Comment faire participer les lycéens, dans leur diversité, au fonctionnement de leur établissement, les responsabiliser sans que ça dérange personne ? La question est au centre de l’opération lancée par George Pau-Langevin le 13 mai. Elle a installé une commission chargée de préparer « l’Acte II » de la vie lycéenne. Elle rendra en septembre 2013 un rapport visant à « remobiliser les intervenants » et à « relancer le développement de la vie lycéenne ». Un cours d’initiation à la vie lycéenne sera donné à tous les lycéens en octobre 2013. C’est que la commission en charge de l’avenir de la vie lycéenne ne comporte aucun lycéen…
« Nous avons une longue tradition démocratique dans notre école. Nous savons que tout n’est pas rose. Les Comité de la vie lycéenne fonctionnent souvent avec difficulté. Les adultes ne prennent pas toujours au sérieux la parole des élèves. Il y a beaucoup de préjugés à combattre pour faire avancer la démocratie pour les élèves… Il faut se concentrer sur l’idée de la responsabilisation des lycéens… Responsabiliser les élèves c’est leur permettre d’agir de manière autonome en ayant conscience qu’ils devront répondre de leurs actes ». C’est sous cet angle que la ministre de la réussite éducative a présenté le 13 mai un nouveau chantier ministériel : la préparation de « l’Acte II de la vie lycéenne ». Pour George Pau-Langevin il s’agit de faire un bilan de 20 ans de « vie lycéenne » et de tracer un trait avec la démarche de Luc Chatel. Les lycéens ont souffert des suppressions de postes. Ils ne sont pas pour autant prioritaires sous Peillon. Pour la ministre il faut « agir contre le sentiment d’impuissance des élèves » et « créer des éléments propices à la réussite »
Quel bilan pour la vie lycéenne ?
Pour établir le bilan, G Pau-Langevin réunit ce 13 mai les délégués académiques à la vie lycéenne et le délégué national, Saïd Benmouffok. CPE ou enseignants ils ont témoigné de leurs actions jusqu’à ce que le délégué de l’académie de Limoges commence à parler vrai. « Si le CPE ou le chef d’établissement n’est pas convaincu , rien n’est possible » , témoigne-t-il. Or justement il y a des endroits où rien n’est possible comme l’atteste par exemple la déléguée de Reims. Dans cette académie plusieurs établissements ne réunissent même pas la CVL. Dans une autre, Créteil, on sait que pour joindre les vice-présidents élèves des CVL il est inutile de compter sur les proviseurs. A Montpellier dans de nombreux établissements « on occupe les élèves avec des projets mais ils ne sont pas dupes ». Le bilan est vite établi : dans de nombreux établissements la vie lycéenne c’est surtout l’affaire du CPE…
Mais c’est quoi la vie lycéenne ?
D’où la nécessité de présenter les institutions de la vie lycéenne. Les Conseils de la Vie Lycéenne sont les plus récents. Créés en 1998, les conseils des délégués à la vie lycéenne formulent des propositions sur l’utilisation des fonds lycéens et doivent officiellement être consultés sur l’organisation des études et du temps scolaire, sur le travail personnel et le soutien des élèves ou leur orientation. Il a son mot à dire aussi sur l’hygiène et la sécurité et sur les activités sportives, culturelles et périscolaires. Le vice-président du CVL (un élu lycéen) est membre de droit du conseil d’administration du lycée où il présente ses travaux. Le CVL doit être réuni avant chaque séance du CA.
Voilà pour la théorie car à l’évidence la réalité est toute autre. Pour Philippe Tournier, secrétaire général du Snpden, le principal syndicat de chefs d’établissement, « beaucoup de CVL sont sous perfusion. Les CPE cherchent des candidats. Ceux-ci sont le plus souvent les élèves académiquement les mieux intégrés », c’est à dire les premiers de la classe, pas forcément représentatifs de leurs camarades. Des propos corroborés par les témoignages des délégués académiques qui signalent des taux de participation faibles à leur élection et souvent l’absence de choix parmi les candidats. A l’évidence dans de nombreux établissements les CVL ne sont pas réellement consultés sur l’organisation des études et du temps scolaire.
Depuis 1991, il y a des conseils académiques de la vie lycéenne et depuis 1995 un conseil national. Mais c’est seulement depuis 2005 que chaque académie doit avoir un délégué académique.
Une nouvelle commission et un calendrier
C’est dans ce contexte que G Pau-Langevin propose l’Acte II. La commission préparant l’Acte II est présidée par la député socialiste Anne-Lise Dufour-Tonini, maire de Denain. Une proviseure, Christine Borredon, préparera la rapport avec l’aide de l’inspecteur général Claude Bisson-Vaivre, doyen du groupe EVS, et de Souâd Ayada, inspectrice générale de philosophie. Elle sera chargée de faire le bilan officiel des 20 ans de la vie lycéenne et de faire des propositions « de relance de la vie lycéenne » dans un rapport rendu en septembre 2013.
En octobre, de préférence durant la 7ème semaine de cours, dans chaque lycée tous les élèves devront suivre un cours de 2 heures de connaissance des instances de la vie lycéenne. Ce cours aura probablement lieu sur l’horaire d’ECJS. il pourrait etre fait par les professeurs en charge de l’ECJS et/ou par le référent établissement de la vie lycéenne qui est souvent un CPE. Le ministère mettra à leur disposition un kit pédagogique. Des débats seront organisés dans les académies sur le relance de la vie lycéenne. Le ministère prévoit de rénover le site du CNVL et développe une page Facebook à destination des lycéens.
Que peut-on en attendre ?
Pour Alexis Séverin, professeur d’histoire-géo et délégué académique de Montpellier, « sur el terrain on peut changer les choses ». Pour lui, « la vie lycéenne est un bouleversement culturel qui n’est aps encore entré dans toutes les mentalités » d’autant qu’elle est absente de la formation des enseignants. « Quand ça fonctionne, le CVL est un acteur de modification du quotidien dans les établissements. Parfois pour des choses jugées peu importantes par les adultes mais essentielles pour les élèves comme les heures d’ouverture des portes. Ils arrivent à convaincre les adultes. Par exemple sur la mise en place de l’accompagnement éducatif ils peuvent faire changer les choses ». Philippe Tournier est plus sceptique. « On décrit les CVL comme si on était hors sol. Mais les établissements sont des micro sociétés avec des forces sociales en présence. Les chefs d’établissement ne sont pas les plus réticents à faire fonctionner la vie lycéenne. Ce sont les enseignants qui freinent. Le chef d’établissement doit arbitrer entre des adultes qui sont là pour longtemps et des élus lycéens qui ne sont là au maximum que pour deux ans… »
Poser la question de la vie lycéenne c’est interroger la place des élèves dans les établissements. Or si en apparence ils sont présents partout (CVL, conseil d’administration, commission permanente, conseil de discipline) leur rôle réel est beaucoup plus limité. Ils ne siègent pas dans le conseil pédagogique créé récemment pour mettre en place la réforme du lycée. Ils sont ultra minoritaire dans le CA et le conseil de discipline. Ils ne siègent pas dans la commission d’appel. Et pas davantage dans la commission chargée de relancer la vie lycéenne… Comment responsabiliser les élèves sans faire de l’ombre aux autres acteurs des lycées ? Voilà un sacré problème à résoudre pour la commission.
François Jarraud