Peut-on enseigner autrement et de façon interdisciplinaire les sciences ? Mathieu Hirtzig, David Wilgenbus et Gabrielle Zimmermann, tous trois acteurs de La Main à la pâte, proposent de renouveler nos approches avec un ouvrage qui est à la fois un guide scientifique, pédagogique et pratique pour faire de l’enseignement des sciences un moment plaisant qui fait adhérer et réfléchir les élèves. Cet ouvrage qui est une belle réussite est aussi disponible gratuitement pour les enseignants.
Un guide pédagogique et scientifique
Les professeurs des écoles, les enseignants de SVT ou de physique chimie des collèges sont soumis à des pressions de plus en plus soutenues pour enseigner les sciences autrement à travers des démarches d’investigation. Si l’institution excelle à donner des instructions elle s’avère nettement moins efficace pour aider les enseignants à modifier leurs pratiques. C’est là où intervient La Main à la pâte à travers des formations mais aussi avec ce nouvel ouvrage qui constitue un véritable appui pour les enseignants de l’école élémentaire et du collège.
L’océan, ma planète et moi s’ouvre sur une mise au point scientifique qui ne sera pas inutile notamment au premier degré où souvent les professeurs des écoles ne sont pas des scientifiques.Cet éclairage est accessible et fait le point sur la machine océanique, l’océan comme milieu de vie et les défis qui lui sont posés.
Une seconde partie est une mise au point pédagogique tout aussi claire. Il s’agit de faire comprendre ce qu’est la démarche d’investigation. Par exemple les auteurs insistent sur la nécessité de la confrontation et du débat ou sur la mise par écrit des représentations et des démarches.
Des séquences clés en main
Viennent ensuite des séquences clés en main pour les cours de l’école et du collège. Les enseignants y trouvent des fiches pédagogiques prêtes à l’emploi et des déroulés de cours précis. On appréciera notamment les manipulations scientifiques réalisées avec des objets simples et facilement accessibles. Pour montrer les courants maris il suffit d’une petite bouteille, d’une bassine et d’un colorant. Un paquet de semoule, une bassine et un radiateur suffisent à faire observer les effets du changement climatique sur les océans !
Alors que le ministère introduit un cycle commun école – 6ème, qu’il invite à l’interdisciplinarité les enseignants du collège, cet ouvrage est un vrai appui pour faire de ces changements des opportunités. On notera les articulations entre SVT, physique chimie et géographie. C’est surtout un outil parfaitement réussi pour changer son enseignement et impliquer réellement les élèves dans des démarches scientifiques pour agir sur leurs représentations.
Un ouvrage gratuit
L’ouvrage est en vente en librairie. Mais les enseignants peuvent aussi l’obtenir gratuitement par le site de la Main à la pâte. Les fiches pratiques sont téléchargeables gratuitement sur le site ainsi que des animations. Un forum permet aux enseignants de collaborer.
François Jarraud
Mathieu Hirtzig, David Wilgenbus et Gabrielle Zimmermann, L’océan, ma planète et moi, Fondation La Main à la pâte – Editions Le Pommier, 2015. 9782746509313.
Travailler les représentations des élèves
David Wilgenbus et Mathieu Hirtzig reviennent sur quelques choix effectués dans l’ouvrage et dans la pédagogie mise en place. L’apprentissage des sciences ce n’ets ni une question d’autorité ni une question de démocratie…
L’ouvrage est un outil de formation pour les enseignants ?
MH – Les enseignants du premier degré ont souvent suivi des cursus universitaires non sceintifiques. Il y a donc nécessité d’une mise au point scientifique. Mais au delà on sait que la formation continue des enseignants est des plus réduites. L’ouvrage apporte des analyses pédagogiques et des fiches clés en main qui permettent de mener des démarches d’investigation en classe sans prendre de risques.
Par exemple l’ouvrage insiste sur les phases de confrontation et de rédaction. C’est important ?
MH C’est essentiel. Ce sont souvent des étapes oubliées. L’idée c’est de prendre en compte les représentations des élèves et de faire émerger des désaccords entre eux. C’est la base de la démarche d’investigation. Du coup on entre dans la nécessité d’argumenter pour convaincre et donc dans l’expérimentation. Le conflit cognitif qui est apparu est très important. C’est lui qui implique l’organisation de la séquence.
Un autre moment fort c’est la confrontation au savoir savant. Après tout la classe peut totalement se tromper dans sa démarche et ses expérimentations. Il y a un moment où l’enseignant confronte les résultats mis par écrit des élèves au savoir. Et si ça diverge il faut trouver où est l’erreur.
Toutes ces étapes permettent de mettre au clair de façon économique les représentations des élèves et de les modifier. Le risque ce serait de coller des savoirs vrais sur des représnetations non explicitées erronées.
Le rôle de l’enseignant change ?
DW On le voit dans les classes quand on chronomètre le temps de parole. Ce sont les élèves qui parlent le plus longtemps. L’enseignant n’intervient que ponctuellement. Mais son rôle n’en est que plus important. C’est lui qui fait émerger les représentations des élèves et les questions. C’est lui qui valide la démarche.
Vous livrez des séquences clés en main. Pourquoi ?
DW C’est le résultat de nos observations en classe. On s’est rendu compte qu’un tiers des enseignants s’affranchissaient beaucoup des fiches de séquences. Un tiers les suit pas à pas. U autre tiers réorganise les séquences pour faire leur progression. On laisse ainsi un matériel pédagogique dont chaque enseignant fera ce qu’il voudra selon son niveau de connaissnace scientifique ou son expérience du métier.
Vous donnez beaucoup de séquences : d’une quinzaine à une trentaine selon les niveaux et les disciplines. Ce n’est pas trop ?
MH On ne s’attend pas à ce que les enseignants les fassent toutes. On a observé qu’en général ils utilisent 8 à 12 séquences. Mais il est bon qu’ils puissent choisir acr ils ne font pas tous les mêmes séquences.
DW Quand on écrit ces ressources pédagogiques on considère aussi qu’elles participent à l’autoformation des enseignants. Certains vont juste utiliser les fiches d’activité. On a voulu qu’elles puissent être faites dans les écoles telles qu’elles sont c’est à dire sans matériel. Le débutant va s’appuyer directement sur elles. Le professeur plus expérimenté va prendre ici et là et faire son propre chemin. Nous on invite l’enseignant à construire sa propre progression et à adapter le matériel pédagogique à ses élèves. Ce qui compte c’est que l’élève fasse de la science.
Les fiches pédagogiques ont été testées ?
DW On a travaillé avec 40 classes du primaire et du secondaire et chaque fiche a été testée au moins 3 fois.
L’ouvrage donne une grande place aux manipulations. C’est important pour l’enseignement des sciences ?
MH On vient du mouvement pédagogique des méthodes actives. On pense que l’on apprend mieux en faisant. Mais l’enseignant doit guider et orienter les expérimentations. On a choisi de proposer des manipulations que tous les enseignants peuvent faire quelque soit leur formation ou leur matériel.
DW C’est aussi un positionnement par rapport aux sciences. Face aux questions, les scientifiques répugnent aux réponses d’autorité. La science ce n’est pas non plus une histoire de démocratie : ce ne sont pas les plus nombreux qui ont raison. Les scientifiques laissent la réponse à l’expérimentation et c’est la nature qui va apporter la réponse. Ca oblige à l’humilité mais du coup ça permet aussi de revoir ses représentations erronées de façon économique.
Propos recueillis par François Jarraud