La cuisine, un
support pour apprendre à penser ensemble ?
Sylvie Chevillard
illustre dans l’atelier « cuisine » : elle va installer les participants
dans une démarche de production qui nourrit les
questionnements : « goûtez
mes boulettes, et allez chercher dans l’épicerie tout ce
qu’il faut pour la réaliser… »
Après une heure
trente d’échanges discutés,
d’étonnements, de propositions
contradictoires et de verbalisations diverses, et
l’expérience d’étonnantes
difficultés pour les participants à retrouver
les ingrédients d’origine, elle conclut :
« même dans un
atelier de ce type, en classe, je ne présuppose pas qu’ils
savent déjà des choses, je m’appuie sur ce qu’on
vit ensemble, qu’on organise, qu’on ritualise, qu’on modifie, pour
construire une expérience commune sur les outils et les
situations ».
Pour elle, les verbalisations organisées par l’enseignant,
les
reformulations permettent de comprendre que dans le milieu de la
classe, on construit des références communes qui
construisent des savoirs. « Il
faut prendre le temps d’installer les situations pour qu’on comprenne
ce qui est identique ou différent de la séance
précédente, et en quoi tout cela nous
permet de faire expérience. Connaissances sur la
matière, des ustensiles, savoir-faire et manipulations,
démarches d’instigations, références
culturelles se mêlent pour y contribuer. La
question du temps est essentielle, à la fois pour
permettre de répéter et de faire rupture… »
Peu compatible avec les normes
actuelles, de plus en plus restrictives sur les questions
d’hygiène, d’allergie, de prévention
des risques ? Certes, des arbitrages forts sont nécessaires,
mais…
Les jeunes enseignants présents dans la salle prennent la
parole : « Moi, dans ma
classe, avec 28 élèves, j’ai beaucoup de
problèmes d’organisation matérielle. Je ne sais
pas comment on peut s’organiser pour faire ce genre de choses
régulièrement… ».
« Pour moi, il faut aussi
parfois accepter de choisir de laisser en situation de jeux une partie
de la classe pour que je puisse travailler sereinement avec un des
groupes », poursuit un des ses collègues. On se met la pression sur les
apprentissages permanents, mais je les laisse aussi souffler. Ca sera
d’autant plus efficace quand je leur demanderai de mettre en commun… ».
L’atmosphère de confiance de l’atelier libère les
paroles réelles : « ça
peut être effrayant pour un enseignant d’avoir à
gérer tout ça en même temps, le
matériel, les interactions langagières »…
« Il
peut y avoir effectivement plusieurs modes d’organisations, conclut
l’intervenante.
Ça aussi, ça s’apprend,
ça passe par des mises en mots de l’enseignant pour que les
enfants réalisent ce que chacun fait. »