Par Françoise Solliec
Depuis 5 ans, nombre d’experts estiment que les données chiffrées présentées par le Ministère de l’éducation nationale (DEPP) servent davantage la communication du ministre que l’information fiable du public et que cette information est loin d’être complète. Comment attirer l’attention sur ce problème et mettre en place un dispositif qui produise les données fiables nécessaires à un débat pluraliste sur le système éducatif ? Le collectif des « Déchiffreurs de l’éducation » invite à revoir le programme des productions de la Depp pour prendre en compte des problématiques actuelles comme les inégalités dans le système éducatif, l’assouplissement de la carte scolaire ou les conséquences de la réforme du bac pro.
Rassemblés depuis quelques mois dans un collectif de personnes, de syndicats et d’associations (dont le Café pédagogique), les déchiffreurs de l’éducation veulent garantir l’existence d’évaluations et de statistiques fiables et publiques sur le système éducatif.
La réunion du 10 mai avait pour objet d’énoncer quelques principes à l’attention du futur ministre de l’éducation et de ses services, y compris pour l’enseignement supérieur.
Après une brève introduction de Daniel Blondet, ancien chargé de mission à la DEGESCO, Philippe Watrelot, président du CRAP-Cahiers pédagogiques a rappelé les raisons de la création du collectif, dont les travaux sont rapportés sur un blog hébergé par les Cahiers pédagogiques. Il estime que même avec un nouveau gouvernement, ce blog conservera son utilité, car il est construit dans une logique de contre-pouvoir et de vérification et sera fort utile dans un débat qui est loin d’être terminé.
Pour Jean-Claude Emin, la création du collectif résulte effectivement de la convergence de nombreuses préoccupations. La CGT, par exemple, travaille depuis longtemps sur les conditions de travail des personnels de l’administration centrale, l’association des journalistes de l’éducation, qui soutient le collectif, s’est constituée pour lutter contre la politique de désinformation menée par le cabinet et le ministre.
Depuis 5 ans, on note selon lui un blocage systématique des chiffres (rétention des rapports sur la carte scolaire) et des rapports d’évaluation à méthodologie douteuse. Les chiffres publiés l’ont été dans un souci de communication, ce qui fausse et dévalorise le travail des personnels qui les ont produits.
Il lui paraît important de garantir à l’avenir une autonomie scientifique et une autonomie par rapport aux responsables politiques. Ainsi, il propose qu’un programme de travail soit publié, sous la responsabilité d’un conseil scientifique, en fonction des besoins et non des demandes.
Par ailleurs le service des statistiques devrait être opérateur pour les enquêtes internationales et il ne devrait y avoir qu’un seul service pour le scolaire et l’enseignement supérieur.
Les participants à la réunion ont évoqué plusieurs questions. Concernant les évaluations de CM1, jugées « non fiables » et « instrumentalisées » le collectif se réjouit de la décision annoncée par Vincent Peillon. Il faudra revenir sur les chiffres des décrocheurs, ainsi que sur la constitution et l’exploitation des bases élèves. Dans le programme de travail, ou de diffusion lorsque les études ont déjà été réalisées, devraient figurer en bonne place des informations sur les conséquences de la réforme du bac pro et celles de l’assouplissement de la carte scolaire. Enfin les conclusions de Pisa amèneront certainement à mettre en place un dispositif d’évaluation de la mixité scolaire et sociale et à proposer des solutions pour le nombre croissant d’élèves en difficultés.
Sur le blog, l’article du 11 mai intitulé « Parlons du changement » précise les conditions à réunir pour que les services statistiques du ministère puissent remplir correctement leur rôle de producteurs d’informations, informations qui doivent tout naturellement être mises à disposition des chercheurs.