Par Alexandra Mazzilli de l’Association Aide aux Profs
Ce mois-ci, nous vous proposons de rencontrer Valérie, professeur des écoles toujours en activité et auteur de littérature de jeunesse. Elle a notamment publié Petit Boule rouge aux éditions Amaterra en 2011 (un petit chef d’œuvre pour les enfants de 3 à 5 ans, qui aide à grandir !), Plouf plouf… le roi, aux éditions Néphélées en 2013 et Ça c’est vache ! en 2014. De jolies couleurs, des textes abordables, des messages forts, c’est tout l’art de Valérie qui s’exprime dans ces albums de littérature de jeunesse. Elle nous confie ici son parcours, ses rêves et ses attentes pour le futur.
Quelles études avez-vous suivies ? Pourquoi avoir choisi le métier d’enseignant ?
J’ai suivi des études de biologie moléculaire (génétique) : j’ai obtenu un DEA de biologie moléculaire et je me destinais à travailler dans les OGM. En 1993, c’était encore trop tôt et je n’ai pas trouvé d’emploi. J’ai choisi de ne pas faire de thèse pour ne pas me bloquer encore plus dans ce domaine. Mes parents instituteurs et m’ont tannée pour que je passe le concours « au cas où ». Ce n’était pas ma vocation première, je continuais à chercher un emploi sur les OGM à l’échelle européenne mais je ne trouvais pas. Je me suis donc résolue à entrer en PE1 pour préparer le concours, j’ai passé le concours et j’ai fait mon année de PE2. C’est un milieu que je connaissais malgré tout très bien. J’ai grandi dedans et j’avais quand même une représentation précise de ce que c’était. Tout s’est bien passé mais ce n’était quand même pas ma vocation première et j’étais convaincue que cette activité serait provisoire. Après une rupture, je suis restée PE pour pouvoir m’assumer et assumer mes enfants, mes diplômes de bio devenant un peu obsolètes. En parallèle de tout cela, j’ai toujours écrit : depuis le CP, en fait ! Pour mon plaisir.
Quel a été votre parcours de carrière ?
Cette année, c’est ma 17ème année : je suis toujours restée dans la région bordelaise. Je continue de travailler à plein temps, j’ai un CP actuellement. J’ai eu la chance de toujours obtenir les postes que je demandais au mouvement. J’ai effectué mes premières années dans des écoles d’application comme « modulatrice » (décharge d’IMF). On m’a proposé de passer IMF ou Conseiller Pédagogique mais ce n’était pas mon idée. J’ai eu l’agrément d’anglais dès le début donc j’ai pu obtenir des postes fléchés, j’ai fait tous les niveaux. J’exerce mon métier avec beaucoup de sérieux au quotidien mais je ne m’épanouis pas en le faisant car je m’y ennuie intellectuellement donc j’ai souvent changé d’école ou de niveau pour me lancer à chaque fois le nouveau challenge d’une nouvelle classe. Mes illusions sur la justesse du système Education nationale autant pour l’élève que pour l’enseignant lui-même sont vite tombées au contact d’une super directrice : je sais que je vais quitter l’enseignement car je suis épuisée de devoir donner l’impression de croire en un système auquel je n’adhère pas du tout, notamment vis-à-vis des parents. Il est difficile de paraître convaincue de quelque chose qui ne nous parle pas (réformes, programmes,…). En 17 ans, j’ai connu plusieurs grandes réformes et un nombre incroyable de changements de programmes. Je suis fatiguée d’un système qui n’est plus crédible.
Quels grands projets pédagogiques avez-vous menés ?
J’ai réalisé énormément de projets pédagogiques autour de la littérature de jeunesse. Par exemple, j’ai essayé de faire écrire mes élèves, de fabriquer un livre numérique notamment. Je lance toujours des projets fédérés autour de la littérature de jeunesse bien que multidisciplinaires. Et pourtant je suis scientifique de formation !
Comment êtes-vous arrivée à l’écriture? Et plus particulièrement à la rédaction d’albums et d’ouvrages pour la jeunesse ?
J’ai toujours écrit depuis que je sais écrire. Et j’ai écrit plein de choses différentes car je ne trouvais pas mon style, sans jamais rien oser proposer à des maisons d’édition. Dans les premières années de ma carrière, alors que j’étais en train de présenter un album à des élèves de CM1, j’ai eu un déclic : mon créneau, c’était la littérature de jeunesse. Je n’avais jamais rien osé envoyer aux éditeurs mais j’ai fini par me lancer. Ma première parution date de mars 2010, dans le magazine La Classe (qui propose des textes avec leurs exploitations pédagogiques). Cela fait vraiment quatre ans maintenant que je me suis lancée dans cette aventure.
L’album Petite boule rouge est sorti en parution papier, c’est un album réalisé avec une illustratrice québécoise rencontrée sur Internet. Je ne savais pas dessiner, il me fallait donc trouver une collaboratrice. J’ai écrit aussi deux albums numériques qui ont été publiés, puis deux autres albums papier. Et j’ai également à mon actif des parutions presse journalistiques dans La Classe et dans Dauphin (une revue belge pour les écoles primaires). Récemment, je viens de signer un contrat pour un nouvel album papier.
Souhaitez-vous quitter l’école pour vous reconvertir définitivement et entièrement dans l’écriture et vivre de votre passion ?
Dans l’idéal, je ne voudrais faire que de la littérature. Mais financièrement pour l’instant, c’est impossible : pour chaque livre, j’ai une illustratrice, il me faut donc partager avec elle les recettes. Or, auteur et illustrateur passent en dernier lieu dans la chaîne de l’édition. Les pourcentages sont très faibles dans l’édition. Je souhaiterais faire des animations dans des classes ou en médiathèques mais pour l’instant je suis en classe à plein temps, je ne peux pas me libérer facilement. L’idée, c’est de me mettre à mi-temps dans deux ans pour me libérer du temps pour écrire et aller dans les classes. A long terme, je souhaite quitter l’enseignement. Je garde malgré tout un excellent contact avec les enfants et ce public que je connais très bien. Il est difficile de demander des disponibilités pour ce genre d’activités (réaliser des animations en classe, en médiathèques), surtout que les enseignants sont soumis à une clause de non concurrence. Mon idée de reconversion ne m’a absolument jamais quittée. Je suis rentrée dans l’enseignement, en me disant que de toute façon, je n’y resterai pas, éventuellement que je ferais prof de fac.
Quelles démarches avez-vous menées pour réussir à vous faire publier ?
J’ai passé un bilan de compétences que j’ai payé de ma poche, bien évidemment. A partir du moment où j’ai laissé entendre que ce n’était pas pour me reconvertir dans l’Education Nationale, les portes se sont refermées autour de moi. J’ai donc préparé seule le concours d’entrée à l’école de journalisme de Bordeaux : j’ai pris contact avec des journalistes pour connaître le terrain. Mais ils m’ont dit de faire attention… J’aurais étais une « senior avec expérience de débutante », la presse écrite en difficulté, cela aurait été très compliqué pour moi de réussir dans ce créneau. J’ai ressenti une immense déception lorsque j’ai compris que cette piste n’était pas raisonnable. Tout le monde m’a conseillé de ne pas rentrer à l’école et de faire des piges. J’ai laissé tomber en développant mon projet d’auteur jeunesse. Ma reconversion est dans le monde de l’écrit, quoiqu’il arrive.
Forte de votre expérience d’écrivain, comment menez-vous vos séances de productions d’écrits avec les élèves ?
En réalité, quand j’écris un livre je ne fonctionne pas de la même façon mais les élèves ont le blocage de la page blanche : en classe, je pars de personnage. Je travaille des personnages. Ca marche très bien. Nous nous posons des questions : que font-ils dans la vie ? Quel sont leur(s) problème(s) ? Comment se connaissent-ils ? Quelles relations entre eux ? Comment se rencontrent-ils ? Je les guide énormément sur l’invention d’un ou deux personnages (carte d’identité) et sur les relations qui peuvent les lier. Ensuite les enfants arrivent à démarrer. Chez les cycle 3, souvent, je fournis une entame de texte. Ca fonctionne bien, c’est facilitateur. Mais il faut guider les élèves quand même car certains continuent de partir dans tous les sens.
Quelles compétences pensez-vous avoir acquises dans l’enseignement et lesquelles vous semblent transférables dans le cadre d’une reconversion ?
Je pense avoir une excellente connaissance de mon public. Je connais très bien ma cible, les lecteurs, les centres d’intérêt et les capacités de lecture d’un enfant de tel ou tel âge. Pour l’instant, il y a le lien à l’enfant : ça m’aidera pour mes futures rencontres scolaires. Dans l’écriture elle-même, il n’y a rien de particulier, ce n’est pas l’école qui m’a aidée à développer ces compétences. Mon plus, c’est vraiment la connaissance des enfants. Je suis capable de me mettre à la portée de mes élèves, de mes lecteurs.
Avez-vous suivi un apprentissage, une formation pour vous perfectionner ?
J’avais envisagé de suivre des formations sur la littérature de jeunesse. Mais elles se passent à Paris en temps scolaire donc cela reste impossible pour l’instant. J’y viendrai mais pour l’instant je n’en ai pas fait. Ce sont plus des formations administratives, qui abordent des thèmes comme savoir gérer ses droits d’auteur, des formations à contenu juridique. Une formation qui m’intéresserait, c’est celle qui permet d’apprendre à passer d’un album à un scénario de dessin animé. Par ailleurs, je suis membre de la charte des auteurs et illustrateurs jeunesse à Paris (c’est une sorte de syndicat).
Combien de temps consacrez-vous à votre projet à côté de l’école ?
J’ai gardé de mes études une très grande capacité de travail. Pour ma classe, je travaille énormément entre midi et deux et un peu le soir. J’ai la chance d’être efficace et des facilités au bout de 17 ans. Je consacre deux heures par jour d’école à mon métier d’auteur jeunesse, en plus de ma classe que je néglige pas, bien sûr, loin de là.
Le week-end, j’écris beaucoup. La face cachée, tout ce qu’on ne voit pas, c’est l’envoi de manuscrits aux éditeurs, les recherches sur Internet pour cibler exactement la ligne éditoriale de l’éditeur, la recherche d’informations en amont qu’il faut mener.
A cela se rajoute la phase effective de présentation du projet, une fois que toutes ces recherches sont faites. C’est chronophage. Tout cela prend beaucoup plus de temps que le temps effectif d’écriture ! Heureusement, de plus en plus, nous pouvons envoyer nos projets par e-mail. Mais les éditeurs répondent rarement quand c’est non. Ils ne donnent jamais de nouvelles. Les délais sont colossaux dans les comités de lecture sauf dans les petites maisons d’édition. Il faut au moins trois mois avant que le manuscrit arrive à destination et soit étudié. Le marché de la littérature de jeunesse est saturé. C’est une jungle. Je l’ai découvert, je ne le savais pas. Le réseau aide beaucoup. Il faut d’ailleurs être très présente sur les réseaux sociaux.
Il y a aussi le temps passé dans les salons, les dédicaces,… Mais ça, c’est génial car j’ai toujours très envie de rencontrer mes lecteurs, surtout que pour l’instant je n’ai pas encore le créneau des rencontres scolaires. Il n’y a aucune intention pédagogique dans aucun de mes albums. Pourtant, on m’a fait remarquer que mon album Petite boule rouge avait une visée « formatrice » : c’est l’histoire d’une petite boule qui ne sait pas rouler car elle n’a jamais appris. Elle rencontre un grand ballon bleu qui la rassure (l’adulte). Puis une boule verte, à qui elle apprendra à son tour à rouler. Tout cela est juste venu d’une erreur de prononciation dans ma classe (jeu sur les sonorités) ; le soir dans mon lit, je me suis demandé : qu’est-ce que je peux écrire à partir d’une petite boule rouge ?
Quelles sont les principales difficultés que vous rencontrez dans cette reconversion/seconde activité professionnelle (aspect financier, vacances, mobilité géographique,…) ?
Quelque chose qui me touche, c’est l’arrêt de la commercialisation d’un de mes albums. Il n’’est plus en librairie. Les auteurs sont très dépendant des choix éditoriaux des éditeurs. Ces derniers choisissent parfois de s’en séparer même si le livre a bien marché, c’est ce qui se passe avec Petite boule rouge. Pour moi, c’était inenvisageable que mon livre parte au pilon. J’ai donc racheté tout le stock. Et je l’écoule. J’espère qu’un autre éditeur pourra le rééditer. Je ne pourrais le faire que lorsque j’aurais écoulé tout le stock.
J’ai tenté l’expérience de la publication numérique mais je suis très contente que l’un des deux opus ait été réillustré puis publié en papier : il s’agit de « Ca c’est vache ». C’est un album qui marche très bien dans le sud-ouest. L’éditrice québécoise a fait le choix de travailler avec Amazon, de ne pas prendre un éditeur en France car il aurait pris sa commission. Mais aller présenter un livre édité par Amazon, ce n’est pas forcément très facile.
En tant qu’instit, j’ai un autre frein : il est très délicat de parler de mes livres en milieu scolaire et de faire de la « pub ». Je n’ai pas le droit de faire de la pub, du commerce. C’est très compliqué.
Que conseilleriez-vous à un enseignant qui souhaite réaliser une mobilité professionnelle hors de l’enseignement ?
Il faut se lancer en sachant que le chemin est difficile, semé d’embûches. J’ai persisté huit ans à demander à l’Education Nationale un bilan de compétences. Il faut savoir qu’il ait beaucoup plus facile de rentrer dans l’Education Nationale que d’en sortir. Le frein à ma reconversion définitive est surtout financier pour moi. Mais je ne lâcherai jamais le morceau. Il faut être optimiste mais tout est fait pour qu’on ne soit pas encouragé à partir. Il faut foncer mais prendre des conseils ailleurs, élargir son horizon, aller voir la « vraie » vie, même si je n’aime pas trop ce terme. On a une position très particulière dans la société. Il me paraît important de découvrir le monde du privé, voire de prendre appui sur le monde du privé, le monde de l’extérieur.
Quand on est dans quelque chose qui nous passionne, on ne compte plus ses heures, on ne les voit plus passer. Et on est moins fatigué ! Je sais que je serai moins fatiguée lorsque j’aurais quitté la classe car il y a une véritable usure psychologique dans l’Education Nationale.
Aujourd’hui, quel regard portez-vous sur l’école de la République ?
Je suis convaincue que dans sa forme actuelle, l’école de la république n’apporte pas de solutions satisfaisantes : nous avons besoin d’une refonte en profondeur du système éducatif. J’y crois encore mais il faut qu’elle se restructure complètement pour retrouver le panache qu’elle avait y a cent ans, une aura dont le pays était réellement fier. On peut retrouver ça mais ça passe par une grande réforme structurelle. A priori, nous n’en prenons pas vraiment le chemin…
Son site : http://valeriedelatorre.blogspot.fr/
Pour la contacter : valeriedelatorre@free.fr
Facebook : https://www.facebook.com/pages/Val%C3%A9rie-de-la-Torre/252754814873585
Cette fois, c’est avec un photographe de talent que nous vous invitons à faire connaissance. Il s’agit de Benoit Hogedé, ancien enseignant de sciences, qui a décidé de se réaliser pleinement en faisant de l’une de ses passions une activité professionnelle à part entière. Il nous offre un regard lucide sur un parcours professionnel fascinant !
Quelles études avez-vous suivies ?
Après mon bac (j’avais des facilités en mathématiques), j’ai suivi un cursus à l’école d’ingénieur des Arts et Métiers de Lille, de 1993 à 1998.
Pourquoi avoir choisi le métier d’enseignant ?
Suite à cette école d’ingénieur, nous avons l’opportunité de devenir ingénieur dans le domaine industriel ou alors de choisir une activité professionnelle en lien avec le métier d’ingénieur bien sûr, mais proposant une autre approche. J’ai choisi d’enseigner en école d’ingénieur car les expériences professionnelles (stages) que j’avais connues pendant mes études ne m’avaient pas convaincu que je réussirais à m’épanouir dans ce métier d’ingénieur. J’avais déjà besoin à l’époque d’avoir un contact avec les gens, en l’occurrence les étudiants.
Quel a été votre parcours de carrière ?
J’ai pas mal bougé en tant qu’enseignant. Je suis restée enseignant de 98 à 2010. J’ai d’abord été enseignant en sciences de l’ingénieur sur Lille et en maths appliquées en école d’ingénieur. Puis j’ai enseigné en lycée où ma discipline de prédilection était l’étude des constructions et les sciences de l’ingénieur. En 98, quand on avait un diplôme d’ingénieur en sortant d’une grande école, on pouvait être considéré comme maître auxiliaire ou délégué rectoral dans le privé. J’avais un statut d’assimilé, c’est-à-dire que j’avais la même rémunération que si j’avais obtenu un concours de l’enseignement mais sans la sécurité de l’emploi (j’avais un statut de contractuel). J’ai quand même décidé de passer le concours, un CAFEP-CAPET en étude des constructions. Je suis originaire de Dunkerque dans le Nord. J’ai toujours beaucoup navigué en kite et en voile, je suis donc revenu habiter sur Dunkerque au bord de la mer pour enseigner en lycée.
A partir de 2006, on a appris qu’il y avait des restructurations au niveau de l’Education Nationale qui consistaient notamment à supprimer des matières techniques. L’Etude des constructions était amenée à disparaître peu à peu. On m’a fait comprendre que mon poste allait disparaître. Je n’avais pas beaucoup de solutions : soit je me réorientais pour enseigner la technologie en collège, soit je décidais de me reconvertir pour faire autre chose. Ce n’est donc pas une démotivation face aux élèves qui m’a poussé à me reconvertir. J’avais toujours été passionnée de photographie et dès 2008, j’avais déjà pris la décision de commencer à travailler en photographie. L’objectif dès le début était de voir si je pouvais commencer à engrener un peu de chiffre d’affaire et de voir si je possédais l’œil et la fibre artistique nécessaires à un tel projet, en plus de la technique. J’ai donc vécu une période de transition entre 2008 et 2010 en même temps que je finalisais ma sortie de l’Education Nationale. Depuis 2010, je ne vis plus que de la photographie. Ca marche suffisamment pour que je puisse en vivre comme une activité professionnelle classique. C’est un réel bonheur : depuis tout gamin j’ai une fibre artistique forte. Certes, j’avais des facilités en mathématiques, d’où mon cursus mais toute cette partie de moi qui ne s’exprimait qu’en maths faisait que je n’étais pas totalement « réalisé ».
Quelles démarches avez-vous menées pour réussir votre reconversion ? Avez-vous suivi un apprentissage, une formation pour vous perfectionner ?
J’ai demandé une disponibilité durant l’année scolaire 2010/2011 pour réfléchir sur la plausibilité de mon projet. Je n’ai rien touché financièrement pendant cette année. Je me suis formé réellement et parallèlement j’ouvrais mon entreprise en 2010.
Je suis un autodidacte. Je n’ai pas passé de concours. J’ai tout appris sur le tas à l’aide notamment d’échanges avec d’autres photographes. Le web permet des interactions intéressantes. J’ai appris avec un Américain de Cincinnati, un canadien, et avec des formations payantes prises en ligne. J’ai utilisé aussi des livres, des tutoriels. Je m’informais au fur et à mesure sur des exigences particulières que je pouvais avoir, sur le cadrage ou la lumière. Ca faisait déjà un moment que j’étais dans le circuit de la photo. Je me suis spécialisé dans deux secteurs : celui du particulier et celui de l’entreprise. J’ai aussi rajouté un créneau en vidéos. Pour les particuliers, je propose des séances en studio, des portraits artistiques (mode, grossesse, nourrisson, scènes familiales, …). Je fais quelques mariages aussi. Pour les entreprises, je réalise des photos publicitaires, des plaquettes, des films de type corporate et des prises de vue pour les sites web, toujours avec un caractère artistique, un cadrage particulier,… En plus de tout cela, je travaille pour l’immobilier : je prends des photos pour des agences immobilières, je crée des visites virtuelles en haute définition, je publie dans les magazines immobiliers. J’ai également la chance de travailler en tant qu’intervenant extérieur dans un établissement scolaire pour encadrer des jeunes dans l’élaboration d’un journal télévisé. C’est un peu comme un retour aux sources car j’essaye de transmettre ma passion pour la photo et la vidéo aux élèves.
En 2011, j’ai officialisé ma démission définitive. Ca a été une démarche de deux ans pour réussir à obtenir mon IDV (Indemnité de Départ Volontaire). C’est une opération très compliquée à obtenir quand on est auto-entrepreneur.
Quelles compétences pensez-vous avoir acquises dans l’enseignement et lesquelles vous semblent transférables dans le cadre d’une reconversion ?
C’est plutôt le quotidien du métier d’enseignant qui importe lorsqu’on veut se reconvertir. Le fait même d’exercer le métier d’enseignant : nous sommes beaucoup au contact des élèves, nous connaissons une véritable proximité et ouverture vis-à-vis d’eux et de leur énergie. Nous sommes sans cesse en questionnement face à eux : comment chaque individu est, quelle est sa problématique, son parcours quand il rentre dans la classe… D’avoir cette sensibilité, c’est essentiel dans mon métier de photographe. C’était quelque chose d’important quand j’exerçais en tant qu’enseignant, j’étais très à l’écoute, et aujourd’hui, je suis toujours très centré sur la façon dont les gens qui viennent me voir appréhendent la séance ou la demande. Il me faut aller chercher l’émotion chez l’autre pour réussir une photo et c’est exactement ce que j’essayais de créer pédagogiquement : faire en sorte que la personne se sente bien, soit pour apprendre (j’ai toujours été très proche de mes élèves), soit pour se détendre face à l’objectif. Il y a une réelle synergie entre ces deux pans là. Comme je l’ai toujours fait en classe, j’ai pu le reproduire de façon professionnelle dans la photo. Mon objectif : qu’il y ait toujours une valeur ajoutée à ma création.
Comment se sont passés vos débuts dans la photo ? Comment vous êtes-vous fait connaître et comment avez-vous pu acquérir une clientèle suffisante pour vous permettre d’en vivre ?
J’ai travaillé sur plusieurs plans : tout d’abord, j’ai cherché à me faire connaitre au niveau local, en créant un site web avec un bon référencement (c’est un incontournable, c’est essentiel pour réussir), des cartes de visite en passant par une société de communication qui m’a aidé à définir mon identité visuelle. Bien sûr, allant de pair avec ça, j’ai créé une page Facebook professionnelle. Je fais beaucoup de communication marketing sur le web. C’est essentiel en 2014 ! En même temps, j’ai travaillé mon réseau : le bouche à oreille aussi est très important ! Ca aide à se faire connaître, j’ai appris à échanger avec d’autres entreprises, je travaille avec des boites de communication, on se donne du travail les uns les autres.
Quelles sont les principales difficultés que vous rencontrez dans cette reconversion/seconde activité professionnelle ?
J’essaye de toujours avoir une pensée positive. Même en cas d’échec temporaire, je me dis toujours que je vais réussir, que ça va marcher. Il y a aussi une part de chance : j’ai toujours rencontré les bonnes personnes au bon moment. Je ne regrette absolument pas mon choix même si parfois ce n’est pas facile. Quand on est enseignant, on a la sécurité de l’emploi mais comme m’a dit un jour mon père : « L’enseignement mène à tout à condition qu’on en sorte ». Désormais, j’ai la liberté, c’est sûr, par contre il faut que je me crée mes revenus et mon activité moi-même.
Que conseilleriez-vous à un enseignant qui souhaite réaliser une mobilité professionnelle hors de l’enseignement ?
Je lui conseillerai de bien étudier la faisabilité de son projet. On est en 2014 dans une conjoncture compliquée, pas très bonne, même si je n’aime pas parler de crise. Il faut avoir beaucoup de disponibilité car je ne compte pas mes heures même si la liberté permet de m’organiser comme je le veux pour profiter à maximum de ma famille notamment. J’ai acquis de la liberté, ça n’a pas de prix mais au début du mois quand on n’est pas salarié, on n’a rien, zéro euro ! C’est un autre stress. Il est important de prendre son temps, d’avancer dans la douceur. Je conseillerai aux personnes qui veulent se lancer de commencer pendant qu’on enseigne encore. Enfin, il faut être proche de son client. Avant, on disait que le client était roi, aujourd’hui on peut dire qu’il est empereur. C’est donc mon dernier conseil : rester à son écoute toujours en étant très professionnel. Il faut se centrer sur le client, c’est très important car c’est lui qui véhicule votre image de marque et sa satisfaction vaut tout l’or du monde tout d’abord au niveau humain puis ensuite au niveau professionnel.
Aujourd’hui, quel regard portez-vous sur l’école de la République ?
Je porte un regard qui n’est pas très positif. Il y a de très bonnes idées en interne, dans les établissements scolaires, qui n’arrivent pas à émerger car les têtes pensantes scient la branche sur laquelle le corps éducatif est assis sans qu’il ne puisse rien y faire. En interne on a les ressources, les compétences et les idées. On a également une excellente vue du terrain, des besoins, des nécessités. C’est un peu comme si on avait de bons officiers de terrain dans l’armée mais des commandants inaptes et loin des opérations au-dessus. Le fonctionnement de l’Education Nationale est descendant alors qu’il devait être ascendant. Je garde néanmoins de très bons souvenirs de mes années d’enseignement, j’avais notamment de très bonnes relations avec mes collègues, mes élèves, mes directeurs, et ce fut pour moi des années professionnelles merveilleuses. Mais il y a trop de dysfonctionnements : chaque politique veut imprimer sa marque et les gamins en pâtissent au bout du compte. Les profs également…
Son site : http://www.benoithogede.com/Accueil.html
Pour la contacter : http://www.benoithogede.com/particulier/contact/
Facebook : https://fr-fr.facebook.com/photo.video.dunkerque
Alerter le Ministère sur la souffrance des enseignants au travail et les projets de mobilité professionnelle, c’est l’objectif du premier colloque de l’association « Aide aux Profs » le mercredi 18 juin 2014.
Plus de 110 enseignants sont attendus le matin et l’après-midi à la Bourse Centrale du Travail, 3 Rue du Château d’Eau dans le 11e à Paris (métro République). Parmi les intervenants : Georges Fotinos, José Mario Horenstein, Laurence Bergugnat Josette Théophile et Robert Stahl. L’après-midi Rémi Boyer présentera deux solutions de reconversion professionnelle rapides pour des enseignants motivés. Des enseignants qui ont réussi une reconversion viendront témoigner ce jour-là.
Plus d’informations ici :
http://aideauxprofs.org/UserFiles/AAP_Colloque_18.06.2014_Reservations_.pdf
Sur le site du Café
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