Les
philosophes Paul Ricoeur et Monique Canto-Sperber éclairent à leur tour le
débat sur le voile dans Le Monde du 10 décembre. « La laïcité, c’est
l’engagement de garantir à chacun la possibilité de s’émanciper de ses
appartenances et de ses origines. L’école peut conduire l’enfant à un tel
affranchissement, non l’exiger de lui au départ. L’école… n’a pas pour
fonction de refléter la société, mais d’affirmer ses propres normes. Mais
ces valeurs qui la distinguent du monde extérieur, elle doit les mettre en
œuvre par son mode de fonctionnement, non par des conditions d’entrée.
L’école donne l’expérience concrète des valeurs du dialogue et de la
connaissance, libres de toute autorité religieuse. C’est une telle
expérience qui forme les esprits à la laïcité, plus efficacement qu’une
obligation préalable souscrite sans adhésion aucune ». Avec un brin
d’ironie, les philosophes démontent les peurs liées au foulard et démontrent
l’impossibilité de son application. Pour eux, le maintien à l’école, même en
portant le voile, est la condition de la liberté des filles. « Dans
l’enceinte scolaire, le principe de la non-discrimination entre fille et
garçon est fondateur. Le foulard y porte directement atteinte. Peut-on
déduire de ce constat qu’il faut l’en bannir ainsi que les filles qui le
portent ? L’école n’est-elle pas le lieu où ces jeunes filles pourront faire
l’expérience de l’égalité entre filles et garçons ? Le foulard les
stigmatise comme femmes, mais les professeurs et les autres élèves les
traitent comme égales. Ce seul rappel suffit à convaincre qu’il est d’autant
plus nécessaire qu’elles suivent le même enseignement que les autres enfants
de leur âge. Car le sens le plus profond de l’exigence d’égalité à l’école
est bien là : permettre aux jeunes filles voilées d’accéder à cette forme de
vie où elles sont traitées pareillement aux garçons. Les exclure, c’est …
décider délibérément de ne pas les traiter comme les autres ».
Article du Monde
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