes d’attente du résultat. Si un test est positif l’élève doit être isolé pour réaliser un test RT-PCR.
« Il vous appartient de construire avec vos équipes le dispositif d’information adapté à la situation de votre établissement : affichage, envoi de mailings aux familles et élèves, valorisation sur l’ENT des pages web de référence, vidéos, affichette, etc. », acrivent MA Lévêque et E Geffray. « Les séances hebdomadaires de dépistage par autotest au sein de votre établissement seront proposées aux lycéens ayant un accord parental attesté par le formulaire, sous la supervision d’un adulte formé. Outre les personnels de santé et les encadrants formés, dont pourront faire partie des personnels volontaires de votre établissement, des médiateurs « lutte anti-Covid » supplémentaires sont en cours de recrutement par les services académiques pour renforcer vos équipes et vous aider à prendre en charge cette mission supplémentaire. »
Le ministère propose aussi un guide d’accompagnement avec des pistes pédagogiques pour accompagner la mise en place des tests.
Les personnels de direction jugent l’organisation « irréalisable »
L’organisation de ces sessions d’autotests suscite une vive opposition des trois syndicats de personnels de direction, le Snpden Unsa, ID FO et le Sgen Cfdt. « En cette période de l’année, en raison des demi-jauges en lycée, de la durée réduite du troisième trimestre, le temps est très compté et les élèves ont besoin d’être en cours. Tous les lycées ne disposeront pas, d’autre part, de locaux dédiés en nombre suffisant et des surfaces requises pour réduire au maximum la durée hebdomadaire de ces autotests. Enfin, malgré leur engagement, les personnels de direction ne trouveront pas tous parmi leurs personnels, des volontaires en nombre suffisant pour être formé à l’encadrement de ces autotests hebdomadaires. Rappelons que dans la très grande majorité des lycées, une seule infirmière est en poste pour plus de 1000 élèves », écrivent les trois syndicats. Ils calculent que pour un lycée de 1000 élèves à raison de 2 séquences de 30 minutes par classe ce sont 58 heures spécifiques qu’il faut programmer sur une semaine : « exercice irréalisable ».
Et renvoient les autotests à la maison
« En conséquence ID-FO, le SNPDEN et le Sgen-CFDT exigent que le ministère, comme il s’y était engagé, recrute des personnels extérieurs (médiateurs ou autres) en nombre pour prendre en charge cette opération dans tous les établissements… Sans cette condition sine qua non, ID-FO, le SNPDEN-UNSA et le Sgen-CFDT ne pourront que donner la consigne aux collègues qui seraient dans l’incapacité de répondre à la totalité du cahier des charges d’organiser les séances d’information pour les élèves au lycée afin qu’ils réalisent ensuite les autotests à domicile. C’est d’ailleurs ce que préconise le Conseil scientifique dans une note récente ».
La mise en place des autotests semble donc bien mal partie faite là aussi d’anticipation et de préparation. Face à l’épidémie le temps perdu ne se rattrape jamais. Mais le ministère ne l’a toujours pas compris.
François Jarraud