» Quand on aborde le « problème des banlieues », deux choses sont à prendre en compte : les faits et le système des représentations collectives. La question des banlieues renvoie à une situation réelle, objective, avec une concentration de problèmes (chômage, précarité, ségrégation, émeutes, etc.) mais elle renvoie aussi à des représentations mentales, sociales, politiques, morales… « Dans XYZep de septembre, le bulletin du Centre Alain Savary, Cyprien Avenel marque le poids des mots et des représentations dans la perception des zep. Il en profite pour s’attaquer à « l’échec » des zep. « Mais y a-t-il réellement un sens à parler « d’échec » d’une politique de la ville poursuivant des objectifs démesurés avec des moyens dérisoires (à peine 1 % du budget de l’État ? En réalité, les politiques publiques se sont montrées très timides en matière de discrimination positive territoriale. De plus, l’idée d’échec ne rend pas compte de la diversité des situations locales : dans certains contextes locaux des progrès scolaires et sociaux ont été accomplis et de façon très significative, alors que dans d’autres contextes, cela s’est dégradé. Il n’y a donc pas de fatalité. Faut-il ainsi stigmatiser « l’échec » des ZEP ou, à l’inverse, relever plus vraisemblablement l’absence d’une vraie politique ZEP en tant que telle, vu le saupoudrage des aides attribuées ? Ce n’est pas la philosophie des ZEP qui est en cause, mais bien plus le manque de précision des objectifs et la rareté des ressources face à l’ampleur des besoins ».
Ce poids des mots, Benoît Falaize, Iufm de Versailles, le sent peser sur les pratiques enseignantes à propos des enfants venus de l’immigration. » Entre le début et la fin de notre enquête (soit entre 2000 et 2003), nous avons été témoins d’une évolution dont les enseignants n’avaient, semble-t-il, pas conscience. La terminologie initiale (« maghrébins », « arabes », « issus de l’immigration », « beurs », etc.) a pris une tournure plus religieuse : tel enfant « beur » est devenu « musulman » ». Pour B. Falaize cette nouvelle catégorisation s’accompagne d’une évolution profonde des pratiques. » Aujourd’hui, nous le voyons sur le terrain, les acteurs ont tendance à revenir à une volonté d’universalisation, contre ce qui a été une différentialisation des prises en charge. Les enseignants se disent que, même si de nombreuses nationalités sont représentées dans leur classe, ce sont des enfants français. Et que la manière de leur apprendre à faire une opération de soustraction ne diffère pas tant d’une classe à une autre. Le souci de la différenciation culturelle, qui était, redisons-le, très généreux, semble s’estomper… Est-ce pour autant que l’on catégorise moins ? Ce n’est pas sûr. En cours d’histoire, notamment sur les sujets « sensibles », les catégories sont très présentes. Les enseignants disent et se disent : « je n’ai pas beaucoup de juifs dans ma classe, je vais pouvoir traiter ces questions sereinement » ou « je n’ai pas beaucoup de Maghrébins, ou de musulmans qui vont m’empêcher de faire cours sur l’islam en cinquième ». Simplement, il y a, maintenant, une volonté plus républicaine peut-être, de faire en sorte que l’enseignement validé et prescrit par des programmes soit le même pour tous… La loi sur la laïcité a marqué un tournant. Elle permet aux enseignants de dire qu’il y a une loi et qu’elle vaut pour tous : « je ne vous respecte jamais autant qu’en appliquant la loi que j’appliquerai à n’importe qui d’autre ». Peut-être, du reste, cette loi est-elle mieux appliquée par ceux qui étaient le moins prompts à la défendre… »
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