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De plus en plus de parents, d’enseignants et de jeunes se posent la question du sens de la rupture liée au passage de l’école au collège. Certains parlent de l’entrée dans le petit lycée, d’autres parlent du passage dans l’univers des grands, mais on parle très rarement de la question de la continuité des apprentissages. D’ailleurs il est courant d’entendre de nombreux adultes dire que cette « rupture » est une sorte de rite initiatique qu’il ne faudrait pas supprimer et qui est fondé dans des pratiques ancestrales et traditionnelles. A y regarder de plus près, on observe que la notion de passage de l’enfance au monde des adultes, qui est un rite initiatique ancestral très important, ne se situait pas au même moment que le passage de l’école primaire au collège, mais souvent plus tard, voire bien plus tard dans certaines sociétés. L’arrivée du socle commun vient donc justement réactiver cette question de la séparation entre l’école primaire et le collège. Le B2i d’abord puis le cadre européen des langues et maintenant le socle commun, tout concourt à commencer à penser autrement ce que dans d’autres pays on appelle « l’éducation de base » ou « l’école fondamentale ». L’annonce récente des évaluations (sommatives – positionnement par rapport au socle) qui seront proposées en CE1 et en CM2 (et non plus en CE2 et en 6è sous forme d’évaluation diagnostique) pose aux enseignants de l’école primaire la question de savoir s’ils vont être de nouveau mis en accusation par le collège comme on le sent dans de nombreux discours actuels. Nos gouvernants semblent bien embarrassés avec le collège qu’ils ne parviennent pas à redéfinir. L’arrivée du socle commun pourrait bien être le « coin de bois » destiné à faire éclater la séparation école collège. Parce qu’il définit ce qu’un jeune doit absolument et au minimum maîtriser en fin de scolarité (à 16 ans et non pas en fin de collège), parce qu’il ne sépare pas l’école et le collège mais inscrit bien l’apprentissage dans une continuité incluant l’ensemble de la scolarité obligatoire, le socle commun invite à penser une école ou une éducation de base ou fondamentale (il suffit de s’interroger sur le sens des compétences 6 et 7 du socle). Malheureusement l’école et le collège sont actuellement rigoureusement distincts sur un plan juridique et administratif. Ils semblent aussi l’être sur le plan pédagogique. Mais là les choses sont moins simples. Surtout l’école et le collège sont la plupart du temps « physiquement » séparés. S’il fallait rêver d’une réunification, on imagine immédiatement la complexité d’un tel projet. Et pourtant est-ce si absurde sur le plan des apprentissages ? Il suffit de se tourner chez certains de nos voisins européens pour se rendre compte que cela existe sans problème et que l’absence de ces rites de passage n’est pas un problème. Si nous poursuivons l’idée, certains l’ont déjà anticipé dans la pratique de leur classe, il suffirait de faire de l’école un petit collège ou du collège une grande école. Mais on entend déjà gronder les résistances face à un projet d’unification. L’opportunité du socle commun pourrait pourtant être le moyen d’engager enfin et avec de solides arguments la réflexion sur le lien école-collège. Bien au delà des questions de bi-disciplinarité, bien au delà du retour au bon vieux temps des PEGC, la question ouverte aujourd’hui est celle de la finalité d’une éducation de base et de la manière pour tous et donc pour chacun d’y accéder. Quel sens alors prend la différence entre ces deux entités, école et collège ? On peut faire l’hypothèse que la mise en place du socle commun, d’un livret de compétences qui suivra l’élève au delà des établissements, vont amener à l’ouverture en premier lieu d’un dialogue entre les deux mondes. Or ce dialogue est nécessaire, pas seulement au niveau des enseignants, mais aussi de l’ensemble de l’organisation de l’éducation nationale qui devrait alors repenser jusqu’à la formation même des enseignants, leur suivi, leur accompagnement, mais aussi l’encadrement. On pourrait imaginer à terme des conflits territoriaux importants (l’apparition d’EPLE pour des regroupements d’écoles à titre expérimental est un premier indicateur) appelant à inventer de nouvelles solutions. Réunir un collège et plusieurs écoles pourrait être une piste intéressante (des expérimentations existent ici ou là) pour démarrer ce type de rapprochement à condition qu’il ne soit pas sur la base d’un assujettissement mais bien d’un projet nouveau. La forme de ces rapprochements reste encore largement à inventer. Souhaitons que le socle commun soit l’occasion de le penser et que les acteurs de terrains, en particulier dans les zones les plus sensibles, puissent construire cette nouvelle éducation de base. Sur le collège : voir l’article de Jean-Paul Delahaye |
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