Par François Jarraud
Deux faits divers, graves, mettent en évidence les tares d’un système d’évaluation des enseignants qui n’a pas changé d’un iota depuis le 19ème siècle. Au point de générer maintenant le trouble.
Le premier fait est particulièrement dramatique. Il s’agit de ce jeune instituteur de l’Aude qui a tenté de se suicider, dans son école, le jour même de son inspection. Il en dit long sur la perception qu’avait ce jeune homme, évidemment à tort, d’une inspection. Le second c’est cette enseignante de l’Orne suspendue parce que, selon le rectorat de Caen, interrogé par le Café, elle « ne tenait pas sa classe ».
A qui fera-t-on croire, alors que de nombreux travaux ont démonté ces mécanismes de chahut classique (ceux d’E. Debarbieux par exemple), que les problèmes de discipline sont uniquement des problèmes de personne ? Or, selon son défenseur syndical, l’enseignante s’est retrouvée isolée dans l’établissement, les élèves chahuteurs n’étant pas sanctionnés. L’envoi durant ses cours d’un surveillant n’a fait que saper davantage son autorité et la désigner aux yeux des élèves comme la source de la difficulté et une personne « chahutable ». C’est cette vision traditionaliste du maître isolé que vient confirmer la sanction rectorale. C’est la négation de toute équipe pédagogique alors même qu’on sait que ces équipes sont la vraie réponse aux problèmes de discipline et que c’est la mission des corps d’inspection que de conseiller et soutenir. Disons le, l’évaluation qui a été faite de cette enseignante ne devrait plus exister au 21ème siècle.
De tels drames sont heureusement rares, mais ils démontrent l’inefficacité de l’inspection comme système d’évaluation et d’encadrement. A vrai dire, son inadaptation a été proclamée haut et fort il y a déjà 5 ans dans un rapport réalisé pour le Haut conseil de l’évaluation de l’école par Yves Chassard et Christian Jeanbrau. Ils dénonçaient un système » injuste, incohérent et inefficace ». Que dire de plus ? Ils préconisaient une inspection de l’équipe éducative, ce qui se pratique chez les autres pays européens. « Nous sommes parvenus à la conclusion », disaient-ils, » qu’une réforme de l’appréciation des enseignants devrait chercher à satisfaire deux objectifs prioritaires : dépasser le cadre étroit de l’inspection individuelle pour les aider, par un conseil et un soutien pédagogique judicieux, dans l’exercice de leur métier, leur ménager davantage de possibilités de mobilité en cours de carrière ». Sur ces deux points, quel échec !
Combien de victimes, combien de rapports enterrés faudra-t-il pour moderniser et « européaniser » notre système d’évaluation ? « Il faut remettre à plat le système… Nous sommes trop obsédés par l’inspection individuelle des professeurs » déclarait en octobre dernier Xavier Darcos. Depuis il a décidé d’augmenter la fréquence des inspections…
Sur cette affaire : Dépêche AFP