Ni la question du statut des directeurs d’école, ni la réforme du lycée professionnel ont entrainé de modification notable des équilibres syndicaux, explique Laurent Frajerman, chercheur associé au Cerlis. Cependant, il note le recul du taux de participation et la baisse des syndicats « de service » au profit d’organisations davantage dans le conflit d’idées.
On observe un recul du taux de participation aux élections professionnelles. Cela affaiblit-il les syndicats ?
Ce n’est pas un message de bonne santé ! Cela montre qu’avec ce mode de scrutin, la participation ne peut pas progresser. Cela montre aussi que le lien entre les syndicats et leur base est plus faible qu’avant. En fait, c’est la couronne la plus proche d’eux qui a voté. Mais on a vu aussi lors de grandes grèves, comme celle du 13 janvier 2022, que les syndicats gardent une influence certaine.
Ce recul du taux de participation reflète-t-il la perte de pouvoir des syndicats depuis la loi de transformation de la Fonction publique ?
La covid a aussi joué un rôle. Le syndicalisme est aussi un lien social que le confinement a fragilisé. La loi de transformation de la Fonction publique a rendu moins efficace le syndicalisme de service, une caractéristique du syndicalisme enseignant. Justement, on constate un recul plus ou moins accentué des syndicats qui portent ce modèle, la Fsu et l’Unsa. S’il n’y a pas d’effondrement, cela devrait les pousser à travailler davantage le terrain. Ils doivent aller au-devant de la base.
Globalement, on assiste à un net recul de l’Unsa et du Sgen Cfdt et à une baisse moins importante de la Fsu au bénéfice de la Cgt, du Sne Csen et d’une certaine manière de Sud (qui entre au CSA). Assiste-t-on à une montée des extrêmes ou à une diversification syndicale ?
Pour moi, il y a surtout stabilité. On assiste à un renforcement de la Cgt probablement suite au projet de réforme des lycées professionnels où ce syndicat est bien implanté. On a aussi un renforcement du pôle Cgt Sud qui est rendu visible, car Sud reprend un siège au Csa. Mais le déplacement reste modeste : quelques milliers de voix.
Quelle évolution observe-t-on dans le 1er degré ? La question du statut des directeurs d’école a-t-elle joué un rôle ?
On voit peu de bouleversements et finalement cette question n’a pas joué un grand rôle. Les deux syndicats qui se sont investis dans cette question (Unsa et Sgen Cfdt) reculent. Le Sne fait une petite percée. Si la loi Rilhac a été conçue comme un outil pour affaiblir les syndicats les plus combatifs, c’est loupé !
Dans le second degré, il est plus difficile d’estimer les évolutions, car les différentes CAPN font place à une seule. Voyez-vous une évolution ?
La CAPN du 2d degré conforte le paysage connu. La Fsu est loin devant la seconde organisation avec 9 sièges. La seconde organisation est Fo avec 2 sièges. Au sein des réformistes, l’Unsa est devant le Sgen Cfdt. Des organisations revendicatives ont 2 sièges, comme le Snalc, la Cgt et FO. Au final, si le ministère veut faire passer une réforme, il va rencontrer une forte opposition.
L’Unsa sort renforcé dans les corps d’inspection et de direction. Cette évolution des cadres, à contre-courant de celle des enseignants, vous inspire quelle lecture ?
On est vraiment chez les cadres dans un syndicalisme qui relève des associations professionnelles avec un fort taux de syndicalisation. Le syndicat est en position dominante, ce qui en fait l’organisation « naturelle » pour les services rendus aux personnels. Mais ils représentent bien aussi la mentalité des deux corps qui est très différente de celle des enseignants avec un fort principe hiérarchique, l’idée de servir l’État. Cela ne les empêche pas de savoir aussi porter la contestation. Les cadres sont plutôt de centre gauche. Ils respectent les valeurs de la République et la hiérarchie. Mais cela ne signifie pas qu’ils soient néo libéraux.
Propos recueillis par François Jarraud