Par Antoine Maurice
Editorial
On ne peut pas passer à côté ! Quasiment tous les sites académiques présentent le projet de programme pour le lycée d’enseignement général et technologique « mis en consultation » entre le mercredi 27 janvier et le vendredi 12 mars 2010. Si on peut logiquement se questionner sur le pourquoi d’une telle urgence et d’un laps de temps si court pour « discuter, échanger », il est également nécessaire d’aborder le fond du sujet.
Le premier point qui ressort, met en avant une continuité dans le trajet de formation de l’élève entre le collège et le lycée, avec une mise à jour terminologique nécessaire et judicieuse qui montre un progrès évident sur ce point là.
De plus, le projet affiche clairement, les objectifs, les finalités de la discipline en précisant les spécificités de chaque niveau de classe. Elle précise également « qu’il est attendu qu’au moins trois compétences propres à l’EPS, dont obligatoirement la compétence propre 5, organisent l’offre de formation ».
Ainsi, une question vient rapidement et même plusieurs questions !? Tout d’abord, si on parle d’offre de formation, il convient de prendre en compte la diversité des publics et ainsi des besoins. Il est évident que les activités de développement et d’entretien de soi ont un intérêt considérable (voir analyse de l’académie de Créteil), toutefois cet intérêt peut il être généralisable à l’ensemble des contextes ? Ainsi, pourquoi « obliger » ce passage et donc, pourquoi ne pas faire confiance aux équipes pédagogiques pour proposer une « offre de formation » la plus judicieuse possible ?
On peut donc logiquement soulevé certaines interrogations…
De plus, petit détail, toujours concernant la CP5, il est affiché l’atteinte du niveau 3 dès la classe de seconde. Ainsi, comment un élève qui n’a par définition pas eu d’enseignement concernant la compétence propre « réaliser et orienter son activité physique en vue du développement et de l’entretien de soi » peut-il atteindre un niveau 3 ? L’exemple du STEP est ici flagrant, de plus, cela suppose qu’il existerait un certain nombre de ponts entre les compétences propres et ainsi, quelle légitimité à proposer une classification ?
Incontestablement, il existe des progrès évident dans ce projet, mais ce dernier soulève également de nombreuses questions, sans évoquer ici le temps laissé à la concertation.
Les propositions
Voici le projet de programme pour le lycée général et technologique, pour l’enseignement d’exploration en EPS (5heures hebdomadaires) et pour l’enseignement facultatif d’EPS.
http://eduscol.education.fr/cid49936/consultation[…]
Analyse CP5 académie de Créteil
L’académie de Créteil propose une analyse permettant de nourrir la réflexion concernant la CP n°5 « réaliser et orienter son activité physique en vue du développement et de l’entretien de soi »
http://eps.ac-creteil.fr/spip.php?article465
Regard du SNEP
Nous laissons la parole à Christian Couturier du SNEP, qui se positionne sur le projet de programme du lycée.
Programme EPS lycée : qui a peur du débat professionnel
Une méthode inquiétante
Les programmes lycées viennent d’être réécrits par l’Inspection Générale et un petit groupe de personnes cooptées. Le ministère a commandé à toutes les disciplines de revoir leurs programmes dans un délai d’un mois ! Les exigences de publication des manuels scolaires imposaient au ministère ce calendrier totalement irréaliste pour la mise en place de sa réforme en septembre 2010. Mais en EPS ça ne se justifiait pas, les horaires ne subissant pas de baisse, contrairement à ceux de certaines disciplines, grâce à la pression exercée par le SNEP dès le début de la réforme des lycées et à notre demande de passer à 3h hebdomadaires. Le ministère pouvait donc prendre le temps d’en faire, comme nous le demandons depuis toujours, un vrai débat professionnel. Si l’Inspection générale avait été dans cette même logique d’un développement de la professionnalité par l’échange et le débat avec les collègues, au lieu de fonctionner par injonctions de plus en plus fortes, nous aurions été davantage armés pour obtenir un échange riche de propositions, en phase avec les pratiques professionnelles. La conséquence est une tentative d’assujettissement de la profession à un point de vue exclusif : c’est une nouvelle politique concernant les contenus de l’EPS qui est en cours car, jusqu’à présent tout le monde, SNEP y compris a travaillé pour la recherche de compromis acceptables, et les précédents textes sur les lycées en sont un bon exemple (c’est en tout cas ce qu’il s’est passé, même avec difficultés, sur les programmes jusqu’en 2002 en particulier). Un sujet d’étude pour les historiens et les futurs candidats aux concours, dans le contexte Sarkozien: « on écoute, mais on ne bouge rien ! »
Une pseudo consultation a été lancée fin janvier par le ministère, sur le projet de texte. Elle doit durer jusqu’au 12 mars, (vacances étalées sur un mois comprises !), et être prise en charge par les Recteurs. Les premiers retours nous montrent évidemment (nous avons déjà eu malheureusement la même expérience pour les programmes collèges), que cette consultation est menée de façon totalement différente selon les académies, certaines demandant un point de vue individuel sur internet, d’autres sollicitant les équipes sur quelques questions « orientées », d’autres encore sur l’ensemble du projet… Bref un véritable patchwork. Pour autant, les résultats seront utilisés sans scrupules par le gouvernement.
Des contraintes, toujours des contraintes !
Chaque nouveau programme a maintenant une orientation constante visible : imposer aux équipes de nouvelles contraintes. Dans ce cas précis pour les lycées, il s’agit d’imposer en seconde un cycle de CP5 (compétence propre n°5) et de programmer 3 CP différentes. Dans le jargon nouveau et moderne, faire de l’EPS c’est « faire des CP ». Concrètement cette mesure revient à imposer un tiers des activités en seconde (en moyenne on fait 3 cycles pour respecter des volumes horaires en deçà desquels il n’y a pas, ou peu, apprentissage) et interdire de programmer la même année un sport de raquette et un sport collectif. Autrement dit l’espace de liberté du projet se réduit de manière conséquente. Les programmes précédents imposaient de couvrir l’ensemble des « CP » sur la scolarité lycée. C’était clair et suffisant : à chaque équipe d’organiser l’EPS pour amener les élèves, au cours de leur scolarité au lycée, au niveau attendu dans les activités programmées.
Ce surajoute un autre problème : lors des programmes collèges (mais cette question date du début des années 90) le SNEP a dénoncé le mode de classement des APSA reposant sur ces 4 ou 5 « CP ». Nous nous sommes étonnés de n’avoir aucune réponse à nos questions sur le fait que l’on puisse dire : la lutte et le volley-ball, c’est la même compétence ! En fait il n’y a pas de réponse. La programmation actuelle n’est qu’un outil anti sports co, anti sports de raquettes, anti sports de combat, pour limiter leur importance. Le mot affrontement qui est censé regrouper ces activités et être une compétence n’est qu’un mot, il ne reflète pas les mêmes réalités : dans les loisirs aussi on s’affronte, on fait de la pétanque !
Non sérieusement, malheureusement pour l’EPS, nous sommes loin, très loin des exigences que nous devrions avoir, collectivement pour la discipline, sur le plan théorique et pratique.
En fait notre bataille syndicale pour dire NON à ces deux mesures repose sur un point de vue simple : plus on contraint, on impose, moins on fait réfléchir… on est en train de transformer les enseignants d’EPS en applicateurs de programmes. Le pouvoir rêve de ça : que les profs fassent ce qu’on leur a dit de faire et où on leur dit de faire. Et il faut un corps d’encadrement, à tous les échelons de la hiérarchie, pour surveiller… et punir ! Car c’est ainsi que les choses se passent de plus en plus : pression sur les équipes, pression par les notes, sur l’avancement, etc. Le nouveau décret sur les EPLE est exactement dans cette veine. Nous ne l’acceptons pas. La profession a su au cours de son histoire faire preuve de créativité, d’inventivité, pour s’adapter à l’évolution de l’école. Elle a su faire preuve de rébellion également lorsque c’était nécessaire. Et, comme par le passé, le SNEP reste aujourd’hui le seul contre-pouvoir sur le champ de l’EPS.
Il faudrait changer de logique, mais ça va être difficile
Nous avons toujours conçu notre syndicat comme un lieu de création d’un lien professionnel. Les enseignants d’EPS le savent bien, c’est la raison de leur confiance notamment au moment des élections professionnelles (plus de 81 % des voix). Cela ne signifie pas que tout le monde partage l’ensemble de nos points de vue. Mais le débat est productif et nous pouvons démontrer, preuves à l’appui puisque les archives (papier et surtout informatiques) existent, que nous n’avons jamais fait sur les programmes de blocage systématique ou insensé. Au contraire nous avons toujours essayé d’ouvrir notre position initiale (comme par exemple en 2001 pour introduire la « CC5 »), pour afficher une EPS acceptable. Ce travail a d’ailleurs toujours été reconnu par la suite, y compris par nos opposants, comme salutaire.
Bref, pour toutes ces raisons, de fond sur les programmes et sur la « nouvelle gouvernance » de la discipline, nous appelons à prendre la consultation (malgré le temps et la méthode) comme un lieu d’expression pour dire NON à ces nouvelles contraintes. En attendant, pas le temps ni de lieu pour discuter des vrais problèmes professionnels : la définition des niveaux de compétences. A quand un vrai débat là-dessus ? Le SNEP en fera un grand moment lors de la « Faites-fête de l’EPS et du sport scolaire » qu’il organisera en novembre 2010
Pour le SNEP, et au regard de notre statut de fonctionnaire de catégorie A, un enseignant est un concepteur. Or, allez vérifier, nous sommes la seule discipline à être à ce point « encadrée » !
Le site du SNEP
Faites-fête de l’EPS