Au collège, l’élève de 6e est confronté à un nouvel environnement dans lequel il lui faut assimiler très vite de nombreuses informations. Cependant, il arrive également avec des lacunes qui relèvent souvent de capacités ou d’attitudes non validées à la fin du palier 2. Comment travailler à la fois sur les nouveaux apprentissages spécifiques à la classe de 6e tout en remédiant aux lacunes antérieures ? L’équipe du collège Fernand Léger a fait le choix d’aligner les heures d’accompagnement personnalisé dans deux matières – français et mathématiques – dans le but de favoriser le travail par compétences. En effet, les groupes de besoins changent toutes les 7 semaines, enjoignant l’enseignant à modifier sa posture pour passer du cours magistral à l’accompagnement bienveillant.
Quelle mise en œuvre des groupes de compétences au sein de l’établissement ?
En septembre, une évaluation diagnostique a été menée auprès de tous les entrants en 6e en français, anglais et mathématiques.
A la lecture des résultats de français et de mathématiques, les élèves ont été répartis dans différents ateliers en groupe d’accompagnement personnalisé. Il s’agissait de compétences transversales liées au domaine du Socle de connaissances et de compétences (compréhension écrite/ production écrite / maîtrise de la langue). Un dernier atelier concernait l’écriture longue et abordait la vie de collégien sous la forme d’un « journal intime du collégien ».
En maîtrise de la langue, le travail s’est appuyé sur les évaluations diagnostiques et les éventuels Plans Personnalisés de Réussite Educative. A partir de ces documents, un plan de travail a été établi. Il s’agissait de recenser tous les points à travailler pour chacun des élèves sur une période de 6 à 7 semaines (donc 6 à 7 séances d’une heure chacune).
Sur quels supports les élèves ont-ils travaillé en maîtrise de la langue ?
A partir du plan de travail, des leçons papier, et des séries d’exercices sont donnés aux élèves, ainsi qu’une tablette, laquelle peut servir à divers usages :
– exercices en auto-correction ;
– consultations de leçons sur divers sites (ralentirtravaux, etc.) ;
– consultations de livres numériques dédiés à la maîtrise de la langue ;
– consultations de capsules vidéos de cours en ligne réalisées par des élèves/enseignants.
Quel est le degré d’autonomie laissé aux élèves dans le Plan de Travail ?
L’élève bénéficie d’une très grande liberté, il peut :
– réaliser le travail demandé dans l’ordre qui lui convient ;
– prolonger le travail à la maison s’il le souhaite ;
– avoir recours à tous les supports (papier, numérique) ;
– faire le nombre d’exercices qu’il souhaite jusqu’à une maîtrise suffisante de la notion.
Comment les élèves sont-ils évalués ?
Pour s’évaluer, les élèves reçoivent une auto-évaluation. Celle-ci est réalisée à leur demande, lorsqu’ils se sentent prêts. Ils indiquent eux-mêmes sur leur plan de travail si la notion est ou non acquise. Une évaluation sommative leur est donnée lorsqu’ils le demandent. Celle-ci reprend en grande partie des exercices déjà effectués afin de ne pas piéger les élèves. Il s’agit d’instaurer entre l’enseignant et les élèves une relation de confiance, garante de la réussite du travail en autonomie.
Quel bilan peut-on tirer de cette action ?
Aucun élève ne travaille sur la même leçon mais tous sont engagés dans la tâche qui leur est propre. Nous n’avons pas jusque là rencontré de problèmes liés à la tricherie (des élèves qui regarderaient à l’avance les réponses avant de réaliser leurs exercices). Le fait d’avoir à disposition les exercices et leur correction suffit à les en dissuader : leur but n’est plus « d’avoir bon » mais de valider une notion de maîtrise de la langue et atteindre l’étape de l’évaluation sommative. La motivation n’est plus extrinsèque mais intrinsèque, puisque personne n’oblige ces élèves à travailler. On note tout de même quelques réserves : ce dispositif ne serait peut-être pas si efficace au-delà de la 6e. Il sera expérimenté l’an prochain en 4e et 3e.
Le plan de travail étant propre à chacun, l’apprenant n’est plus tenté de disperser son attention. La diversité des élèves, issus de toutes les classes de 6e, favorise également l’engagement des élèves en explosant le groupe classe au profit d’un travail individuel, ou en petit groupe sur la même notion. Le groupe se définit alors par des difficultés communes auxquelles il va falloir remédier. L’usage de la tablette et la liberté totale laissée à l’apprenant sont un puissant levier de réussite. De nombreuses applications de maîtrise ayant été installées sur les tablettes, l’élève construit son propre parcours d’apprentissage, alternant les capsules vidéo, les leçons papier, les exercices en ligne et les exercices traditionnels. On remarque que les élèves ont tendance à prolonger le travail en classe puisque le travail à la maison est rendu facultatif. L’apport du numérique ici explique en grande partie cet engagement dans la réalisation du plan de travail.
Quels ont été les apports du numérique dans ce projet ?
Le numérique ici sert à varier le support d’apprentissage mais également à faire le lien entre le collège (où l’élève utilise sa tablette), et la maison (où il peut prolonger à son rythme le travail fait en classe). Une expérimentation en cours en classe de 6e dans ce collège montre que les élèves passent beaucoup de temps sur les applications pédagogiques mises à leur disposition. La tablette se révèle être ici un vecteur de motivation dans le prolongement du travail en classe.
En conclusion
Mon projet de classe inversée en accompagnement personnalisé requiert quelques améliorations mais s’est révélé globalement satisfaisant. Mes élèves y construit ses compétences à leur rythme et ont choisi de manière pertinente les nombreuses ressources qui s’offraient à eux, et ce croisement des différentes sources (leçon papier traditionnelle, leçons en ligne et capsules vidéo) leur ont permis d’aborder la notion sous différents angles et de choisir celui qui leur convenait le mieux. La grande liberté laissée à l’élève en a fait un apprenant impliqué, acteur de son apprentissage, ne subissant plus la pression d’un enseignement dispensé à tous à un rythme identique. De mon côté, en tant qu’enseignante, ma posture a radicalement changé puisque je ne faisais plus un cours unique, mais me suis placée en accompagnant, aidant les élèves les plus en difficulté.
Valérie BOUCHER
CLG F. Léger, Vierzon.