Les résultats des évaluations nationales de CP, Ce1 et 6ème , conçues et organisées par l’Éducation nationale, plaident guère en faveur de la politique éducative menée sous le premier quinquennat Macron et poursuivie sous le second. Si les résultats sont meilleurs à l’entrée en CP, ils baissent à l’entrée en Ce1 en 2022 par rapport à 2021. En 6ème on observe une nette chute aussi bien en français qu’en maths pour la génération qui a connu les premiers dédoublements.
Des élèves mieux préparés au test en maternelle
Que dire d’évaluations où l’Éducation nationale s’autoévalue et où le politique s’invite pour commenter les résultats, d’évaluations où certains exercices sont changés d’année en année, interdisant toute comparaison ? Rien ne peut remplacer les évaluations internationales qui, jusque-là ne plaident pas en faveur des politiques éducatives menées par la rue de Grenelle. Se pose aussi la question de la normalité des résultats. Alors que les politiques commentent longuement la moindre variation de pourcentage il n’y a aucun commentaire sur l’énormité du taux d’échec en Rep+ et même du taux moyen.
En CP, à la rentrée 2022, 81% des élèves connaissent le nom et le son des lettres, 82% savent manipuler des syllabes et 83% des phonèmes. Ces résultats sont légèrement meilleurs (de 0.5 à 1%) qu’à la rentrée 2021. Et le ministère s’en félicite. Nous y voyons plutôt une progression dans la préparation aux tests en maternelle, sans que cela soit forcément un progrès. Un tiers des enfants a encore du mal à comprendre des mots à l’oral ou à résoudre un problème.
Baisse des résultats en CE1
En CE1, « on observe une baisse des résultats pour les exercices écrire des mots et lire à voix haute des mots » (-2 à -3%). « Pour le reste, les résultats sont stables sou en légère baisse. En maths, « on observe une stabilité des résultats sauf pour l’exercice « lire des nombres entiers » pour lequel on observe une baisse de 1.5 points ». On n’a pas de comparaison possible pour la résolution de problèmes car les exercices ont été modifiés.
Les écarts de genre sont déjà là avec des filles meilleures en français et les garçons en maths. Pour additionner par exemple, un point majeur du plan maths, 67% des garçons ont un niveau satisfaisant et seulement 53% des filles. Une fille sur deux ne sait pas bien additionner en ce1 et un tiers des garçons.
Les inégalités sociales maintenues
On sait où se trouvent ces élèves qui échouent. En rep+ seulement 57% des élèves savent lire à voix haute des mots de façon jugée correcte contre 73% hors éducation prioritaire et 81% dans les écoles privées. 47% seulement ont un niveau correct en résolution de problème en rep+ contre 70% en école publique hors éducation prioritaire et 76% dans les écoles privées. Il semble que l’on soit encore très loin, et même plus loin, après 5 années de réforme Blanquer en ce qui concerne la promesse du « 100% de réussite »… « En CE1, entre 2021 et 2022, les écarts de performances entre les élèves du secteur public hors EP et ceux scolarisés en EP varient peu (de -0,3 point à +0,6 point) à l’exception de l’exercice « comprendre des phrases lues seul » dont l’écart augmente de près d’un point (+0,9 point)… Entre 2019 et 2022, les écarts augmentent plus significativement en français pour les domaines suivants : « écrire des syllabes », « lire à voix haute des mots » et « comprendre un texte lu seul » (respectivement 1,6 point, 1,5 point et 1,7 point) entre les élèves du secteur public hors EP et ceux scolarisés en EP. Le même constat peut être fait pour les mêmes domaines et dans les mêmes proportions entre les élèves du secteur public hors EP et ceux scolarisés en REP+.
En mathématiques, les écarts de performance dans les domaines comparables ne sont pas significatifs (de –0,1 à +0,5 entre hors EP et EP ; de –0,4 à +0,5 entre hors EP et REP+). »
Chute des résultats en 6ème
En 6ème, le score moyen en français passe de 261 en 2020 et 2021 à 256 en 2022. « Les élèves accueillis dans les établissements publics appartenant à un REP+ ont des difficultés particulièrement marquées : ils sont 53,7 % à appartenir aux deux groupes de bas niveaux, soit 27,7 points de plus que ceux scolarisés dans le secteur public hors EP. La baisse des performances constatée en 2022 par rapport à 2021 touche tous les secteurs de scolarisation de façon comparable, y compris le privé ». Les disparités sont très fortes selon l’IPS des collèges : 277 pour le groupe d’IPS 1 et 234 pour le groupe 5.
En maths, globalement, les écarts de réussite, liés également au niveau social, se sont renforcés tout au long du premier quinquennat. « Au niveau national, en début d’année scolaire 2022-2023, le score moyen est stable (253,3 points en 2022 pour 253,5 points en 2021). La part des élèves dans les bas niveaux (groupes 1 et 2) (32,5 %) est comparable à celle observée en 2021. Il en va de même concernant la part des élèves dans les hauts niveaux (groupes 5 et 6) (31,4 % en 2022). Sur la période 2017-2022, la part des élèves dans les bas niveaux a légèrement augmenté, passant de 30,8 % à 32,5 % (+1,7 point). Dans le même temps, la proportion d’élèves dans les hauts niveaux a connu une hausse plus importante, passant de 28,2 % à 31,4 % (+3,2 points) ». L’écart selon le profil social des collèges est important : 276 pour le groupe IPS 1 et 227 pour le groupe 5.
Pas d’effet positif pour les dédoublements
Ce recul de performance mérite d’être souligné, car les élèves qui entrent en 6ème à la rentrée 2022 sont les premiers qui ont connu les dédoublements en CP en 2017. Certes, en 2017 tous les CP n’avaient pas été dédoublés et on ne peut pas généraliser. Mais cette première indication sur l’effet durable des dédoublements est nettement négative. Rappelons que cette mesure est couteuse et a remplacé, sans évaluation, les « plus de maitres que de classes ».
Des évaluations inutiles pour la moitié des enseignants
Ajoutons un dernier aspect à propos de ces évaluations. En 2022, il n’y a encore que 57% des enseignants de Ce1 qui estiment que cette évaluation les aide à déceler les difficultés de leurs élèves. Pour la moitié des enseignants, 5 années après avoir imposé ces évaluations, elles ne servent pas à grand-chose.
François Jarraud